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Développement à Agaléga

A military base, by any other name…

29 février 2024, 09:00

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A military base, by any other name…

Jour J pour l’inauguration de la piste d’atterrissage et de la jetée par le Premier ministre. Officiellement, les autorités ont toujours maintenu qu’il n’y a pas de base militaire à Agaléga. Certains habitants affirment qu’il n’y a jamais eu d’activités de ce type. Mais prendre la mesure, sur place, de la piste d’atterrissage de 3 km avec son hangar surdimensionné et la jetée massive pose questions.

Joel Poulay travaille dans la fabrication de l’huile de coco. Il aide aussi au maintien de la chapelle Sacré Coeur de Jésus au Village 25. Il éteint la tondeuse à gazon dans la cour de la chapelle pour évoquer les changements dans son île qui, jusqu’à présent, n’ont pas encore rejailli positivement sur sa vie. Est-ce que les nouvelles constructions ont changé quelque chose ? Il sourit. Il hésite. «Déjà, là où la piste a été construite, il y avait une énorme plantation de cocotiers…» Il s’empresse d’ajouter que la production n’a cependant pas été affectée car les noix de coco foisonnent dans l’île. Le développement, il n’est pas contre. Bien au contraire. Il estime qu’en 2024, plusieurs secteurs d’Agaléga sont abandonnés des autorités et qu’il est temps d’y remédier. «Devlopman ena so bon ek so pa bon. Me ki pou fer avek nou? Nou pa kone.»

«Pou gagn avion komersial ?»

Parmi les inaugurations du jour figure celle d’un supermarché. Joel Poulay sourit encore une fois. C’est une bonne chose. «Me ki pou mete ladan? Si li pou parey kouma laboutik, pou mank kitsoz mem». Agaléga dépend de Maurice pour les légumes. Plusieurs personnes ont fait savoir qu’en ce moment, il n’y en a pas. En l’absence de ces denrées, l’argent ne fait pas le bonheur. «Des fois, il y en a peu, d’autres fois, il n’y en a carrément pas. Lerla, bizin al rod enn bred mouroum ou enn bred sonz kot ena…» explique un autre habitant. La boutique est souvent fermée par manque de produits à vendre. Heureusement, il y a la pêche.

Agalega 3.jpg (Le sourire de Joel Poulay est figé lorsqu’il évoque les nouvelles constructions.)

Retour à la piste d’atterrissage. Il pose la même question qui est sur toutes les lèvres des Agaléens. Question qui traduit le rêve de beaucoup d’habitants de l’île du Nord et de l’île du Sud. «Pou gagn avion komersial?» Ce serait un grand pas en avant, car pour l’instant, les habitants doivent attendre le Trochetia. C’est difficile pour sa famille de lui rendre visite lorsqu’elle le souhaite.

Malgré les interrogations, les préparatifs vont bon train. Il y a même une certaine effervescence parmi la population. Mardi, la piste a été ouverte au public, venu en grand nombre pour assister au premier atterrissage de l’ATR 72.

Sœur Dominique, dans l’île depuis décembre, affirme que les gens se donnent corps et âme pour préparer l’arrivée du Premier ministre. Les projets de développement, dit-elle, sont perçus comme un grand cadeau. Sœur Marie-Laurentine confirme. «Les jeunes, les dames et les hommes sont tous mobilisés.»

Agalega 2.jpg (L’entrée de MEDCO.)

Plus loin, sur un terrain de foot, les jeunes Agaléens jouent. Ici, pas de règles. Le match dure depuis bientôt deux heures, et les joueurs peuvent rejoindre le jeu ou le quitter à tout moment. Au bord du stade, deux amis discutent. L’un, en Grade 10, ne cache pas son excitation face à l’arrivée de l’ATR 72. Même s’il préférera toujours le voyage par le Trochetia, il y voit une opportunité pour ceux qui souhaitent se déplacer rapidement. Ou encore, le transport des malades sans attendre le Dornier. Son ami est plus sceptique. Il vient de compléter sa formation de mécanicien à Maurice et est rentré pour quelques mois. Il retournera bientôt au Mauritius Institute of Training Development (MITD) pour se spécialiser dans l’électronique des véhicules. Est-ce qu’il rentrera à Agaléga par la suite ? Pas sûr. Il évoque le cas de son cousin, qui a terminé ses cours d’électricien et est rentré à Agaléga depuis cinq ans. Depuis, il est au chômage. «OIDC pankor anplway li.» Ce cousin n’est pas seul dans cette situation. Il connaît aussi un autre jeune, qui a suivi des cours de menuiserie, qui est dans le même cas. Est-ce que ces infrastructures leur donneront des possibilités d’emploi dans l’île ? Il l’espère en tout cas.

