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Accord de souveraineté sur les Chagos

David Lammy face à la controverse à la Chambre des communes

9 octobre 2024, 15:02

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David Lammy face à la controverse à la Chambre des communes

Manifestation de Chagossian Voices devant la Chambre des communes, lundi.

• Silence sur les paiements militaires à Diego Garcia

Le traité signé en 2025 après les élections générales

Le ministre des Affaires étrangères (AE), David Lammy, est intervenu, lundi, à la Chambre des communes sur l’accord sur la souveraineté des Chagos entre Maurice et le gouvernement britannique. Cette déclaration a suscité des échanges animés parmi les parlementaires pendant près de deux heures, au cours desquelles plusieurs questions ont été soulevées sur cet accord, qui n’a bénéficié d’aucun examen préalable par le Parlement britannique. Si David Lammy a donné certaines réponses évasives, d’autres informations pertinentes ont été mises en lumière.

En réponse aux interrogations sur le coût que le gouvernement britannique devra assumer pour le bail de Diego Garcia, David Lammy a été ferme : «Le gouvernement ne révèle normalement pas les paiements liés à nos bases militaires à l’étranger. Il serait donc inapproprié de le rendre public.» Il a également précisé qu’«après les élections mauriciennes, le gouvernement s’orientera vers la signature du traité. Notre intention est alors de poursuivre la ratification en 2025, en soumettant le traité et un projet de loi à cette Chambre pour examen».

Par ailleurs, le ministre Lammy a confirmé que les Chagossiens ne pourront ni visiter, ni s’installer sur Diego Garcia. Cet accord représente le meilleur compromis que le gouvernement britannique puisse conclure pour protéger ses intérêts. Les parlementaires ont soulevé des questions sur l’implication des Chagossiens dans ces négociations, leur droit à l’autodétermination, d’autant plus que Maurice n’a jamais administré les Chagos.

Avant que le ministre des AE ne présente son statement, le speaker de la Chambre des communes, sir Lindsay Hoyle, a exprimé des remarques au gouvernement pour avoir fait des annonces importantes pendant les périodes de vacances parlementaires. Il a rappelé que même si le gouvernement doit gérer des affaires urgentes, il est frustrant pour les membres de la Chambre d’apprendre des nouvelles par les médias plutôt que directement à l’Assemblée. Il a insisté sur le fait que les ministres doivent annoncer leurs politiques en premier lieu au Parlement, même si cela implique d’attendre quelques jours, soulignant que les députés élus sont sa priorité, et non les élections à l’étranger.

Le ministre Lammy a souligné qu’après deux années de négociations et des décennies de désaccords, le Royaume-Uni et Maurice ont finalement trouvé un accord politique concernant l’avenir du Territoire britannique de l’océan Indien (BIOT). Il a fait ressortir que le traité n’a été ni signé, ni ratifié à ce stade. «Le territoire, qui abrite la base militaire conjointe Royaume-Uni/États-Unis à Diego Garcia, a été source de controverses depuis sa création. Ces dernières années, la situation s’est aggravée, rendant insoutenable le statu quo pour le gouvernement britannique. Face à la menace croissante d’un jugement contraignant pour le Royaume Uni, deux options s’imposaient : soit abandonner la base, soit enfreindre le droit international», a-t-il soutenu. Pour éviter ces alternatives, le gouvernement a décidé de conclure un accord pour maintenir le fonctionnement de la base à long terme.

«En novembre 2022, l’ancien secrétaire d’État, James Cleverly, a entamé les négociations sur la souveraineté avec Maurice. Son successeur, Lord Cameron, a poursuivi les discussions qui ont abouti après 11 rounds de négociations. Le nouveau gouvernement, en place depuis juillet, a hérité de cette question non résolue et l’inaction n’était pas une option», a ajouté David Lammy. Plusieurs risques importants pesaient sur le Royaume Uni, notamment l’avenir de la base militaire de Diego Garcia, essentielle à la sécurité nationale, face à la montée des tensions au Moyen-Orient et dans la région indopacifique.

Le ministre des AE a fait comprendre que l’incertitude juridique sur la souveraineté du territoire menaçait également les relations du Royaume-Uni avec les États-Unis, qui n’appréciaient guère cette situation et encourageaient vivement un accord. De plus, la position internationale du Royaume-Uni risquait d’être affaiblie si aucune action n’était prise. «L’accord trouvé répond à ces objectifs et a reçu le soutien des États-Unis, de l’Inde et du secrétaire général de l’ONU.» David Lammy souligne qu’en contrepartie de la reconnaissance de la souveraineté mauricienne sur l’ensemble des îles, y compris Diego Garcia, la base militaire restera sous contrôle britannique pour une durée initiale de 99 ans, avec la possibilité de prolonger ce terme. Maurice autorisera le Royaume-Uni à exercer ses droits souverains sur Diego Garcia, tout en soutenant un dispositif de sécurité strict pour empêcher la présence de forces armées étrangères sur les autres îles.

