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Aurèle André : «Le Trail de Rodrigues est synonyme de passion, de dynamisme et de créativité»

17 octobre 2024, 09:37

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Aurèle André : «Le Trail de Rodrigues est synonyme de passion, de dynamisme et de créativité»

Aurèle André, directeur général du Trail de Rodrigues.

L’événement sportif phare en cette fin d’année n’est autre que le Trail de Rodrigues. A quelques encablures du Jour J, nous avons rencontré le directeur général du Trail de Rodrigues, Aurèle André, pour nous parler de cette quinzième édition. Une édition qui sera un nouveau défi pour sa «team» organisationnelle qui œuvre à toujours préserver l’esprit du Trail Running. Pour notre interlocuteur, il est important de faire vibrer les participants en harmonie avec toute la population rodriguaise, de célébrer ces quinze ans avec humilité et, d’augmenter la visibilité de Rodrigues comme une destination touristique avec ses propres et unique spécificités. Il dira aussi que son plus grand challenge est au niveau humain : à savoir la transmission des valeurs comme la fiabilité, l’intégrité, la responsabilité et le volontariat. Sans ces valeurs qui constituent le socle du Trail de Rodrigues, la pérennité de l’évanement sera compromise.

Déjà quinze éditions du Trail de Rodrigues ! Pouvez-vous nous décrire l’évolution de cet événement depuis sa création jusqu’à aujourd’hui ?

Effectivement, quinze ans déjà et c’est comme si c’était hier. Tout a débuté par une conversation avec Philippe Lahausse en 2008 et de fil en aiguille, la première édition a eu lieu en 2010. Comme le Trail Running était inconnu à Rodrigues, cela a pris deux ans pour convaincre un petit nombre de sportifs rodriguais. Après ce fut l’étape de la fidélisation et, depuis, le Trail de Rodrigues est synonyme de passion, de dynamisme et de créativité.

Je voudrais donc rendre un très grand hommage aux chevilles ouvrières qui non seulement ont apporté une pierre précieuse à l’édifice qu’est devenu aujourd’hui le Trail de Rodrigues mais qui l’ont accompagné, qu’il pleuve ou qu’il tonne. Ils sont : Philippe Lahausse, Yan de Maroussem, Eric Lacroix, Arnaud Meunier, Jean-Claude Ah Kang, Ivan Cliff Rose, Antoinette Milazar, André Emilien, Mary James Agathe, Thérèse Pierre, Max Raboude, Mennery François, Aman Hortense et Fock Keng Ho Tu Nam.

En 2010, pour un coup d’essai ce fut un coup de maître avec plus de 300 participants dont deux étrangers et une quinzaine de traileurs de Maurice. Aujourd’hui, le nombre de participants est plus de 1 200. Le nombre de participants étrangers avoisine les 300 et les Mauriciens autour de 150.

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Quelles leçons avez-vous tirées des éditions passées et comment ces leçons influencent-elles l’organisation cette année ?

Les leçons sont nombreuses. Chaque édition est un nouveau défi pour nous. Ensuite, nous avons petit à petit appris à nous débarrasser des contraintes et ouvert la voie à de nouvelles opportunités ainsi que de nouvelles idées. Au final, la résilience de cette équipe organisationnelle s’est construite grâce à une culture de collaboration et de soutien mutuel. Il nous fallait rester fidèles et concentrés sur notre objectif de toujours tout en préservant l’esprit du Trail Running. C’est-à-dire que le traileur reste indéniablement au centre de l’événement en assumant sa responsabilité humaine de préserver et respecter l’environnement naturel de l’île Rodrigues.

Quels sont vos objectifs pour les prochaines éditions du Trail ? Avez-vous des ambitions spécifiques pour les 15 ans de l’événement ?

L’objectif principal des prochaines éditions est de continuer à construire la communauté afin qu’elle puisse contribuer positivement au développement durable de l’île. C’est un vaste programme, car il englobe l’avancement social, le progrès économique et la préservation de l’héritage culturel et naturel de l’île Rodrigues. Comme mentionné ci-dessus, chaque édition est unique, donc la quinzième le sera aussi. Le but spécifique est de faire vibrer les participants en harmonie avec toute la population rodriguaise, de célébrer ces quinze ans avec humilité et, en dernier lieu, d’augmenter la visibilité de Rodrigues comme une destination touristique avec ses propres et unique spécificités.

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Et justement, quels sont les principaux défis auxquels vous faites face pour organiser un trail de cette envergure ?

