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Vague de licenciements

1 463 employés contractuels remerciés

17 mai 2025, 10:00

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1 463 employés contractuels remerciés

Pour le ministre Woochit, cette situation résulte d'un «recrutement massif et illégal» orchestré par l'ancien gouvernement avant les élections générales de l'an dernier.

La Local Government Service Commission (LGSC) a envoyé, les jeudi 15 et vendredi 16 mai, des lettres de licenciement à 1 463 travailleurs contractuels employés dans les conseils de district et les municipalités de l’île. Cette décision brutale, qui laisse ces employés sur le carreau à compter du 15 juin, suscite une vive colère et un sentiment d’injustice dans plusieurs régions de Maurice, provoquant des manifestations et une forte mobilisation des syndicats et des avocats. Le ministre des Collectivités locales, Rajiv Woochit, a, lors d’une rencontre avec la presse, hier, indiqué que de nouveaux postes vacants seront publiés à partir du mercredi 21 mai et que les employés remerciés pourront soumettre à nouveau leur candidature.

🔴 Tensions et manifestations à travers l’île

Les employés concernés, recrutés pour la plupart au cours des mois précédant les dernières élections générales de novembre 2024, se disent totalement pris de court. «Nou inn pass atraver interview, nou inn rant travay District Council… tou nou bann zafer an reg. Nou pa konpran sa ki pe arive», confient plusieurs d’entre eux, notamment dans le district de Savanne où une centaine d’employés ont organisé un sit-in dès 7 heures, hier matin. Beaucoup affirment avoir respecté scrupuleusement toutes les étapes du processus de recrutement géré par la LGSC et ne comprennent pas pourquoi leurs contrats sont aujourd’hui brusquement rompus. Ces travailleurs «temporaires» dénoncent l’absence totale d’explications officielles et regrettent *«l’insécurité créée par une procédure opaque» et, selon eux, «injuste».

Dans plusieurs parties de l’île, dont Grand-Port, Savanne, Pamplemousses, Moka, Quatre-Bornes, Vacoas-Phoenix ou encore Rose-Belle, les employés licenciés ont exprimé leur mécontentement par des rassemblements spontanés et des manifestations pacifiques, parfois tendues. À Voacoas–Phoenix, des employés contractuels se sont regroupés devant la mairie, certains refusant de récupérer leur lettre de licenciement. «Mo pa’nn fer sa pou nanye», déclare un manifestant à Quatre-Bornes, exprimant sa déception d’avoir quitté un emploi stable dans le privé pour un poste temporaire, sans aucune garantie.

Ces licenciements sont perçus comme une double peine. Non seulement ils perdent leur emploi mais ils restent dans le flou quant à leur avenir. À Rose-Belle, environ 200 employés ont manifesté leur colère devant le conseil de district, dénonçant «une décision injuste» et un manque de communication de la part des autorités. «Nous avons des responsabilités, des familles à nourrir et des dettes à rembourser», déplore l’un d’eux.

Soutien juridique et mobilisation syndicale

Plusieurs avocats et représentants syndicaux se sont mobilisés pour défendre les intérêts des employés. L’avocat Roshi Bhadain a parcouru plusieurs districts et municipalités, notamment Grand-Port, Savanne, Rose-Belle et Quatre-Bornes, pour écouter les doléances et conseiller les licenciés. Il a dénoncé une véritable «cacophonie administrative» et a conseillé aux employés de saisir la Cour suprême, en leur recommandant de prendre leurs lettres de licenciement under protest pour pouvoir contester la décision par la suite.

Une nouvelle lettre de la LGSC, émise hier, précise que ces employés restent en poste jusqu’au 15 juin 2025, période de préavis durant laquelle ils pourront envisager un recours juridique. L’avocat insiste sur le fait que la procédure de licenciement est «entachée d’irrégularités», notamment parce que plusieurs de ces employés cumulent plus d’un an de service, ce qui devrait leur garantir une meilleure protection contractuelle.

WhatsApp Image 2025-05-16 at 18.15.27.jpeg ■ Certains des licenciés à Moka et à Quartier-Militaire se sont plaints d'avoir effectué des heures supplémentaires non rémunérées.

