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Libye : les islamistes, les élections et l’Algérie
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Libye : les islamistes, les élections et l’Algérie
La victoire des insurgés libyens suscite plusieurs interrogations. Notamment le rôle joué par les divers courants islamistes, la tenue des élections, et l’influence de cet événement sur l’Algérie voisine.  Le politologue Hasni Abidi, spécialiste de la Libye et auteur du «Manifeste des arabes», répond aux questions de SlateAfrique.
Les islamistes libyens vont-ils accepter l’autorité du Conseil national de transition (CNT)? « C’est un problème épineux pour la transition libyenne. Nous avons des mouvements djihadistes, des mouvements salafistes et des Frères musulmans très influents. D’anciens chefs militaires de Kadhafi ont rejoint l’opposition et ont joué un rôle très important. Mais la force la plus déterminée ce sont les islamistes », estime le politologue.
Il est toutefois difficile de le mesurer le poids politique des islamistes, précise  Hasni Abidi. Avant d’ajouter : « Cette mouvance islamiste est importante. Elle est à l’avant-garde des combats. Quel est son poids politique? Quel est son poids électoral? Personne ne pourra vous répondre. Les élections doivent définir leur importance. Les valeurs sûres aujourd’hui, ce sont les valeurs familiales et tribales qui sont mesurables. Le reste à mon avis ce ne sont que des calculs et des pronostics qui risquent d’être démentis par l’actualité ».
L’auteur rappelle que la Libye est  une société foncièrement tribale. Les tribus ne sont pas limitées géographiquement. Elles ont des liens entre elles. « Les islamistes ne peuvent que se greffer sur cette réalité sociale. En attendant que les appartenances tribales deviennent des appartenances idéologiques. C’est là que les islamistes auront leur mot à dire dans cette nouvelle configuration politique. Il est trop tôt pour parler d’une catégorisation de la société libyenne: pour dire quel serait le poids des différentes composantes des laïcs, des monarchistes et des islamistes’, poursuit le politologue.
Calendrier électoral
Mais le  pays est-il prêt pour des élections ? Est-il possible d’organiser des élections dans huit mois? La   compétition électorale ne risque-t-elle pas de renforcer les antagonismes tribaux?
« Ça me paraît très ambitieux, répond le politologue. « Dans huit mois, dans l’état actuel des choses et la situation sécuritaire du pays, c’est très difficile de penser à des élections et à la préparation des listes électorales. Plusieurs questions se posent: quel système électoral adopter? Faut-il un recensement des Libyens? Sur quel critère va s’effectuer le vote des Libyens? Critère politique? Peut-on arriver à un débat politique contradictoire en huit mois? Est-ce que l’on va voter selon son appartenance tribale? Son appartenance régionale? ».
«  Les appartenances tribales et régionales peuvent prendre le dessus sur les appartenances politiques. Ce n’est pas un problème. Au début on va d’abord voter selon ses intérêts, sa famille, selon son clan. Mais l’essentiel, c’est de pouvoir voter et dialoguer politiquement. Il ne faut pas qu’il y ait de frustration, il ne faut pas qu’il ait d’injustice. Kadhafi a très bien joué sur cette réalité sociale. C’est ça qui lui a permis de rester au pouvoir pendant 42 ans. Là, ça va être difficile pour un Conseil national qui aspire à la démocratie. Il y aura forcément des perdants et des gagnants. Il faut absolument qu’il y ait au début «ni vainqueur, ni vaincu». Même si pour cela il faut faire une exception à la règle démocratique », explique Hasni Abidi .
L''''Algérie, la prochaine étape du printemps arabe?
L’Algérie doit accélérer le mouvement des réformes qui a été annoncé par le président Abdelaziz Bouteflika. Selon le politologue, toutes les conditions économiques et sociales sont réunies en Algérie même si le régime a anticipé cette fronde sociale. « Mais vouloir acheter la paix sociale en dépensant des milliards est une solution provisoire. Seul un changement dans le personnel politique peut permettre une réelle réforme. L’Algérie possède le personnel politique le plus périmé dans le monde .Il faut un changement politique. C’est-à-dire un changement constitutionnel. On ne peut pas confier la réforme à des gens du passé.
Et que faire du pouvoir des militaires ? Réponse :  «Les généraux ont commencé à lâcher du pouvoir ». Il  faut aller plus loin : « …que l’armée redevienne véritablement professionnelle. Que ce ne soit plus celle qui dépose, qui fait et défait les chefs d’Etat et de gouvernement ». Ce qu’il faudrait, c’est un changement réel pour que les scrutins ne soient pas des élections de cooptation. Il faut des hommes hors sérail. L’Algérie a besoin d’un véritable changement.
« Le partage des richesses n’est pas suffisant. Il peut servir à quelques personnes mais est-ce que la population algérienne le souhaite? Le seul partage acceptable, c’est à travers les urnes. La seule réponse satisfaisante c’est une démocratisation. Cela ne veut pas dire que l’on va prendre le même chemin que la Tunisie ou que l’Egypte. Chaque pays est tout à fait différent. C’est très important d’insister sur l’approche différente de chaque pays. L’essentiel c’est de commencer ce processus », conclut l’auteur.
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