L’accord comprend également un règlement financier acceptable aux deux parties. Le ministre des AE a précisé que les détails de cet accord financier ne seront pas divulgués pour des raisons de sécurité ajoutant qu’aucun pays ne l’a fait jusqu’à présent. Un fonds de soutien aux Chagossiens sera créé et alimenté par le Royaume-Uni, qui maintiendra également la possibilité pour les Chagossiens d’obtenir la citoyenneté britannique. Enfin, cet accord n’a aucune incidence sur les autres territoires britanniques d’outre-mer, comme les îles Falkland ou Gibraltar, dont les situations sont jugées incomparables. David Lammy a dû ensuite répondre aux questions des parlementaires.

M. Andrew Mitchell (Conservateur) :

«À une époque où le monde est plus dangereux que jamais, où le Moyen-Orient est au bord d’un conflit sérieux, où il y a la guerre en Europe, et où les forces militaires britanniques sont engagées à protéger un allié des missiles iraniens, le gouvernement propose de céder un atout militaire stratégique clé à un État qui ne l’a jamais contrôlé et avec lequel le peuple chagossien ressent peu d’affinité, voire aucune. Le gouvernement travailliste n’a pas publié le projet de traité – ils n’ont publié qu’une déclaration conjointe non contraignante sur le plan légal – nous sommes donc quelque peu dans le flou sur ce qui a été convenu. Il est crucial de savoir si le secrétaire d’État peut garantir qu’il y aura un vote sur ce traité. Quelles assurances a-t-il reçues qu’aucun actif militaire chinois ne sera placé sur les îles voisines de l’archipel ? Combien d’argent prévoyons-nous que les contribuables britanniques devront payer à Maurice chaque année dans le cadre de cet accord, ainsi qu’au total ?»

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David Lammy s’adressant à la Chambre des communes, lundi.

David Lammy :

«Il est audacieux de critiquer ce gouvernement pour avoir réalisé ce que le dernier gouvernement a tenté et échoué à faire. Si cela peut gagner l’approbation de la Maison-Blanche et du Pentagone sur la protection des intérêts de sécurité, je pense que le shadow secrétaire d’État aux AE peut se sentir tranquille. Le Parlement aura, bien sûr, le contrôle qu’il mérite dans les mois à venir. Il sait aussi que c’était une négociation entre deux gouvernements et que nous avons tenu les Chagossiens informés tout au long du processus.»

Calum Miller (LD) :

«Nous tenons à exprimer nos préoccupations sur la manière dont ce processus a été conduit et le risque qu’il ancre dans un nouveau traité les injustices historiques subies par le peuple chagossien. Leur voix a été exclue tout au long des négociations et de l’issue. C’est profondément regrettable. Le Royaume-Uni croit à juste titre au principe de l’autodétermination, pourtant il n’y a eu aucune occasion d’autodétermination pour les Chagossiens. Le secrétaire d’État aux AE peut-il expliquer comment les voix des Chagossiens peuvent être intégrées dans le processus, même à ce stade tardif ?»

David Lammy :

«Cette négociation se faisait entre deux parties étatiques et nous avons cherché à tenir les Chagossiens informés tout au long du processus. Un trust fund a été créé pour garantir qu’ils obtiennent du soutien et ils peuvent demander la citoyenneté de ce pays. Bien qu’il n’y ait pas une seule opinion parmi les groupes chagossiens – il reconnaîtra qu’il y a des Chagossiens aux Seychelles, à Maurice et au Royaume-Uni, il est donc difficile d’obtenir un consensus – nous continuerons de faire tout notre possible pour les soutenir.»

Tanmanjeet Singh Dhesi (Travailliste) :

«Quels mécanismes ont été mis en place pour garantir que l’importance stratégique de la base anglo-américaine reste après l’expiration de l’accord ? Comment veillerons-nous à ce que la voix des Chagossiens, qui n’ont jamais été sous le contrôle du gouvernement mauricien, soit centrale dans tout arrangement futur ?»

David Lammy :

«L’accord conclu peut être prolongé à l’issue du bail. Comme je l’ai dit auparavant, nous nous engageons à travailler avec les Chagossiens – c’est pourquoi nous avons mis en place un trust fund. Bien sûr que Maurice sera effectivement en charge à l’issue du traité, elle dit qu’elle travaillera avec les Chagossiens sur les réinstallations – pas sur Diego Garcia.»