Toutes organisations, petites ou grandes, comportent en permanence des défis à relever. Aujourd’hui, la technologie nous a permis d’être mieux armés en termes de logistique organisationnelle. Le principal défi est donc au niveau humain, à savoir la transmission des valeurs comme la fiabilité, l’intégrité, la responsabilité, le volontariat et j’en passe. Sans ces valeurs qui constituent le socle du Trail de Rodrigues, la pérennité de l’événement sera compromise. Je voudrais tout de suite rassurer tout le monde que nous sommes sur la bonne voie dans ce domaine. Ensuite, comme dans toute organisation qui se respecte, à chaque édition, nous devons renouveler nos partenariats avec nos collaborateurs. Et pour ce faire, les résultats dépendent de nombreux facteurs, surtout la situation économique des entreprises privées et des autorités publiques.

Avez-vous noté un changement dans le profil des participants depuis la dernière édition ?

A la base, le Trail de Rodrigues est un événement annuel pour rassembler un maximum de participants locaux, nationaux et internationaux dans les sentiers de Rodrigues pour des échanges humains. Donc le profil des participants est resté le même. D’année en année, nous constatons qu’il y a une consolidation positive et qualitative de ce profil. La qualité des traileurs s’améliore et se confirme.

L’ajout de deux kilomètres au Trail du Hibou l’année dernière avait pour but d’aider les coureurs à marquer des points au niveau de l’ITRA. Avez-vous d’autres idées d’innovations ou d’adaptations futures pour attirer davantage d’athlètes de haut niveau ?

L’organisation du Trail de Rodrigues est toujours à l’écoute des participants et de la population rodriguaise. Donc, nous faisons tout pour encourager et faciliter le frottement des traileurs locaux avec les traileurs de réputation mondiale – ce qui explique la nouvelle distance du Trail Hibou. Pour durer, il faut toujours de l’innovation et de la créativité. Nous avons des idées qui sont en gestation et qui, nous espérons, pourront devenir des projets d’avenir. Mais pour l’instant nous sommes à l’écoute des aspirations de nos participants et de la population rodriguaise. Car nous devons garder bien en tête que l’Esprit du Trail de Rodrigues doit toujours primer.

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D’ailleurs, depuis la 14e édition, notre objectif est de rassembler les passionnés du trail running de la région du bassin sud-ouest de l’océan Indien avec le slogan : «Koste Zil Losean Indien». Nous n’avons pas la prétention de dire que ce projet est une nouveauté car, à l’origine, le Trail de Rodrigues était associé avec le Dodo Trail et le Trail du Colorado à Maurice et à la Réunion respectivement. Parmi les trois, le Trail de Rodrigues a été le plus résilient car même la pandémie mondiale de la Covid-19 n’a pas eu raison de lui. Après 15 ans, nous avons appris à faire les choses avec patience comme dit l’adage : «Petit à petit l’oiseau fait son nid». Le projet «Koste Zil Losean Indien», à travers le Trail Running, cadre bien avec l’esprit du Trail de Rodrigues.

L’événement inclut aussi bien des professionnels que des amateurs. Comment arrivez-vous à rendre le Trail de Rodrigues inclusif pour tous, peu importe leur niveau ?

D’abord, je dois vous avouer que le terme «traileur professionnel» me gêne car ma conception du Trail Running est que tous les utilisateurs des sentiers sont égaux et le Trail de Rodrigues veut promouvoir cet esprit inclusif tout en respectant les qualités exceptionnelles des traileurs de haut niveau. D’ailleurs, à la base du Trail Running et de surcroît du Trail de Rodrigues est la valeur intrinsèque du respect de soi et d’autrui. Je dois aussi rappeler la place que nous donnons aux personnes souffrant d’un handicap. A ce jour, Rodrigues est le seul endroit au sein de la République de Maurice qui dispose des moyens de base pour inclure les personnes souffrant d’un handicap dans le Trail et c’est, en plus, une grande fierté pour nous d’aider Maurice dans son projet du Trail inclusif.

Vous mettez souvent en avant le savoir-vivre, le savoir-faire et le savoir-être rodriguais. Comment cette philosophie se manifeste-t-elle concrètement dans l’organisation du Trail de Rodrigues ?

«Il faut le voir pour le croire». Le jour de l’événement est l’apogée d’un cheminement d’au moins une année. La population rodriguaise dans son ensemble, en harmonie avec les visiteurs, dégagent une énergie indescriptible. Je pense que le sens de l’accueil des Rodriguais y est pour quelque chose et je dirai même que Rodrigues a su préserver son héritage culturel malgré toutes les influences de la modernité. Concrètement, l’organisation du Trail de Rodrigues a très bien réussi à canaliser la sensibilité du peuple rodriguais et, de surcroît, l’enseigner et la partager aux autres.

