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Égalité des genres
«Pena tansion» et «koz manti» : La ministre et sa junior s’affrontent
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Égalité des genres
«Pena tansion» et «koz manti» : La ministre et sa junior s’affrontent

Entre accusations frontales et frictions, la tension explose entre la ministre de l’Égalité des genres et du bien-être de la famille, Arianne Navarre-Marie, et sa junior minister, Anishta Babooram. Ce face-à-face inédit révèle les zones grises dans les relations entre ministres et junior ministers, révélateur d’une architecture gouvernementale fragile.
C’est un malaise qui couvait depuis des mois, jusqu’à imploser au grand jour. Le vendredi 1er août, un simple message posté sur Facebook par Anishta Babooram a mis le feu aux poudres dans les arcanes du pouvoir. La crise qui secoue aujourd’hui le ministère de l’Égalité des genres n’est plus seulement une affaire de ressentiment personnel : elle soulève une question fondamentale sur le fonctionnement du gouvernement et la place réelle des *junior ministers *dans le paysage politique mauricien.
Tout a commencé avec ces quelques mots publiés par la junior minister :«I kept quiet and I have been bearing things for long enough. Everyone ought to be treated with dignity.» Ce message, largement partagé, est perçu comme une dénonciation voilée de sa ministre de tutelle. Il marque le début d’un clash public et inédit.
Hier, lors d’un événement au Women Centre à Phoenix, Arianne Navarre-Marie a tenté de désamorcer l’incendie. Elle a affirmé qu’il n’y avait aucune tension ni friction au sein du ministère de l’Égalité des genres. Mais son ton est vite devenu plus ferme : «Mo bien sagrin pou bann ki pa kapav swiv le rythme.» Puis, elle a révélé les dossiers qu’elle aurait confiés à sa junior minister, dont le Child Adoption Bill, le Domestic Abuse Bill, la relance du système de familles d’accueil et les règlements relatifs aux crèches. Elle a soutenu qu’Anishta Babooram aurait décliné certaines de ces responsabilités : «Elle a présidé une réunion sur les crèches, puis, elle est venue me dire que ce n’était pas son travail, que ce dossier relevait des fonctionnaires.» La ministre a conclu en précisant qu’un ministre est payé pour travailler sur tous les dossiers et que ce dernier est redevable envers le Conseil des ministres et le Parlement.
Contre-attaque frontale d’Anishta Babooram
Contactée, Anishta Babooram est sortie de sa réserve et a chargé sa ministre sans détour : «Li koz manti kouma li respire.» Elle conteste avoir refusé un quelconque dossier et dénonce un effacement programmé : «Li ti dir mwa pran not ek apel bann dimounn dan so sirkonskripsion ki ena problem avek lakres. Mo’nn fer li. Pa ti ena okenn dosie lor mo latab. Se so Senior Adviser ki fer tou.» Elle décrit une mise à l’écart progressive : «Depi Zanvie, li pa finn koz ek mwa. Mo ti pran vakans, me apre sa, li pa finn redonn mwa okenn dosie. Bonzour mem li pa dir mwa.»
Pour autant, Anishta Babooram n’envisage pas de quitter son poste : «Je ne démissionne pas. Je veux être traitée avec respect, comme les autres junior ministers.» Elle espère désormais une intervention du Premier ministre de qui elle attend des actions rapidement.
«Junior minister» : un titre symbolique ou un vrai rôle exécutif ?
Au-delà du duel personnel, cette affaire soulève une question plus structurelle : les junior ministers ont-ils les coudées franches ? Sontils des décideurs ou de simples faire-valoir dans l’ombre des ministres de plein exercice ? Pour y répondre, nous avons contacté plusieurs d’entre eux.
Rajen Narsinghen, «junior minister» aux Affaires étrangères
«C’est un poste prévu par la Constitution. Dès le premier jour, nous avons eu une réunion avec le ministre Ritish Ramful. Il y a eu une répartition des tâches. Parfois, c’est lui, parfois, c’est moi qui préside. On fait tout ensemble.» Sur la différence entre un junior minister et un Parliamentary Private Secretary, il insiste : «Il faut une bonne entente entre les deux personnes. C’est un travail de concertation.»
Sydney Pierre, «junior minister» au Tourisme
«Nous avons une très bonne collaboration avec le ministre Richard Duval. Je m’occupe de plusieurs dossiers. J’ai présidé le comité de la basse saison, participé à des salons, rencontré les opérateurs.» Il précise cependant : «C’est le ministre qui reste l’accountable officer. C’est lui qui porte la responsabilité finale.»
Fawzi Allymun, «junior minister» aux Collectivités locales
«Je suis très à l’aise avec le ministre Ranjiv Woochit. On se rencontre tous les jours. Il me tient au courant. On fait des visites de terrain ensemble.» Et sur la méthode de travail : «On a des réunions tous les jours avec le ministre et la Permanent Secretary.»
Dhaneshwar Damry, «junior minister» aux Finances
«Le Premier ministre garde les grands dossiers. Moi, je suis plus dans l’opérationnel. Je rencontre les opérateurs économiques, je rapporte les problèmes et nous prenons des décisions ensemble.» Il insiste sur l’aspect formateur du rôle: «Travailler aux côtés d’un chef d’État comme lui est un privilège.»
Une architecture politique perfectible
Alors que certains junior ministers s’épanouissent dans un cadre structuré et collaboratif, d’autres, comme Anishta Babooram, se sentent marginalisés. Créé pour répondre à la surcharge ministérielle ou pour des raisons de rééquilibrage politique (souvent régional ou communautaire ou de parti dans le cadre de l’alliance), le poste de junior minister est aussi vu par certains analystes comme un titre honorifique sans réel pouvoir. Son efficacité dépend donc largement du bon vouloir du ministre en poste et du degré de confiance mutuelle.
Faut-il repenser le rôle des junior ministers, leur redonner un statut plus clair, des responsabilités définies et une autonomie de travail réelle ? Tant que ces questions ne sont pas abordées frontalement, les tensions comme celle entre Arianne Navarre-Marie et Anishta Babooram risquent de se répéter ailleurs. Et de mettre à nu les fragilités d’un système exécutif qui fonctionne souvent à la discrétion plutôt qu’à l’équité.
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