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Le Kenya au risque de l’enlisement dans le sud de la Somalie
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Le Kenya au risque de l’enlisement dans le sud de la Somalie
 Nairobi veut pacifier sa frontière en reprenant la zone aux shebab. Mais sa stratégie pose question, écrit Stéphanie Braquehais, correspondante de Libération à Nairob. Extraits.
«Nous devons aller jusqu’au bout de notre mission en Somalie», répète le président kényan, Mwai Kibaki. Cependant, plus de trois semaines après le début de l’intervention militaire dans le sud de la Somalie pour lutter contre les insurgés islamistes, des doutes surgissent sur la clairvoyance d’une telle aventure. D’abord sur la méthode. «Envoyer des chars en pleine saison des pluies est surprenant, estime Lazarus Sumbeiywo, ancien chef d’état-major de l’armée kényane. Mais surtout, en tant que professionnel, j’aurais déployé l’armée sur la frontière et ensuite opéré des frappes chirurgicales, avec des unités commando, sur la base de renseignements efficaces.» L’ennemi est en effet volatil et va multiplier les embuscades typiques des guérillas.
Zone tampon
Mais, au-delà de la stratégie militaire, c’est l’objectif même de l’opération qui reste à définir. Comme l’Ethiopie, pays voisin, le Kenya cherche à protéger son territoire du chaos somalien en installant une zone tampon, et à chasser les shebab de leur bastion et poumon financier du port de Kismayo (à proximité de la frontière). «La grande inconnue, c’est que faire après la prise de Kismayo, s’interroge Rashid Abdi, de l’International Crisis Group. Les Kényans, qui sont partis la fleur au fusil, vont très vite réaliser leur erreur, d’autant que, dans la région, chaque pays joue sa carte et préfère protéger ses intérêts plutôt que de réellement rétablir la paix en Somalie.»
Depuis deux ans, le Kenya soutient l’initiative du Jubaland, consistant à mettre en place une entité semi-autonome autoproclamée, appelée l’Etat d’Azania, dans trois régions du sud de la Somalie (Bas-Juba, Moyen-Juba et Gedo). A sa tête, Mohamed Abdi Mohamed, un Franco-Somalien, qui est proche de la société pétrolière Total. Fin septembre, les soupçons ont repris de plus belle quand l’entreprise a acquis 40% dans cinq permis offshore dans le bassin de Lamu, jouxtant le sud de la Somalie.
Aucun agenda international
Le 23 octobre, le porte-parole de l’armée kényane, Emmanuel Chirchir, avait affirmé dans un communiqué qu’un navire français avait bombardé Kuday, un village au sud de Kismayo. L’état-major à Paris avait catégoriquement démenti ces déclarations, ajoutant que la France apportait uniquement un soutien logistique sous la forme d’un avion Transall effectuant des rotations de Nairobi jusqu’à Wajir, dans le nord du Kenya, pour transporter du matériel de l’armée kényane. «Il s’agit d’une intervention purement kényane», renchérit le député Mohamed Affey, ancien ambassadeur du Kenya pour la Somalie, qui affirme que cet engagement n’obéit à aucun agenda international et vise «à jeter les bases d’un dialogue politique pour que les Somaliens puissent enfin bénéficier d’institutions viables».
Source : Libération.fr
 
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