Comment arrivez-vous à préserver l’authenticité de la culture rodriguaise tout en accueillant un nombre croissant de visiteurs internationaux ?

Préserver l’authenticité d’une culture n’est pas une chose facile surtout avec la globalisation et le développement fulgurante de la communication. Notre isolement des grands centres de développement nous a permis néanmoins d’évoluer graduellement toute en affirmant notre identité en lui donnant des bases solides et un certain degré de résilience.

Pouvez-vous nous en dire plus sur la façon dont la musique, la danse et la cuisine rodriguaise sont intégrées dans l’événement ?

Dans les pays colonisés, il y a eu un moment précis qu’on pourrait appeler «-l’Éveil Culturel». A Rodrigues, cet éveil s’est produit vers le milieu des années 70 et depuis, le mouvement s’est renforcé. L’accession de Rodrigues au statut de région autonome au sein de la République de Maurice en 2002 a énormément contribué à rendre encore plus visible l’identité culturelle de l’île à travers la musique et la danse traditionnelles et les mets typiquement créoles rodriguais. Depuis 2010, le Trail de Rodrigues apporte lui aussi une contribution en s’impreignant de cette culture. Bref le Trail de Rodrigues s’efforce toujours d’être le plus rodriguais possible.

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Vous parlez aussi de l’importance du tourisme responsable à Rodrigues. Quelles mesures spécifiques sont mises en place lors du Trail pour minimiser l’impact environnemental ?

Toute activité a un impact sur l’environnement naturel et le Trail en fait partie. Le tourisme n’est pas en reste d’où l’importance de sensibiliser la population ainsi que les visiteurs afin qu’ils respectent le milieu naturel. Au fil des années et des éditions, nous avons amélioré la qualité des logistiques. Entre autres la réduction du plastique, les campagnes de nettoyage des sentiers avec le concours des autorités à travers la compagnie Rod Clean Co. Ltd, les trophées et récompenses en matières recyclées.

L’île Rodrigues est de plus en plus reconnue pour son respect de la biodiversité. Comment le Trail contribue-t-il à sensibiliser les participants à la préservation de la nature ?

Le Trail de Rodrigues ne se voue que pour la protection et le respect de la biodiversité depuis sa création. Donc, nous saisissons toutes les opportunités possibles pour sensibiliser nos visiteurs, la population locale et surtout les jeunes. D’ailleurs, depuis l’année dernière, nous avons fait appel à des étudiants de Polytechnics Mauritius pour être à nos côtés sur les parcours du Trail.

De plus, le projet avec l’Université de la Réunion qui date de 2012 – où le groupe participe activement dans l’assainissement de l’environnement naturel – est un beau témoignage de nos responsabilités envers la nature. Nous pouvons aujourd’hui dire avec Horace que le Trail de Rodrigues est en passe de «Seize the day – Carpe Diem».

Je tiens aussi à préciser que les noms des parcours sont tous des espèces qui ont disparu. Ceci afin de motiver tout le monde à protéger ce qui reste de la biodiversité naturelle de l’île.

L’un de vos objectifs est d’intégrer le Trail de Rodrigues à la UTMB World Series. Où en êtes-vous dans ce processus et quelles étapes reste-t-il à franchir pour y parvenir ?

L’intégration du Trail de Rodrigues à la UTMB World Series est une belle et légitime ambition. En toute humilité, je laisserai cette question aux techniciens du Trail car je suis confiant et très optimiste que ce projet se réalisera dans un avenir proche. A Rodrigues, nous affectionnons la méthode de faire les choses à notre rythme et les faire bien. C’est peut-être notre héritage malgache/creole Mora mora.

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Le Trail de Rodrigues contribue à l’économie locale, notamment par le tourisme. Avez-vous des chiffres ou des indicateurs sur les retombées économiques de l’événement pour l’île ?

C’est un fait que la pratique du Trail à Rodrigues contribue à l’économie de Rodrigues. Cependant, nous n’avons pas les compétences et l’expertise nécessaires pour chiffrer exactement cette contribution sur une année. Avec 450 participants étrangers et au moins 200 accompagnants qui voyagent pour le Trail de Rodrigues et séjournant une moyenne de 4 nuits dans l’île, notre estimation est autour de 20 millions de roupies sans prendre en compte les indicateurs indirects.

Quels efforts sont faits pour que les petites entreprises locales bénéficient aussi des retombées économiques du Trail ?

Nous essayons d’intégrer les petites entreprises au tant que nous puissions mais il est évident que tous les secteurs économiques de Rodrigues bénéficient directement et indirectement des activités du Trail de Rodrigues.