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Maladies infectieuses dans l’océan Indien

La «Vector Biology and Control Division» mène la vie dure aux moustiques

11 octobre 2024, 12:28

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La «Vector Biology and Control Division» mène la vie dure aux moustiques

Deux agents de terrain de la VBCD inspectent les habitations à la recherche de larves de moustiques.

De par sa nature insulaire et sa géolocalisation, ses liens socio-économiques avec les pays de la région et son climat tropical, Maurice est très vulnérable aux impacts du changement climatique qui aggrave la recrudescence ou la réémergence de maladies infectieuses. En effet, cette année, le pays a connu la plus grave épidémie de dengue de son histoire ainsi qu’une virulente épidémie de Leptospirose.

Afin de répondre à ces multiples défis, la Vector Biology and Control Division (VBCD), un département du ministère de la Santé et du bien-être, a collaboré avec plusieurs partenaires scientifiques pour améliorer le système national de surveillance et de contrôle des insectes vecteurs. Il s’agit notamment : d’étudier le potentiel d’utilisation de la technique de l’insecte stérile (TIS) pour contrôler le moustique vecteur de la dengue avec l’aide de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) ; d’explorer l’utilisation de drones et de brumisateurs pour l’application aérienne d’insecticides avec l’aide de la Mauritius Cane Industry Authority, du Mauritius Sugarcane Industry Research Institute et de leur sous-traitant privé Drones Agriservices ; d’expérimenter l’utilisation de pièges pour l’autodiffusion d’insecticide par les moustiques ; de mettre en place un système de surveillance des moustiques vecteurs aux points d’entrée servant de modèle dans la région, avec l’aide du Center for Disease Control and Prevention (CDC) des États-Unis, de la Baylor University (Texas), de l’University of South Florida, de la Commission de l’océan Indien (COI), du CIRAD, de l’Institut Pasteur de Madagascar (IPM), de la Mauritius Ports Authority, du département de l’aviation civile et d’autres partenaires locaux ; d’établir une surveillance des insectes vecteurs zoonotiques dans des parcs de regroupement d’animaux en collaboration avec les services vétérinaires et avec l’aide de la COI et du CIRAD ; et d’instaurer un système de surveillance de la résistance aux insecticides chez les moustiques vecteurs de la dengue avec l’aide de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), du CIRAD et d’autres partenaires.

Dans le cadre du projet CC_RIO (Changements climatiques et risques infectieux émergents dans l’océan Indien) qui bénéficie du fonds d’amorçage du Réseau SEGA-One Health de la COI, soutenu par l’Agence française de développement (AFD) et l’Union européenne, et avec le soutien également du projet PRERISK-OI (Prévenir les risques infectieux dans l’océan Indien) financé par la Région Réunion et l’Union européenne, deux ateliers de formation et un séminaire international réunissant des chercheurs de dix pays ont été organisés à l’Institut français de Maurice en août et septembre 2024. L’objectif des deux ateliers de formation était de faire évoluer ALBOMAURICE, un modèle initialement développé par le CIRAD avec le soutien financier de l’AIEA pour prédire la densité du moustique Aedes albopictus vecteur de la dengue, à partir des données de plusieurs stations météorologiques locales vers un nouveau modèle dénommé ARBOCARTO toujours développé par le CIRAD et intégrant de nouvelles fonctionnalités comme la prise en charge de la capacité des différents écotypes à reproduire le moustique vecteur (capacité de charge) ou l’évaluation de nouvelles méthodes de lutte antivectorielle comme la TIS. Le premier atelier de formation, mené par Diana Iyaloo, responsable du VBCD, a compté sur la participation de deux agents du Service de Lutte Vectorielle de l’ARS974, Guillaume Dupuy et Gérald Ledoux, expérimentés et compétents dans ce domaine, et de Nadia Guiffant, géomaticienne de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) de l’UMR TETIS Montpellier, partenaire du projet CC_RIO.

WhatsApp Image 2024-10-09 at 11.14.12.jpeg Les agents de terrain de la VBCD s’orientaient jusqu’à présent à l’aide de cartes papier. Des tablettes financées par le projet CC-RIO vont très bientôt leur permettre de passer au numérique pour leurs relevés de terrain.

