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Relations précoces et montée de violence chez les jeunes

Entre laxisme des parents et manque d’encadrement

4 octobre 2024, 20:00

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Entre laxisme des parents et manque d’encadrement

Le problème de la montée de la violence chez les adolescents, ainsi que celui des relations amoureuses précoces, refait surface depuis la récente agression sauvage au couteau dont a été victime une adolescente de 15 ans par son ex-petit ami de 19 ans à Baie-du-Tombeau, le lundi 23 septembre. À cela s’ajoute le drame survenu à Vallée-Pitot, ce mercredi, où une mère de famille a été tuée.

Si le problème ne date pas d’hier, ils sont nombreux les professionnels qui œuvrent auprès des adolescents à tirer la sonnette d’alarme face à ce qu’ils qualifient de laxisme de certains parents et du manque d’encadrement, tant à la maison qu’au sein des établissements scolaires du pays. Cela a toujours été ainsi. Qui dit adolescence dit période de changement, de transition, où le jeune, qui est alors âgé entre 13 et 19 ans, subit toutes sortes de bouleversements.

«Pe inport ki lepok, prosesis adolesans an limem biolozikman li finn touzour amenn bann sanzman biolozik, fiziolozik ek evantielman ormonal ek sa finn touzour ena enn lefe lor psikolozi.» C’est en ces termes que le psychologue Vijay Raman jooloo définit l’adolescence. Pour lui, l’agression impliquant les deux mineurs n’est malheureusement pas un fait nouveau et plusieurs facteurs peuvent expliquer une telle situation. «Il y a le fait de l’adolescence même, puis, la question de la personnalité.» Il poursuit en expliquant qu’un adolescent n’est ni un enfant ni un adulte et bien qu’il ait plus tendance à privilégier ce côté adulte, il ne l’est pas encore. Il s’agit d’un processus qui, souligne-t-il, est accompagné de deux montées de pulsions, à la fois sexuelles et agressives, qui demeurent des compo santes «on va dire normales» au cours de cette phase.

Bien qu’il précise que chaque individu a sa propre personnalité, notre interlocuteur explique que voir et comprendre comment celle de ces deux jeunes impliqués se construit et, surtout, dans quel environnement, par exemple, est important pour permettre de comprendre la manière dont ils se sont comportés et, peut-être, expliquer certains de leurs agissements à un si jeune âge. «Premie sistem enn zanfan ou enn adolesan, se so paran.» Selon Vijay Ramanjooloo, le modèle instauré par les parents sera celui qui ressort le plus du compor tement d’un ado. «Cela peut être un système laxiste ou une culture d’autoritarisme. Dans le premier cas, c’est un système permissif, tandis que dans le second, l’autorité est excessive.»

Il explique que l’adolescent est un être qui est constamment à la recherche et qui va automatique ment beaucoup «transgresser». C’est pourquoi, dit-il, «lorsque l’on transgresse, il faut un cadre juste et ferme».

De conclure en estimant que nombreux sont les parents d’aujourd’hui qui eux-mêmes ont été adolescents au «siècle dernier», mais qui se veulent modernes et qui veulent faire différemment du système éducatif et de contrôle parental rigide «très sévère qui ressemblait plus au dressage dans lequel ils ont eux-mêmes grandi».«Les parents modernes, en voulant être dans l’autre position, lâchent prise. Ils deviennent laxistes et omettent de cadrer comme il se doit leurs enfants.»

La technologie

Revenant sur les autres facteurs qui impactent de manière significative un adolescent, Vijay Ramanjooloo évoque en premier lieu la technologie. «Zot ne ladan e linpak pa forseman pozitif ki izaz portab/laptop ena lor zot devlopman. Souvan, li kapav explik enn ogmantasion lagresivite bann adolesan parski zot expoze a tout sort zafer via internet.» Tout en expliquant qu’un adolescent se cherche et s’identifie, et que c’est à cet âge que la base du modèle parental devient plus intéressante pour lui. Le professionnel rappelle que c’est quand ils sont surexposés à toutes sortes d’informations que certains jeunes finissent par parfois s’identifier à des «mauvais» modèles.

Le psychologue explique qu’il faut cependant reconnaître que plusieurs efforts sont faits pour tenter de prévenir et mieux accom pagner les jeunes. Il cite l’initiative de l’organisation non gouvernementale Konekte, qui intervient dans les collèges et offre des cellules d’accompagnement psychologiques aux ados. Mais il estime qu’il faudrait faire encore plus, comme la création d’un espace pour que les jeunes puissent s’exprimer, où ils apprendraient à nommer leurs émotions et à les partager, ou encore la mise en place d’un système d’accompagnement pour apprendre à l’adolescent à gérer ses conflits. Mais il souligne surtout l’importance d’accompagner également ceux qui entourent les enfants, comme les parents et les enseignants.

Du côté des employés des collèges du pays, on partage le même avis. «Nous avons effectivement remarqué qu’il y a un problème croissant d’indiscipline dans les collèges, et que la réintroduction du système de coéducation (garçons et filles) dans les académies a conduit à une augmentation des cas de grossesses et de relations précoces.»

Selon le président de l’Union of Private Secondary Education Employees (UPSEE), Arvind Bhojun, ces constatations résultent de plusieurs observations qui ont été faites par les enseignants au sein des différents établissements secondaires de l’île et il en ressort que la source du problème viendrait souvent «dan lakaz». Il explique que les milieux d’où viennent les enfants ne sont plus les mêmes qu’auparavant. «Lontan ti ena enn lot ankadre man dan lakaz e tou manb enn fami ti ena enn drwa regar lor enn zanfan. Aster ou ena osi zanfan ki vinn depi bann broken families kot dan sertin ka paran nepli pran zot responsabilite et zanfan-la res ek granmer ou granper ou ek enn lot manb so fami. Ena seki sorti dan bann pos povrete e pou ki violans ek agresivite li normal, ek enn manier pou rezoud konfli.»

Arvind Bhojun va plus loin et observe que la pauvreté est un autre mal qui ronge certains jeunes et qui affecte de plus en plus leur comportement. Certains adoles cents, dit-il, viennent à l’école pour rechercher de l’affection et de l’at tention, ou tout simplement de la nourriture, et mettent l’éducation au second plan. Cela, parce qu’ils sont livrés à eux-mêmes et expriment alors leurs frustrations par la violence ou encore par des actes de bullying. Notre interlocuteur déplore cependant le fait que la sexualité ou encore le sujet des relations précoces soient restés tabou, que ce soit dans les établissements scolaires ou à la maison. Il prend comme exemple le modèle du système éducatif dans les pays scandinaves, où des garçons et filles utiliseraient même des toilettes communes dans le respect sans incidents à déplorer.

Pour le président de l’UPSEE, «il est nécessaire que les gens suivent une formation avant de devenir parents». Les autorités concernées devraient mettre en place l’école des parents, qui a maintes fois été annoncée et concrétiser une fois pour toutes le projet des discipline masters ainsi qu’augmenter le personnel qualifié dans les écoles.