L’ancien ministre du Travail, Soodesh Callichurn a dénoncé l’attitude du gouvernement envers ces travailleurs. «Morisien pa mandian», rappelle-t-elle, soulignant qu’il s’agit de citoyens ayant accompli leurs tâches avec honnêteté et dignité. Il s’est également rendu sur le terrain, notamment au conseil de district de Pamplemousses et à Rivière-du-Rempart, pour rencontrer les employés. Il a annoncé qu’il agira en tant que représentant légal des personnes concernées et il compte demander une révision judiciaire (judicial review) de la décision de licenciement.

Quant aux syndicats, ils ont appelé au calme mais également à la vigilance, craignant une précarisation accrue des conditions de travail dans les collectivités locales. Le syndicaliste de la Confédération des travailleurs des secteurs public et privé, Buddaru Somana, présent à Rose-Belle, a déposé une plainte officielle auprès de la police, réclamant une intervention rapide du gouvernement. Les manifestants ont refusé de quitter les lieux malgré les appels à la dispersion, montrant leur détermination à défendre leurs droits et à obtenir des explications claires.

À Savanne, les employés licenciés ont exprimé leur frustration. Ils insistent sur le fait qu’ils ont travaillé dur et ont respecté toutes les procédures, et disent ne pas comprendre comment une telle décision peut leur être imposée sans aucune explication. À Pamplemousses, un ouvrier a demandé au ministre du Travail de prendre en considération la situation des familles concernées, soulignant qu’il a des enfants à nourrir et que cette décision le met dans une situation insoutenable. À Moka et à Quartier-Militaire, certains employés dénoncent des conditions de travail difficiles, avec des heures supplémentaires non rémunérées et l’obligation de travailler même lors de cyclones ou de jours fériés. Ils ont interpellé la junior minister de l’Environnement, Joanna Bérenger, pour qu’elle les soutienne dans leur combat. À Quatre-Bornes, un manifestant a évoqué son amertume d’avoir quitté un emploi stable dans le privé pour un poste temporaire, sans perspective d’avenir. À Vacoas–Phoenix, plusieurs employés refusent de récupérer leur lettre, ne voulant pas accepter une décision qu’ils jugent arbitraire.

Explications du gouvernement et dénonciation de recrutements illégaux

Face à ces manifestations de colère, le ministre des Collectivités locales, Rajiv Woochit, a animé une conférence de presse pour expliquer les raisons de cette décision drastique. Il a dénoncé un recrutement «massif et illégal» dans les collectivités locales, orchestré avant les élections générales de novembre 2024 par le précédent gouvernement, et la gestion controversée par l’ancienne présidence de la LGSC. Entre le 1er janvier et le 2 octobre 2024, ce sont 1 765 embauches, qui ont été effectuées, dont 998 personnes recrutées durant le mois précédent les élections, soit entre les 3 septembre et 3 octobre. «Ce chiffre représente 56,5 % du total des recrutements et constitue une grave préoccupation», a affirmé le ministre Woochit. De plus, 599 emplois, notamment d’éboueurs, d’ouvriers et d’ouvriers non qualifiés, ont été créés sans budget, générant une dépense mensuelle estimée à environ Rs 10 millions.

Selon Ranjiv Woochit, 1 731 nominations ont été autorisées par le seul ancien président de la LGSC, contournant ainsi la règle d’une prise de décision collective, imposée par le règlement de 1984. Cette violation flagrante des règles administratives, qualifiée «d’abus de pouvoir», a poussé la LGSC à demander, en décembre 2024, un avis légal au bureau de l’Attorney General, qui a confirmé que ces recrutements unilatéraux étaient «légalement incorrects». Le ministre Woochit a souligné que cette situation aurait pu être évitée si la LGSC avait agi plus tôt mais la commission n’avait été pleinement reconstituée qu’à la fin de mars 2025.

Il a aussi annoncé la publication d’un nouvel avis de recrutement pour le mercredi 21 mai, où près de 3 000 postes seront proposés dans les conseils et municipalités, un recrutement qui sera, cette fois, effectué dans le strict respect des règles légales. Il a précisé que les personnes licenciées auront la possibilité de postuler à nouveau, cette fois dans le cadre d’un processus légal, transparent et conforme aux règlements en vigueur. «Ceux qui méritent ces postes auront définitivement leur chance. Nous voulons une administration locale transparente et efficace.»

Le ministre des Collectivités locales a aussi indiqué que les infractions relevées à l’encontre de l’ancien président de la LGSC avaient été signalées à la Financial Crimes Commission (FCC), qui mène une enquête sur les implications juridiques et administratives de ce scandale. Le rapport de la FCC devrait orienter les prochaines mesures disciplinaires et judiciaires.

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