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Bataille d’alliances

15 octobre 2024, 14:12

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Il est difficile de nier que l’air du temps en politique mauricienne est vicié, englué dans des querelles de personnes plus que de programmes. Dix ans déjà que le MSM occupe le devant de la scène, avec le PTr en embuscade, et Navin Ramgoolam hors du Parlement, tel un lion en cage, grattant les barreaux. Cette fois-ci, cependant, la vieille antienne de tout gouvernement sortant «c’est la faute de l’ancien régime» semble perdre de son écho. La question de l’eau 24/7, notamment, ne trouve plus de bouc émissaire, depuis les départs de Collendavelloo, Lesjongard ou Maunthrooa.

Les élections qui s’annoncent ne seront pas différentes des précédentes dans leur structure : des batailles d’alliances, des chiffres soigneusement calculés, des compromis. Mais cette mécanique usée par le temps est soudainement bousculée par un vent d’inattendu : Linion Reform, une coalition de petites formations, qui tente de fracturer la tradition des grands blocs. Dans cette arène électorale, où la familiarité rassure, cette alternative pourrait-elle réellement prendre racine ? Ou n’est-elle qu’un mirage, destiné à se dissiper sous la chaleur étouffante des dynasties politiques ?

Le contraste avec 2014 est frappant. Paul Bérenger, aujourd’hui figure vieillissante de 79 ans, ne sera plus au premier plan de l’Alliance du changement pour contrer la dynamique communale du MSM, un parti qui, en 2019, avait capturé 37 % des voix avec une base électorale beaucoup plus mince de 28 %. Navin Ramgoolam, quant à lui, a vu son rêve d’une Deuxième République, où il trônerait en président fort pour sept années, s’effondrer sous le poids des réalités.

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De nouvelles têtes se pressent devant les micros, multipliant les conférences de presse, mais les Mauriciens, fidèles à leur nature, regardent toujours en direction des chefs historiques. Il semble qu’au-delà des mots, l’attachement tribal domine encore la scène politique. Les électeurs, loin de se préoccuper des membres interchangeables de ces clans, suivent docilement les leaders tant que ces derniers sont disposés à distribuer les fameux tickets électoraux, clé de tous les privilèges dans cette démocratie pervertie. Même ReA, né sur une promesse d’alternative, a succombé aux sirènes du mainstream et aura à modifier ses comportements, discours, voire habillement, pour montrer un semblant d’harmonie.

Dans cette opposition fragmentée, divisée davantage par Linion Reform, où les seconds couteaux brandissent leurs convictions, c’est encore Ramgoolam qui tient les rênes. Il distribuera 35 tickets à ses fidèles Travaillistes, en octroiera 19 au MMM, et laissera les miettes à des partis confettis. Tout se joue dans ce partage du gâteau électoral, où les ambitions personnelles se diluent dans des compromis amers.

Pourtant, à trop se concentrer sur les circonscriptions rurales, on oublie l’importance des zones urbaines. Dix circonscriptions, représentant 30 députés, sont directement concernées par les élections législatives. Cette réalité, que certains continuent de négliger, est un élément clé dans le calcul politique. Le coeur du pays bat autant dans les rues de Port-Louis que dans les champs de canne de Britannia.

Face à cette mosaïque complexe, Ramgoolam et Bérenger, vieillissants, ont appris à tempérer leurs ambitions. Si Bérenger se lasse de son rôle d’allié docile, les alternatives ont échoué à s’imposer. Ni Arvin Boolell, ni Nando Bodha n’ont réussi à faire la différence. Quant à la relève interne du MMM, elle souffre d’une pénurie criante de leadership, et Ajay Gunness peine à briser le plafond de verre. La jeune génération, incarnée par Joanna, n’a pas encore atteint la maturité nécessaire pour prendre la relève. Et surtout à ce stade du jeu, il faut que les filles, cousins, neveux et gendres se fassent petits ou se contentent de distribuer du thé et des gâteaux salés lors des réunions nocturnes… Ils sont devenus des poids trop lourds pour les épaules vieillies de leurs aïeux qui peinent à grimper sur les caissons de camion ou de savon.