Andrew Rosindell (Conservateur) :

«C’est un jour honteux pour la démocratie britannique et un moment sombre pour les droits de l’homme au Royaume-Uni. Déjà, les habitants des Chagos ont été expulsés de leur patrie ; aujourd’hui, ce gouvernement remet leur foyer à un pays étranger qui est de mèche avec une nation hostile. S’engagera-t-il à permettre aux habitants des Chagos de décider de leur propre destin ?»

David Lammy :

«Il sait que ces discussions ont commencé sous le dernier gouvernement; il aura également lu le jugement de la Cour internationale de justice et saura qu’il est important que cet accord ait été conclu. Le dernier gouvernement nous a laissé le soin de le faire ; nous l’avons fait et nous en sommes fiers.»

Sir Iain Duncan Smith (Conservateur) :

«Le gouvernement mauricien est coupable d’immenses violations des droits de l’homme et les Mauriciens créoles noirs ont subi des discriminations énormes par ce gouvernement. Nous avons accordé à ce gouvernement des droits que les Chagossiens n’ont jamais acceptés, donc ma question est la suivante: pourquoi cela a-t-il été fait dans l’urgence, juste avant leurs élections? Le gouvernement mauricien va maintenant utiliser cet accord pour en bénéficier lors du processus de réélection. Pourquoi faisons-nous cela pour soutenir a disgusting government en collusion avec les Chinois ?»

David Lammy :

«Maurice est un pays qui fait partie de notre Commonwealth, je ne peux donc pas m’associer aux remarques que l’honorable vient de faire. Soyons clairs : ce qui a été fait aux Chagossiens dans les années 1960 est une source de regret. C’est une plaie qui traverse nos relations avec Maurice, mais aussi avec des parties substantielles du Sud global. C’est pourquoi nous avons poursuivi les négociations et conclu cet accord.»

Nigel Farage (Reform) :

«Le secrétaire aux AE se vante que le président Biden approuve cet accord. Le président de la Chambre a dit plus tôt que cette Chambre ne devrait pas être affectée par des élections qui se déroulent dans des pays étrangers, mais à quel point le secrétaire aux AE est-il confiant que Donald Trump, s’il devient le 47e président des États Unis, approuvera cet accord, compte tenu de l’importance de notre relation avec l’Amérique ?»

David Lammy :

«Permettez-moi de le rassurer en disant que nous avons cherché à prendre en compte les avis de l’ensemble de l’establishment politique américain, mais je dois lui dire que d’obtenir qu’un président américain, un secrétaire d’État aux AE et un secrétaire à la Défense américains applaudissent cet accord devrait le rassurer sur le fait que les États-Unis ne feraient rien qui aide nos ennemis, en particulier les Chinois, à cet égard.»

Sir Julian Lewis (Conservateur) :

«Le gouvernement a-t-il pris la peine de consulter le responsable de sa propre revue stratégique de défense, Lord Robertson d’Arellan, avant d’annoncer cette décision ? Si oui, qu’a dit Lord Robertson ? La revue stratégique de défense est censée faire rapport au début de l’année prochaine. Ne serait-il pas plus judicieux d’attendre de connaître ses conclusions avant de prendre une décision aussi risquée sur le plan militaire ?»

David Lammy :

«Cet accord garantit l’avenir de la base au-delà de la durée du mandat de quiconque dans ce Parlement et il peut être prolongé. C’est pourquoi le secrétaire à la Défense des États-Unis l’a accueilli.»

Gregor Poynton (Travailliste) : «Le secrétaire aux AE peut-il confirmer que les opérations vitales sur la base de Diego Garcia resteront inchangées et sans interruption grâce à cet accord ?»

David Lammy :

«Absolument, oui, je peux.»

Sir Edward Leigh (Conservateur) :

«Étant donné que Maurice entretient une relation étroite avec la Chine et que nous ne pouvons faire confiance à un seul mot des Chinois, compte tenu de notre expérience à Hong Kong et qu’ils militarisent des îles dans tout le Pacifique, sommes nous absolument sûrs qu’à un moment donné dans le futur, les Chinois n’exerceront pas de pression sur le gouvernement mauricien pour avoir une base sur ces îles ?»

David Lammy :

«Maurice est l’un des deux seuls pays d’Afrique qui n’a pas participé au China’s Belt Initiative. Maurice est un allié de l’Inde, pas de la Chine.»

