Publicité

Parcours de vie

Olivette, la doyenne*

1 septembre 2024, 18:37

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Olivette, la doyenne*

Aucune maladie, aucune douleur à 108 ans. Merci mon Dieu.

Née le 7 janvier à St-Pierre au milieu de la première guerre mondiale, en 1916, Olivette Labonne est la benjamine d’une famille de quatre enfants. Les métiers et activités autour de l’Église catholique et le cimetière avoisinant marquent sa jeunesse. Sa mère meurt lorsqu’elle a sept ans.

Son père, Évariste, est un membre influent de la communauté. Son nom est gravé au pied de la stèle de Sir William Newton en face de l’hôtel du gouvernement, à Port-Louis. Sa sœur devient religieuse et prend le nom de Sœur Marie Francis avant d’administrer école (à La Ferme, Rodriques), autres couvents, etc. Son frère, Pierre Labonne, est couronné champion cycliste réputé imbattable dans les années 30-40…

Olivette, elle, apprend le métier de couturière qu’elle exercera toute sa vie, avec passion et le sérieux d’une entrepreneure. Son vocabulaire, ces citations et sa maîtrise des chiffres indiquent qu’elle avait été bonne élève à l’école. Elle choisit pour compagnon de vie un homme de 20 ans son aîné, Hermann Leste. Divorcé, l’artisantourneur est amoureux des lettres, démontrant «un coup de plume» remarquable… La société s’opposant à leur alliance fera du couple des marginaux maîtrisant longtemps une sourde colère… Ils auront deux fils et deux filles.

Animé d’une foi inébranlable et porté par un projet commun, le couple s’installe au Ward IV de Port-Louis et s’engage à éduquer leurs enfants. Discipline absolue. À la maison, on ne parle que le français. Réussite totale puisque l’aînée se retrouvera infirmière en Écosse, puis aux USA; professeur de langues puis de théâtre, le cadet est engagé à Londres sous contrat et vivra 35 ans en Angleterre, entre autres voyages sur les cinq continents; la troisième, secrétaire bilingue, vivra en France, au Canada et en Côte d’Ivoire. Le quatrième enfant sillonnera les mers en tant que chief steward à bord de cargos hollandais. Après le décès d’Hermann, Olivette passera une vingtaine d’années entre Abidjan, Londres, Montréal, La Teste en France et Detroit, dans le Michigan.

Rentrée à Maurice, elle s’occupe de Fiona, sa petite-enfant orpheline avant que, renversant les rôles, cette dernière ne s’occupe d’elle. Une relation symbiotique qui dépasse les visiteurs de la Sécurité sociale. À la cérémonie du centenaire d’Olivette, à St-Patrick, les techniciens de la télévision attendent en vain l’arrivée d’une vieille dame en chaise roulante, ayant pris la vaillante dame en bleu pour une des invitées… Olivette aime la compagnie des jeunes et surtout offrir. Du temps, des conseils, des plats toujours un peu trop riches, du whisky préférablement… Elle fait preuve d’une capacité d’adaptation remarquable au point de se faire des amis de tous les âges partout où elle a vécu. Elle aime et connaît les plantes: tisanes qui l’ont gardée loin de toute maladie ; fougères qui ont embelli son environnement de verdure, en cachant les laideurs du monde.

Olivette 2.JPG (Le jour de ses 107 ans.)

Principaux traits de caractère : la prière toujours exaucée ; elle ne retient pas les coups de la vie (même à la mort de sa fille aînée et de son fils dernier-né) ; elle ne rapporte jamais ce qu’on lui confie. Car les secrets importent et conservent leurs porteurs. Être chic en toutes circonstances est une règle féminine et une pratique professionnelle. La mère, sévère et si dure avec ses enfants, les déroutera deux fois. En se transformant, durant cinq longues années, en aide-soignante patiente et dévouée lorsque la maladie de Parkinson s’empare de son homme. Ensuite, lorsqu’Olivette révèle une deuxième nature et une joie de vivre qui font oublier la matriarche aux allures militaires de leur enfance…

Olivette 3.JPG (Olivette et Hermann dans les années 50.)

Pour la petite histoire, elle est la première stupéfaite d’avoir franchi la barrière des 100 ans. Plusieurs fois, la couturière prévoyante avait cousu sa toilette mortuaire au cas où… Ne voyant pas venir la mort, au lieu de gaspiller un vêtement confectionné avec tant de métier et de soin, elle l’a offert en cadeau. Oh ! merci, Madame… Sa bénédiction préférée: «Succès dans tes projets». Leçon pour vous et moi: sans projet, point de vie.

(*)Après le décès en août 2024 d’Irlande Richard à 110 ans, Olivette Labonne est devenue la doyenne de l’île Maurice.

P. S. : Écouter le poème sur YouTube «La soif de vivre». Poème dit par l’auteur et publié dans le recueil Café Poésie à Sille-LEGuillaume, aux Éditions La Plume de Léonie, en France : https://youtu.be/hCS79wcDX7s