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Libye: la charia pour ressouder les rangs

26 octobre 2011, 20:00

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Libye: la charia pour ressouder les rangs

Les Occidentaux semblent s''''étonner du retour de la loi islamique en Libye. Mais le CNT avait-il vraiment le choix? Explications d’Akram Belkaïd,  dans SlateAfrique. Extraits.

 «Toute loi contredisant les préceptes de l’Islam sera considérée comme illégale. La loi régissant le mariage et le divorce en Libye (et qui interdit la polygamie, ndlr) est illégale et elle sera abrogée parce qu’elle contredit la Charia», a averti Moustafa Abdeljalil, le président du Conseil national de transition libyen (CNT), lors d’un discours proclamant la «libération de la Libye» dimanche.

Terminée donc l’époque, c’était en mars dernier, où des membres du CNT promettaient à un tout-Paris énamouré qu’ils allaient «mettre en place un Etat civil et laïc». Du coup, plusieurs commentateurs se sont indignés de cette «trahison». «Comment? Tous ces efforts, cette intervention militaire de l’Otan, tout cela pour que la Libye devienne islamiste?»

Préserver la cohésion

Il faut d’abord noter qu’à  plusieurs reprises, le CNT a fait savoir que son projet de future Constitution pour la Libye serait inspiré par la Charia et les préceptes coraniques. Ensuite, ce  n’est un secret pour personne que le CNT  a du mal à dégager un consensus pour la formation d’un gouvernement de transition. De nombreuses tendances régionalistes, tribales et politiques s’y opposent. C’est ainsi que le courant islamiste menace de ne plus reconnaître la légitimité du CNT.

Du coup, la déclaration d’Abdeljalil n’est rien d’autre qu’une concession pour préserver la cohésion d’une instance de plus en plus décriée. D’ailleurs, ces divisions expliquent aussi pourquoi le leader libyen a officiellement demandé, lors de la réunion des «amis de la Libye» à Doha au Qatar, que l’Otan continue ses opérations jusqu’à au moins la fin de l’année alors que l’Alliance envisageait de se retirer à la fin du mois d’octobre. «La présence de l’Otan, est une garantie de survie du CNT. Abdeljalil a peur que certaines factions se sentent pousser des ailes après son retrait» confirme un diplomate tunisien. En effet, on a du mal à comprendre pourquoi la présence de l’alliance serait aussi indispensable alors que les troupes de Kadhafi ont été défaites et que l’ex-«guide» a connu le sort que l’on sait.

Par ailleurs, la référence à la Charia est aussi une manière pour les nouvelles autorités libyennes d’essayer de faire oublier qu’elles ne sont au pouvoir que par la grâce d’une intervention étrangère largement occidentale et donc non musulmane. A ce jour, les opinions publiques arabes restent très ambiguës à l’égard du CNT. Si la chute de Kadhafi a été largement saluée, l’intervention de l’Otan continue à être mal vécue.

Un argument  surtout nationaliste

Cette intervention  est même mise en avant pour critiquer le nouveau pouvoir libyen accusé de n’être qu’un simple supplétif d’un Occident de nouveau travaillé par des ambitions néocoloniales. En affirmant le caractère musulman de la future législation libyenne, le président du CNT a finalement eu recours à un argument non seulement religieux mais aussi et surtout nationaliste. De même, c’est aussi une manière pour lui de remercier les pays arabes qui l’ont soutenu depuis le début et on les voit mal accepter que la nouvelle Libye soit un Etat civil et laïc.

« A ce sujet, il faut saluer la remarque du chercheur français Didier Billion qui s’étonne du fait que l’application, souvent au sens strict, de la charia dans les (très) riches pays du Golfe ne provoque aucune critique en Occident de la part de ceux-là même qui poussent des cris d’orfraie à cause des propos d’Abdeljalil… », conclut l’auteur.

Photo : Le président du CNT Moustapha Abdeljalil avec Hillary Clinton, le 18 octobre 2011.

Source : Slate Afrique

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