Brendan O’Hara (SNP) :

«Puis-je demander au ministre quelle a été l’implication du peuple chagossien dans ce processus – un peuple qui, il l’admet, a été traité honteusement par le Royaume-Uni et dont le déplacement forcé est à juste titre considéré comme un crime contre l’humanité ? Pourra-t-il préciser quand son gouvernement a rencontré le peuple chagossien, la nature des discussions qui ont eu lieu et dans quelle mesure l’opinion du peuple chagossien a été représentée dans cet accord ?»

David Lammy :

«Cet accord permettra, pour la première fois, aux Chagossiens de se réinstaller sur les îles extérieures. C’était une négociation entre le gouvernement du Royaume-Uni et Maurice ; c’était la nature de l’accord entre États. Bien sûr, nous avons cherché à tenir les Chagossiens informés, mais je rappelle qu’il existe différents groupes chagossiens, certains aux Seychelles, certains à Maurice et certains dans ce pays.»

Mark Francois (Conservative) :

«Cette capitulation abjecte d’un territoire souverain britannique pour rien – c’est ce que c’est – risque de donner un droit de veto aux Chinois sur une installation militaire vitale. Puis-je demander au secrétaire d’État combien ce pays va payer en loyer à Maurice pour le droit de louer à nouveau ce qui nous appartient déjà ? Quel ministère? Celui de la Défense ou le Foreign and Commonwealth Office va payer le propriétaire ?»

David Lammy :

«Les Chinois n’ont pas de veto dans cette Chambre. Le traité sera examiné par cette Chambre. Tous les membres pourront le consulter, en débattre et réfléchir à son contenu. Au moment de la publication du traité, il y aura une discussion sur les coûts, mais aucun accord de base ne discute des coûts, car cela nuirait à notre sécurité nationale et le gouvernement n’est pas disposé à le faire.»

Dame Karen Bradley (Conservateur) : «Le secrétaire d’État a déclaré qu’il établissait un trust fund et que les Chagossiens pourraient demander la citoyenneté britannique. Quelles discussions a-t-il eues avec le peuple chagossien à ce sujet ? Peut-il confirmer que le Home Office est prêt à traiter les demandes ?»

David Lammy :

«Ils peuvent déjà demander la citoyenneté britannique. Nous avons eu des dialogues et discussions avec les Chagossiens. Le ministre d’État les a rencontrés régulièrement.»

Sammy Wilson (DUP) :

«Le gouvernement a renoncé à un intérêt stratégique. Ils n’ont pas publié l’accord. Ils ne révéleront pas le coût. Ils ne garantiront pas qu’il n’y aura pas d’influence chinoise dans cette zone stratégique. Ils ont remis cet intérêt stratégique à un pays qui n’a aucun droit historique. C’est un abandon honteux des intérêts britanniques. Le secrétaire d’État compte-t-il sur le fait que le gouvernement a une immense majorité, qui peut faire passer cela à la Chambre, malgré son impact sur les intérêts britanniques à long terme ?»

David Lammy :

«Je pense que l’honorable membre s’est trompé lorsqu’il a dit que les gens y vivent – ce n’est pas le cas ; c’est tout l’intérêt de la question. Cet accord leur donnera le droit de se réinstaller sur les îles extérieures.»

Dame Caroline Dinenage (Conservateur) :

«Je me demande si le secrétaire d’État osera répondre à une question directe. Combien le Royaume-Uni devra-t-il payer pour le privilège de céder notre souveraineté ?»

David Lammy :

«Comme je l’ai dit, ce sont des questions que nous pourrons discuter lorsque nous aurons le traité. Ce n’est pas habituel pour un gouvernement de commenter les arrangements de base. La députée ne s’attendrait pas à ce que nous fassions cela et mettions en danger nos intérêts nationaux.»

Jeremy Corbyn (Ind) :

«Une excuse est due au peuple chagossien pour la manière dont il a été traité. Puis-je également demander au secrétaire d’État ce qu’il en est de la situation à Diego Garcia ? Il n’est pas clair pour moi si les Chagossiens peuvent visiter, résider, séjourner ou rester là-bas ou si on leur refuse l’accès pendant encore 140 ans à cause de l’accord conclu avec les États-Unis.»

David Lammy :

«La façon dont ils ont été traités était mauvaise. J’en dirai plus à ce sujet lorsque je présenterai le traité dans les mois à venir. En ce qui concerne le droit de visiter Diego Garcia, je dois lui dire qu’ils ne l’auront pas dans le cadre de ce traité. Tout réaménagement ou visite se fera sur les îles extérieures. Ils n’auront pas ce droit en vertu de ce traité.»