Du 12 au 16 août, 30 agents de terrain du VBCD ont été formés afin : d’identifier et dénombrer tous les gîtes larvaires domestiques et péri-domestiques du moustique Aedes albopictus ; de caractériser les différentes typologies de ces gîtes larvaires (fréquences, productivités), et de différencier les gîtes mis en eau par les précipitations ou par les activités humaines (comme l’arrosage). Les prospections entomologiques ont été menées dans différents écotypes de l’île Maurice, sur une trentaine de zones, afin de tenir compte des variabilités en termes de climat, d’altitude, de type d’habitat et d’environnement proche des zones habitées. Les agents de terrain du VBCD ont également été formés par Nadia Guiffant de l’INRAE à l’utilisation du logiciel Qfield sur tablettes tactiles pour l’enregistrement en temps réel des données sur les moustiques – ce qui est une première dans la région Océan Indien. Il s’agit d’un système de surveillance rapide et sans papier qui permet la géolocalisation de toutes les maisons étudiées sans avoir besoin d’un accès internet sur le terrain.

WhatsApp Image 2024-10-09 at 11.14.23.jpeg Diana Iyaloo (responsable du département VBCD) et ses agents de terrain lors du premier atelier de formation au nouveau protocole pour le recensement des gîtes larvaires. WhatsApp Image 2024-10-09 at 11.15.04.jpeg

Pour le second atelier de formation, qui s’est tenu du 9 au 11 septembre, à l’Institut français de Maurice, des experts du CIRAD et de l’INRAE (Renaud Marti, Mathieu Castets et Nadia Guiffant) ont formé 18 professionnels de la santé et des services météorologiques de Maurice à l’utilisation du modèle ARBOCARTO. Durant cet atelier, les participants ont été formés à : préparer toutes les données nécessaires pour alimenter le modèle ; utiliser l’outil ARBOCARTO pour simuler la dynamique des populations de moustiques dans différents scénarios, et exploiter les sorties du modèle. La poursuite de cette co-construction intersectorielle, académique et opérationnelle, guidée par les investissements et développements centrés sur l’outil ARBOCARTO dans le cadre du Dispositif en Partenariat One Health océan Indien (dP OHOI) et du projet Interreg PRERISK-OI, est bien engagée. Des travaux sont prévus pour améliorer les données cartographiques prises en compte dans le modèle pour l’île Maurice.

Enfin, un séminaire scientifique consacré à l’impact des changements climatiques et environnementaux sur les risques infectieux a réuni une quarantaine de professionnels de 10 pays (notamment l’île Maurice, La Réunion, la France, Madagascar, Les Comores, la Nouvelle Calédonie, le Cambodge, la Thaïlande et les îles Fidji) les 12 et 13 septembre à l’Institut français de Maurice. Le séminaire a été l’occasion pour les participants : de partager les résultats des travaux de recherche en cours sur l’étude de deux maladies infectieuses émergentes et sensibles au climat et prioritaires dans la région, la dengue et la leptospirose ; d’échanger des connaissances et des expériences avec des chercheurs et des professionnels de santé travaillant sur cette problématique dans les régions tropicales voisines (Asie du Sud-Est, Océanie, et de discuter de la mise en oeuvre de recherches innovantes et de projets d’envergure sur le Climat et les maladies infectieuses. L’objectif est de poursuivre les efforts de compréhension et d’anticipation de l’impact des changements climatiques sur les risques infectieux, et d’intégrer ces connaissances dans des politiques de santé régionales plus résilientes et durables.

good.jpg Nadia Guiffant, géomaticienne, à l’INRAE.

*Vecteur : «Tout être vivant capable de transmettre de façon active (en étant lui-même infecté) ou passive un agent infectieux (bactérie, virus, parasite).»

Article écrit par :

Diana Iyaloo, responsable du département VBCD (Ministry of Health Wellness),

Thierry Baldet, entomologiste (CIRAD),

Nadia Guiffant, géomaticienne, INRAE