L’éducation délaissée

Le chômage est l’une des préoccupations premières des Agaléens, tout comme l’accès au logement, la santé et l’éducation. Billy Henri, un habitant du Village 25, explique qu’en pourcentage, Agaléga compte plus de chômeurs que Maurice. «Il n’y a pas eu de création d’emploi depuis dix ans. Il ne faut pas oublier qu’ici, il n’y a pas de secteur privé.»

Quant à l’éducation, le manque d’enseignants est toujours criant. À cause de la pénurie de profs, seulement un chapitre est couvert en un mois, ce qui occasionne un retard considérable dans le programme scolaire. «Dan bidze, inn koz aranz 50 lakaz. Me enn bout dibwa, enn bout tol pa’nn trouve», déplore-t-il. Raison pour laquelle il estime qu’une piste et une jetée sont certes importantes pour l’île, mais la population a des besoins plus urgents, et elle a l’impression d’être abandonnée à son sort.

Agalega 4.jpg (La classe de Grade 8 et 9.)

Le même sentiment anime Guy Henri. D’emblée, il lance que la piste aidera au développement touristique. «Me kouma nou’nn gagn akse la, nou ti pou kontan gagn akse touletan, santi nou lib kot nou.» Mais comme tous les autres, il attend que les projets améliorent son quotidien. «Akoz la, zis lavu dan Agalega kinn sanze. Lavi ankor parey.»

Au fil des rencontres, il est vite évident que tous les problèmes sont liés. «On va faire venir des enseignants, mais ils logeront où ?» demande un des employés de l’île. Le problème n’est pas simple. Au collège MEDCO, une enseignante donne des cours d’anglais, de français et de littérature. Même si c’est contraire aux règlements du ministère de l’Éducation qui stipule qu’un professeur doit enseigner uniquement son sujet. «Nous devons couvrir plusieurs sujets afin de rattraper les retards» explique-t-elle. Le programme n’est pas similaire à celui suivi à Maurice. Rayma Bastienne, élève en Grade 8, explique qu’elle a été à l’école pendant deux trimestres à Maurice. «À Maurice, les sciences sont divisées en chimie, biologie et physique. Mais ici, on ne couvre que certains chapitres de chaque matière» dit-elle. Ce qui pose un problème pour la suite, car ils sont en retard par rapport au niveau de Maurice lors des examens nationaux. Pour le rattraper, les enseignants prennent sur leur temps pour des classes en dehors des heures d’école, même le week-end. «Bann profeser ed nou toultan. Zot fer seki zot kapav».

L’autre problème est qu’il n’y a pas toutes les combinaisons possibles en School Certificate. Virendra Singh, officer-in-charge du collège MEDCO, explique qu’il n’y a qu’une seule combinaison possible à Agaléga. Toujours est-il qu’en SC, l’année dernière, le taux de réussite était au-delà de 70 %, et il y a même des années où cela a atteint 100 %.

Cependant faire venir des enseignants ne serait pas la solution idéale. «Si on n’a qu’un seul élève pour un sujet, on ne va pas faire venir un enseignant. Il faudrait un minimum de 15 collégiens par matière. Mais pour l’instant, il n’y a que 33 enfants au collège.» La seule solution logique pour lui : «Pourquoi les autorités ne font pas venir les enfants à Maurice pour la scolarisation en leur fournissant un logement ?» Toujours est-il que les élèves, eux, souhaitent poursuivre leur éducation. «Lerla, nou kapav travay isi, pa pou bizin lezot dimounn», confie Rayma Bastienne.

Agalega 1.jpg (Virendra Singh, «officer-in-charge» de MEDCO.)

La rapidité du Dornier

Une des doléances des habitants concerne la santé. Ils parlent d’un hôpital déplorable, de retards dans l’évacuation des patients et d’un service inexistant.

Le local occupé par l’Area Health Centre date des années 2000. L’intérieur est d’une propreté impeccable, bien loin des centres de santés et hôpitaux de Maurice. Pas de sols noirs, pas d’odeurs, pas de draps tachés. Le lieu peut accueillir six patients en admission, est doté d’une machine PCR entre autres. Ce centre de santé accueille une douzaine de patients par jour.

Le médecin en charge, le Dr Hetish Seebah, est assisté d’un infirmier en charge, Vashishraj Mohun, et d’une infirmière, Dishta Ramdhean. L’île du Sud a la même configuration médicale. Vashishraj Mohun est l’homme fort du centre. Depuis son arrivée, l’hôpital a connu une renaissance. Sa particularité : il connaît absolument tout le monde de l’île du Nord et les appelle par leur prénom…

Agalega hopitale 3.jpg (Dr Hetish Seebah.)

