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Les médailles du bonheur

12 août 2024, 09:03

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Tous les quatre ans, on se passionne pour des sports qui n’ont aucune visibilité en temps normal. Voire carrément aucun intérêt pour nous, soyons honnêtes ! L’escrime, le water polo, ou même le breaking cette année… Ah bon, parce que danser et gesticuler en mode battle c’est un sport ?

Si vous aviez un doute, vous avez dû vous rendre compte que c’était effectivement une discipline à part entière qui demande technique, discipline, concentration, beaucoup de sueur à l’entraînement et du talent comme dans n’importe quel sport ! Il est vrai que le karaté, lui, ne figure plus aux JO et que la boxe est menacée à son tour avant Los Angeles 2028… C’est fou quand on pense combien de nos pugilistes y ont participé dans le passé (même si on n’a hélas pu se qualifier cette fois-ci).

Ce matin, les passionnés de sport et les néophytes auront forcément un pincement au coeur de voir que les Jeux de Paris-2024 se sont refermés. Que c’était beau de voir ce monde qui joue sur un pied d’égalité ! Comme en athlétisme, où les sprints peuvent réunir jusqu’à 200 pays sur la ligne de départ. Difficile de faire plus universel que cette fascinante discipline. On ne peut s’empêcher de tirer un coup de chapeau à Julien Alfred, 23 ans, nouvelle reine du 100m et médaillée d’argent au 200m. Originaire de Sainte-Lucie, petite île des Caraïbes de 180 000 habitants, sans doute moins connue que Maurice. Même si cette dernière vit aux Etats-Unis, s’entraîne au Texas et avait dû émigrer en Jamaïque après le décès de son père alors qu’elle avait 14 ans…

Et que dire du sprint africain ? Au pays de Stephan Buckland et Eric Milazar, on ne peut que se féliciter de le voir incarné par le Botswanais Letsile Tebogo, 21 ans, premier représentant du continent vainqueur sur 200m.

Le Botswana, pays enclavé de 2,7 millions d’habitants situé au nord de l’Afrique du Sud, est ainsi le moteur d’un sprint africain en plein boom avec huit représentants en demi-finales du 100m et du 200m. Pour rappel, ils étaient deux en finale sur la ligne droite (le Sud-Africain Akani Simbine, 4ᵉ en 9”82, et Letsile Tebogo, 6ᵉ en 9”86), et trois sur 200m (Tebogo en or et les Zimbabwéens Tapiwanashe Makarawu et Makanakaishe Charamba).

Dans un tout autre registre, la médaille d’or du Pakistanais Arshad Nadeem au lancer du javelot, devant l’Indien Neeraj Chopra (titré à Tokyo en 2021) est une incroyable leçon de vie. D’une part, la mère de Chopra a déclaré qu’elle considérait Nadeem comme son fils et qu’elle était très contente de la victoire du Pakistanais. Des paroles fortes quand on connaît les tensions entre les deux pays et sachant que le rival indien était le tenant du titre…

D’autre part, Arshad Nadeem est parti de rien. Marié et père de deux enfants, cette armoire à glace d’1m90 est ce qu’on pourrait qualifier de véritable «Avenger». Issu d’une famille qui avait du mal à subvenir à ses besoins la plupart du temps, il était le seul à travailler. Le sport n’était qu’un luxe que sa famille ne pouvait se permettre.

Pourtant, Nadeem a persévéré, et a fini par triompher. Sans nourriture certains jours. Sans argent pour pouvoir s’acheter un javelot, il vient d’écrire l’histoire en explosant le record du monde de javelot de plus de 2 mètres (avec un jet à 92,97 m à son deuxième essai) ! Pendant que tous ses compatriotes se consacraient au cricket, il s’est entraîné avec un bâton et une corde. Un truc de fou ! Une histoire qui va sûrement inspirer Amiir Khan et ses amis de Bollywood pour en faire un film prochainement…

Sans égo. Sans compte en banque. Sans followers. Sans politicien. Sans rien. Juste avec son coeur et sa détermination, il a démontré qu’on peut devenir un champion. Voilà la vraie définition d’un super héros. A des années lumières des stéréotypes qu’on connaît. Ce garslà mérite tout simplement le respect de toute la planète.

Pendant cette quinzaine olympique parisienne, beaucoup auront mis de côté leurs soucis personnels pour se passionner pour cette «parenthèse enchantée» comme le dit si bien notre confrère de Canal+ Geoffroy Garétier dans l’interview ci-contre. Paris-2024 aura réussi la délicate mission de remettre l’humain au centre du monde. A coups d’exploits sportifs et au nom des valeurs de l’olympisme.

Les jours qui viennent seront peut-être à nouveau sombres. Les massacres d’innocents continuent à Gaza et ailleurs. Les tensions politiques, les fractures sociales et les menaces xénophobes (vues en Angleterre ces derniers jours) prennent de l’ampleur. Mais les médailles du bonheur et les grands champions qu’on a suivis à Paris 2024, de Léon à Marchand à Teddy Riner en passant par Arshad Nadeem, montrent que l’humain a aussi du bon et qu’il existe d’autres exemples à suivre.