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Moody’s confirme le statut de Baa3 de Maurice, mais se montre plus exigeante

31 juillet 2024, 09:00

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Sans surprise, Moody’s Ratings a, dans son dernier rapport, confirmé qu’elle maintenait la note souveraine de Maurice à Baa3, avec une perspective stable. Pour les opérateurs qui espéraient un léger mieux et que l’agence de notation accole une perspective positive à sa note, c’est un sentiment mitigé qui les anime. Le point positif, c’est bien évidemment que nous préserverons notre statut de pays investissable (Investment grade) pour encore au moins un an. Donc, cette note n’affectera pas les décisions d’investissement. Le côté négatif, c’est que les obligations de long terme de l’État mauricien sont toujours considérées comme présentant des caractéristiques spéculatives, qu’on n’a pas bougé d’un iota par rapport au classement de 2023 et qu’on reste à un cran de basculer dans la catégorie junk et de perdre notre Investment grade ; ce qui signifierait qu’on serait étiqueté comme étant potentiellement en situation de défaut de paiement.

Dans son rapport, Moody’s Ratings mentionne trois raisons expliquant sa notation de Baa3. Primo, l’agence observe que le pays montre des signes manifestes d’une forte reprise économique, soutenue par des investissements importants, notamment dans l’immobilier, et que dans le même temps, il fait preuve de résistance face aux chocs externes. Pour 2024, elle s’attend à une croissance de 5,9 % du PIB contre 7 % l’année dernière. Cette estimation est soit dit en passant nettement supérieure aux 4,9 % anticipés par le Fonds monétaire international, mais inférieure aux projections de SBM Insights (6,1 %) et des 6,5 % attendus par Statistics Mauritius, la Banque centrale et Maurice Stratégie.

Secundo, l’agence note que les indicateurs budgétaires se sont améliorés plus rapidement qu’initialement anticipé grâce à des taux de croissance élevés depuis 2022. Ainsi, le déficit budgétaire sera contenu autour de 3,5 % pour l’année fiscale 2024-2025. D’un autre côté, l’agence remarque que notre dette publique demeure relativement faible par rapport à des pays pairs. Celle-ci sera ramenée autour de 64 % du PIB à fin juin 2025.

Tertio, Moody’s Ratings se dit satisfaite que Maurice ait démontré une certaine capacité à limiter l’impact à long terme des chocs externes en s’appuyant sur des politiques saines. De plus, nos réserves internationales jugées comme étant conséquentes limitent le risque de vulnérabilité externe, malgré les risques persistants des comptes courants. À noter que les derniers chiffres publiés en début de semaine par la Banque centrale indiquent que nos réserves internationales totalisaient 8,19 milliards de dollars.

Malgré ses observations encourageantes, le pays pourrait se retrouver coincé avec cette note de Baa3 pendant un certain temps. Car Moody’s estime que le profil de crédit de Maurice est aligné sur celui des États souverains notés Baa3. Autrement dit, l’on restera au bord du précipice aussi longtemps qu’on ne procédera pas à des réformes structurelles en profondeur qui stimuleront la productivité nationale, permettront au pays de consolider sa base économique et de réaliser des taux de croissance sur la durée qui feront baisser encore un peu plus les ratios de la dette publique. Quand on sait qu’à Maurice, la croissance est essentiellement tirée par la consommation et que l’on peine à développer de nouveaux pôles économiques, on serait tenté de dire que Moody’s ne nous considère plus comme un État souverain appartenant à la catégorie Baa2.

L’agence fait, par ailleurs, comprendre qu’une épée de Damoclès restera suspendue au-dessus de notre tête et que nous sommes vulnérables à un éventuel abaissement de notre note souveraine si jamais l’on ne se retrouve dans une situation de renversement ou de ralentissement du processus d’assainissement budgétaire, qui se traduirait par une stabilisation de la dette publique plus élevée que prévu.

Outre les paramètres économiques, Moody’s Ratings accorde une attention particulière aux questions de gouvernance et de risque politique dans ses évaluations. L’on se rappellera qu’en juillet 2022, l’abaissement de notre note souveraine était intervenu quelques semaines après l’éclatement du scandale de «data capture» à la station d’atterrissage du câble SAFE à Baie-Jacotet. À l’époque, l’agence avait invoqué l’affaiblissement significatif de la qualité et de l’efficacité des institutions et de l’élaboration des politiques comme la raison principale du déclassement.

Autant dire que Maurice demeure sous la surveillance de Moody’s. Clairement, Maurice ne peut plus se permettre tout faux pas grossier au niveau de la politique économique et monétaire, ainsi que toute aggravation du risque politique dans le pays puisque cela signifierait perdre notre Investment grade et voir les investisseurs nationaux privilégier d’autres juridictions.