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Cannabis

Des affiches opposent la police et le collectif Rwana bizin lega

22 octobre 2024, 18:00

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Des affiches opposent la police et le collectif Rwana bizin lega

Danny Philippe (à g.) du collectif Les Zarbiens et Bruno Raya (à dr.) qui avait composé une chanson sur la dépénalisation du cannabis, en 2012.

Des affiches du mouvement Rwana bizin lega, placardées à travers le pays, ont été enlevées par la police la semaine dernière. Qualifiées d’«illégales», ces affiches ne portaient ni le nom des auteurs ni celui de l’imprimerie. Le collectif derrière ce mouvement, composé d’artistes, d’experts en politique de drogues, de travailleurs sociaux, d’économistes, d’avocats, de scientifiques, de médecins, d’intellectuels et d’utilisateurs de cannabis, défend le cannabis et croit dans son importance, entre autres, pour son efficacité thérapeutique prouvée, ses retombées économiques et son usage récréatif. À ce jour, le cannabis figure toujours dans la Dangerous Drugs Act.

Dans un document adressé aux partis politiques dans le cadre des élections générales, le collectif Rwana bizin lega explique les avantages de la décriminalisation de l’utilisation du cannabis sous différentes formes. Le slogan du collectif, comme l’indique Danny Philippe, membre du collectif Les Zarbiens et du mouvement Rwana bizin lega, a été choisi en s’inspirant des chansons des artistes locaux pour «passer un message» et partager le plaidoyer du groupe. Selon lui, le collectif rassemble quatre membres essentiels ainsi que des universitaires ayant exploré l’importance du cannabis. Selon Danny Philippe, ces militants ne sont pas forcément des consommateurs, mais des personnes qui saisissent bien les avantages que peut offrir cette plante. «Notre plaidoyer est de démocratiser le cannabis. Le gouvernement a fait un pas en avant concernant l’utilisation du cannabis pour les personnes souffrant de certaines maladies. Nous voulons que le cannabis soit libéralisé dans tous les établissements hospitaliers et les pharmacies», soutient Danny Philippe.

Sur son efficacité thérapeutique prouvée, le document précise que «plusieurs études internationales ont démontré que le cannabis médical peut jouer un rôle crucial dans la gestion de la douleur chronique, notamment pour les patients atteints de cancer, de sclérose en plaque, de VIH/Sida, ou encore de troubles neurologiques comme l’épilepsie». L’autre avantage de la libéralisation du cannabis, souligne-t-il, est l’aspect économique. Selon lui, le gouvernement a déjà démarré la culture industrielle du chanvre et encourage son usage récréatif, car «les caisses de l’État bénéficieront d’une entrée d’argent», ce qui permettrait de réinvestir ces fonds dans la lutte contre la pauvreté et la prévention. Le plaidoyer indique également que «le modèle de légalisation adopté dans des pays comme le Canada ou certains États américains montre que la taxation du cannabis peut générer des revenus substantiels pour l’État». Bien que Danny Philippe plaide ardemment pour la dépénalisation du cannabis, il insiste sur l’importance d’imposer un âge légal pour sa consommation. «Ce n’est pas pour tout le monde, mais pour des personnes responsables», explique t-il, prenant en exemple la vente de produits alcoolisés et de cigarettes, interdite aux enfants. Le cannabis, ajoute-t-il, a également une dimension spirituelle, car certains mouvements l’utilisent pour leurs prières. Il mentionne le fait que des pays comme la Jamaïque permettent l’utilisation du cannabis à certaines fins rituelles. De plus, le collectif estime que «la légalisation du cannabis s’inscrit dans une logique de respect des libertés individuelles.» Maintenant que le document est en possession des différents partis politiques, il espère un retour favorable pour discuter de ce sujet.

L’artiste Bruno Raya, alias Master Cool B, qui a composé une chanson intitulée Dekriminaliz li en 2012, plaide fortement pour la légalisation du cannabis. «J’avais écrit cette chanson car le gandia, on peut l’utiliser pour ses bienfaits. Nous ne faisons que le diaboliser sans même prendre en considération ses avantages», explique-t-il. Étant lui-même consommateur de cannabis depuis des années, il soutient que «c’est meilleur que l’alcool et les drogues illégales», et déclare que le cannabis n’est pas «un chef des démons». Bien qu’il milite pour sa dépénalisation, il précise qu’il ne considère pas le cannabis comme «extrêmement bon», car l’abus de toute substance peut entraîner des problèmes. Alors que le gouvernement a commencé la culture industrielle du chanvre, Bruno Raya estime que cette initiative aurait dû être mise en place plus tôt. «Cela a été mal géré avec de nombreuses procédures. Ceux qui ont besoin de médicaments à base de cannabis risquent de mourir en attendant», déplore-t-il. Il ajoute qu’il est temps d’adopter une approche plus tolérante, soulignant que le simik a envahi le pays, et que le cannabis et les produits chimiques ne sont pas comparables. Bruno Raya exprime également son inquiétude face à la police qui enlève les affiches du mouvement Rwana bizin lega et affirme que Maurice est un pays libre où la liberté d’expression devrait être garantie. Il craint que la dépénalisation du gandia ne mène Maurice vers une société de zombies. Cependant, il reste convaincu de l’importance d’engager des discussions avec les autorités sur le sujet.

Au niveau de la police, les affiches du mouvement Rwana bizin lega sont considérées comme illégales, car les lois mauriciennes n’autorisent aucune forme de légalisation du cannabis. «On ne peut pas promouvoir le cannabis ni aucun type de drogue. C’est pourquoi les affiches ont été enlevées», explique Shiva Coothen, responsable de la communication de la police. Selon lui, la police ne peut pas rester passive face à ce genre de publicité. Il souligne que l’ignorance de la loi n’est pas une excuse et précise que l’affiche ne porte pas le nom de son auteur, ce qui contribue à son illégalité. Il insiste également sur l’importance de sensibiliser le public, en particulier les jeunes, sur les effets néfastes de ce type d’affiches. «C’est notre devoir de protéger la jeune génération contre les drogues tant qu’elles restent classées sous la Dangerous Drugs Act», déclare-t-il. Il ajoute qu’une personne commence souvent par une cigarette, puis passe au cannabis, et enfin aux drogues synthétiques.

Silence pour Rwana bizin lega

La police a enlevé les affiches du mouvement Rwana bizin lega dans plusieurs endroits, notamment à Vacoas, Quatre-Bornes, Beau-Bassin et La Gaulette. Ces posters n’affichaient ni le nom des auteurs ni le lieu d’impression, ce qui a conduit à leur classification comme illégaux. Danny Philippe, membre du collectif, confie qu’il n’était pas au courant de ce retrait, mais il pense que l’absence d’identification sur les affiches a pu jouer un rôle dans cette décision. Il ajoute que le collectif prévoit de lancer très bientôt une campagne de sensibilisation sur les réseaux sociaux pour faire entendre sa voix.