Le Dr Hetish Seebah répond sans craintes aux polémiques. En deux mois, le Dornier a été déclenché six fois, dont deux pour les travailleurs indiens. «Tout dépend de la gravité de l’état du patient. Il est évacué en trois heures. Maintenant, en ce qui concerne les patients nécessitant des analyses ou des soins mais qui ne présentent pas d’urgence, nous avons une liste prioritaire. Ils sont envoyés par le même Dornier, dépendant de la place.» Les femmes enceintes vont à Maurice en Dornier au-delà de 20 semaines de grossesse. Pour ceux qui suivent des traitements contre des maladies chroniques, comme le diabète, leur rendez-vous est calé à Maurice par rapport aux déplacements du Trochetia. «C’est parce que l’hôpital d’ici est rattaché à l’hôpital Jeetoo. Lorsque j’ai besoin d’un spécialiste, je peux appeler là-bas et moduler les traitements en fonction.»

Concernant les médicaments, le Dr Seebah avance que l’île dispose d’un stock suffisant. En cas de pénurie, une commande est passée et le stock arrive par le prochain avion ou bateau de Maurice. Pour le médecin, la nouvelle piste représente un soulagement car l’arrivée des médicaments, et même celle des autres produits, sera désormais plus rapide.

Agalega hopitale 1.jpg (De g. à dr : Vashishraj Mohun, Dr Seebah et Dishta Ramdhean.)

Mais avant même la construction de la piste, l’hôpital construit par AFCONS a facilité des choses. Lorsque le patient requiert des traitements plus poussés, des X-Ray ou des analyses de sang, cela se fait dans l’hôpital indien. «Puis, si le patient requiert une hospitalisation avec des soins avancés, il vient vers nous et on peut le référer à AFCONS. En tant que médecin, il est important d’avoir des confrères avec qui discuter», dit le Dr Seebah. Au-delà des traitements, le personnel de l’hôpital fait aussi office d’inspecteurs du ministère de la Santé, en inspectant la boutique et les produits qui y sont vendus.

Agalega hopitale 2.jpg (L’«Area Health Centre» date de l’an 2000. Mais l’intérieur est d’une propreté impeccable et bien tenu.)


Connexion saccadée

La connexion téléphonique à Agaléga est très instable. Le seul opérateur sur l’archipel est Emtel. Une bande passante de 50 MB est disponible pour les habitants. Sauf qu’en marge des célébrations, plus de 300 personnes de plus sont connectées à ce réseau, ce qui cause sa saturation. Ainsi la connexion pour certains est très saccadée alors que pour d’autres, il est impossible de se connecter. Selon les informations transmises, pour la cérémonie d’aujourd’hui, 35 MB de bande passante seront mis à la disposition de ceux qui seront à la piste d’atterrissage, lieu où se tiendra la série d’e-unveilings en ligne avec l’Inde.


La base militaire qui ne dit pas son nom

BAse militaire 1.jpg (La nouvelle jetée est constamment en mouvement.)

L’État mauricien a toujours maintenu qu’il n’y a pas de base militaire à Agaléga. Certains habitants affirment qu’il n’y a jamais eu d’activités militaires. Mais la piste d’atterrissage est dotée d’un hangar surdimensionné et d’une autre structure, tout aussi énorme, pour abriter les avions. La jetée est massive. De La Fourche vers le Village 25, la nature sauvage, composée de lierres et de cocotiers a été scarifiée par des constructions : des «guest houses» vides pour l’instant, leur modernité contrastant vivement avec le lieu réservé aux policiers lors de ce séjour. Un bâtiment abritant un générateur, une station de traitement des eaux et une bâtisse lourdement gardée avec des dépendances. Des structures disproportionnées, qui ne font pas penser à un usage civil. À quoi peuvent bien servir toutes ces infrastructures sur l’archipel sachant que l’île du Nord abrite 360 Agaléens et 40 Mauriciens, et l’île du Sud, 70 Agaléens et une quinzaine de Mauriciens ?

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Vie de bateau

peche 1.jpg (Ça mordait.)

La vie sur le Trochetia se poursuit. Les soirées sont cependant plus calmes, car désormais, tout le monde a du pain sur la planche. Les unités de la police doivent répéter les parades, les employés de Catco peaufinent le «water salute» et la Mauritius Film Development Corporation (MFDC) repasse sur le déroulé des événements avec l’Inde afin que tout se déroule sans anicroche.

Cependant, le Police Band n’a pas pu répéter mardi car les instruments n’ont pas pu être débarqués à cause de la mer démontée. Les répétitions ont débuté hier. Cela n’a pas empêché l’orchestre de prendre la pose aux côtés de Clarel Armel. L’artiste est arrivé dans l’île mardi en marge des célébrations qui auront lieu aujourd’hui.

peche 3.jpg (La soirée s’organise autour de la pêche.)

Malgré quelques cafouillages quant à la place disponible pour les nouvelles équipes à bord du bateau, la bonne humeur n’a pas été entamée. Toujours en absence de connexion stable, c’est sur les ponts du Trochetia, autour des cannes à pêche et autres «lalinn filé» que les groupes se sont formés mardi soir. La pêche a été très bonne.

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