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Éclairage

Quand la cherté de la vie s’impose dans le discours politique

16 octobre 2024, 08:23

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Quand la cherté de la vie s’impose dans le discours politique

Avec la campagne électorale atteignant son paroxysme dans les prochains jours, il faut s’attendre à un durcissement du discours politique, avec son lot de critiques et d’attaques volant très bas et fusant de part et d’autre. Cependant, au-delà de ce folklore auquel la population s’est habituée à chaque échéance électorale, il y a malheureusement une constante, celle qui préoccupe la majorité des citoyens, transcendant toutes les classes sociales et les catégories économiques. Et qui s’impose comme le principal thème de cette campagne : la cherté de la vie.

Sur le terrain, à la faveur des tournées de la rédaction dans les 20 circonscriptions de l’île, les cris du cœur des gens impuissants face à l’effritement de leur pouvoir d’achat ont retenti. Une préoccupation qui n’est pas étrangère au constat dressé par différentes études d’opinion, dont celle d’octobre de l’année dernière de Synthèses/l’express. Les deux principales conclusions portaient justement sur les problématiques de la cherté de la vie, ressentie par 79 % des Mauriciens recensés, et la prolifération de la drogue (58 %). Une récente enquête d’Afrobarometer, par Straconsult, n’a fait que confirmer cette tendance dans presque le même ordre.

«Quelque temps de cela, je pouvais remplir mon caddie avec Rs 8 000. Aujourd’hui, il me faut Rs 13 000 pour nourrir ma famille», lâche le propriétaire d’une camionnette à La Louise, lors d’une visite lundi, au no 18. Comme lui, de nombreux pères et mères de famille restent sans voix face à cette explosion des prix dans des supermarchés et autres boutiques. Ne leur expliquez surtout pas les grandes théories économiques pour justifier cet état de choses ni les facteurs qui ont pu conduire à précariser leur coût de la vie ; ils ne souhaitent rien entendre. Ils savent qu’à la base, ils ont besoin de plus de roupies pour acheter le même… sachet de lait, par exemple, qu’ils se procuraient l’année dernière ou les années précédentes. Simple logique économique, direz-vous, pour affirmer que la monnaie locale a perdu de sa valeur vis-à-vis des principales devises, dont le dollar, utilisé pour importer plus de 75 % des produits que la population consomme et achète dans les grandes surfaces.

Faut-il s’étonner alors que l’ancien ministre des Finances, Rama Sithanen, dans sa première intervention publique, aux côtés des candidats de l’Alliance du changement dimanche au Pavillon, surfe sur cette thématique de cherté de la vie pour justifier la sanction du gouvernement sortant ? Tout comme l’autre économiste et membre de Rezistans ek Alternativ, Kugan Parapen, candidat de cette même alliance au no 1, qui se plaît, dans ses réunions à Grande-Rivière et à Cité Vallijee, à brandir un billet de banque zimbabwéen qui n’a strictement aucune valeur aujourd’hui dans un pays où l’inflation a grimpé à 55 %. Son message est clair : si l’Alliance Lepep remporte les prochaines élections et que le tandem Jugnauth / Padayachy est reconduit pour un troisième mandat, la roupie continuera à dégringoler. Du coup, il faudra «pousser une brouette remplie de billets pour acheter une baguette» dans la tabagie du coin.

Si certains observateurs s’accordent à dire que le come-back de Rama Sithanen sur la même plateforme que l’opposition est venu crédibiliser davantage cette alliance et envoyer des signaux positifs à la communauté des affaires, il doit être le premier à savoir que cette démarche n’est pas sans conséquence. Il devra encaisser des coups. Que lui donnent déjà les deux leaders de l’Alliance Lepep, Pravind Jugnauth et Xavier-Luc Duval, rappelant la période d’austérité économique subie par la population sous son mandat à la tête du Trésor public aux côtés de Navin Ramgoolam comme Premier ministre. Qualifié d’homme du gros capital, l’ancien ministre des Finances de 2005 à 2010 est critiqué ces jours-ci comme celui qui aurait «aboli les subsides sur le riz et la farine et annulé la distribution de lait et de pain aux écoliers». De bonne guerre, dira-t-on.

La réplique des spin doctors du ministre des Finances sortant, Renganaden Padayachy s’appuie sur une prémisse : la cherté de la vie n’est pas un phénomène local mais international, qui a vu de nombreux pays introduire des boucliers tarifaires et des mesures de soutien pour soulager financièrement les économiquement faibles. Maurice ne peut être une exception qui échappe à cette dure réalité. Ce, tout en égrenant les différentes prestations sociales et les mesures économiques pour redonner du pouvoir d’achat à cette population qui n’arrive pas à joindre les deux bouts.

Les économistes diront que cette masse d’argent, souvent perçue comme des mesures populistes, voire des cadeaux électoraux, accordée à tour de bras aux différents segments de la population, donne une illusion monétaire, un feel-good factor en dissonance avec la réalité économique.

Solution magique

Est-ce que l’Alliance du changement a la solution pour régler la problématique de la baisse du pouvoir d’achat, en stoppant la dégringolade de la roupie tout en maîtrisant l’inflation ? Navin Ramgoolam et ses principaux dirigeants ont construit leur campagne autour de cette thématique en créant des attentes et des espoirs chez une population médusée, apte de retrouver une roupie forte pour soutenir durablement son pouvoir d’achat en cas d’une victoire aux prochaines élections.

La publication de son manifeste électoral prochainement offrirait sans doute des pistes, en s’appuyant sur les mesures annoncées sur le front économique et social pour répondre aux revendications des Mauriciens.

Pour le moment, on croit savoir dans l’entourage de l’équipe économique de cette alliance et sur la base des échos qui nous sont parvenus que cette problématique a été suffisamment analysée et disséquée par des experts, avec des mesures qui produiront des résultats quasi immédiats. Cela en proposant une rupture avec «une certaine politique économique» qui permettra à la roupie de retrouver une confiance nationale auprès des différents stakeholders.

Sauf que, valeur du jour, l’équipe du changement n’a pas de porte-parole économique, tout au moins au PTr, qui devrait garder le portefeuille des Finances dans un éventuel gouvernement après le 10 novembre. On ne connaît pas celui qui a le profil parmi les candidats désignés pour occuper ce poste alors que la tâche, selon les spécialistes, sera herculéenne pour redresser une économie en lambeaux.