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50ᵉ rapport annuel de l’Ombudsman

436 plaintes contre les ministères, les autorités locales et l’Assemblée régionale de Rodrigues

31 juillet 2024, 10:37

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436 plaintes contre les ministères, les autorités locales et l’Assemblée régionale de Rodrigues

L’Ombudsman, Harry Ganoo (au centre), a présenté mercredi de 50ᵉ rapport annuel de son bureau, qui a le pouvoir d’enquêter sur un fonctionnaire ou une autorité publique si une personne estime avoir été lésée.

Afin de mieux faire connaître et valoriser son travail, le Bureau de l’Ombudsman a organisé mercredi sa première rencontre avec la presse, au cours de laquelle son 50ᵉ rapport annuel a été présenté. Harry Ganoo, l’actuel Ombudsman, a mis l’accent sur l’importance de cette fonction, qui consiste à améliorer le service public en enquêtant sur les allégations de mauvaise administration de la part des autorités publiques et en sensibilisant l’opinion publique.

En ce sens, la Constitution confère à l’Ombudsman le pouvoir d’enquêter sur toute action entreprise par un fonctionnaire ou une autorité dans l’exercice de ses fonctions administratives, dans tous les cas où une personne estime qu’une injustice a été commise en raison d’une mauvaise administration. La Constitution confère également à l’Ombudsman le pouvoir de mener des enquêtes de son propre gré, ce qui lui donne la possibilité d’adopter une approche proactive pour enquêter lorsqu’il a des soupçons raisonnables de mauvaise administration ou de défaillance d’un service.

Par ailleurs, l’Ombudsman ne dispose pas du pouvoir d’enquêter sur le président de la République ou son personnel, le Chef de la Justice, toute commission créée par la Constitution, le Directeur des poursuites publiques (DPP) et toute personne exerçant des pouvoirs délégués par la Public Service Commission (PSC) ou la Discipline Forces Service Commission (DFSC). Il ne peut pas non plus enquêter sur le secteur privé, sur une affaire portée en justice ou sur une plainte déposée il y a plus de 12 mois.

639 nouvelles plaintes enregistrées en 2023

Au cours de l’année dernière, 639 nouvelles plaintes ont été enregistrées auprès du Bureau de l’Ombudsman, et 864 cas ont été traités dans l’ensemble. Parmi cellesci, 436 concernaient des plaintes contre des ministères/départements, des autorités locales et l’Assemblée régionale de Rodrigues. 203 cas concernent des affaires diverses et des copies de lettres, c’est-à-dire des plaintes qui ne relèvent pas de la responsabilité du bureau ou qui sont considérées comme prématurées. En 2023, l’Ombudsman a ouvert 65 enquêtes de son propre gré contre des ministères, des autorités locales et l’Assemblée régionale de Rodrigues, ce qui représente une augmentation de 35% de ces enquêtes par rapport à 2022.

Entre autres, 95 plaintes enregistrées en 2023 provenaient de fonctionnaires, 47 provenaient de personnes ou d’entités privées et 34 plaintes ont été enregistrées par des retraités. Le rapport indique également une hausse du nombre de plaintes reportées d’une année sur l’autre, soit de 204 cas en 2021 à 225 cas en 2022. Le nombre de plaintes reportées à la fin de l’année 2023 était de 258, ce qui correspond à une hausse de 14 %. À la fin de l’année, 185 plaintes étaient encore en cours d’examen et ont été reportées à l’année 2024.

Les raisons des plaintes non résolues peuvent être attribuées à des cas complexes nécessitant des ressources spécialisées qui ne sont pas facilement disponibles en interne, à des exigences opérationnelles accrues et à des délais de réponse de la part de certaines autorités publiques, souligne le rapport. Parfois, les plaignants n’ont pas expliqué clairement leur situation et ont dû être convoqués au bureau pour obtenir des éclaircissements.

«La plupart des plaintes portent sur des ministères tels que la Santé, l’Éducation, la Sécurité sociale, ainsi que sur des conseils de district. Il faut souligner que le bureau ne mène pas d’enquêtes dans le simple but de trouver des fautes ou de blâmer une autorité, un individu ou un ministre, mais il mène des enquêtes en bonne et due forme qui révèlent plutôt des problèmes systémiques. Nous avons pris note d’un niveau louable de réactivité de la part de nombreuses autorités pour fournir des réponses rapides à nos questions, cependant, nous avons observé que quelques autorités publiques ont choisi de rester silencieuses, au mépris total des dispositions légales, malgré de nombreux rappels. Nous avons également, tout en accordant notre attention à celles que nous jugions substantielles, enquêté sur des plaintes émanant de lettres anonymes qui nous ont permis de remédier à des anomalies dans l’administration», a expliqué Harry Ganoo.

Les prisons sous le feu des projecteurs

Nombreux sont les cas – allant du plus simple au plus complexe – sur lesquels a enquêté le bureau de l’Ombudsman. Le 50e rapport annuel révèle des lacunes et des complexités majeures dans les prisons.

En septembre 2022, le bureau de l’Ombudsman a reçu une plainte d’un détenu de nationalité polonaise, alléguant qu’il s’était vu refuser l’administration de méthadone parce qu’il n’était pas mauricien. Au cours de son enquête, la préoccupation du facteur coût associé à la prescription a été soulevée au niveau administratif et, à la suite de discussions, il a été décidé que le détenu pourrait bénéficier de l’administration de méthadone. Il a fallu que le Bureau de l’Ombudsman procède à des investigations plus approfondies et à un suivi, et il a été informé que le détenu pouvait finalement être transféré à la prison de Beau-Bassin après avoir accompli toutes les procédures préliminaires pour se voir administrer de la méthadone.

Le rapport cite également le cas d’un détenu de la prison de haute sécurité de Melrose qui, en mars de l’année dernière, a porté plainte auprès de l’Ombudsman parce qu’il était dans l’attente d’un rendez-vous à l’hôpital Jawarharlal Nehru de Rose-Belle pour subir un test d’imagerie de perfusion myocardique (MPI) depuis septembre 2021. Une fois encore, l’enquête et le suivi du bureau de l’Ombudsman auprès du ministère de la Santé ont permis au détenu de bénéficier des traitements nécessaires entre août et septembre 2023. «Le Bureau de l’Ombudsman ne peut que souligner que le traitement médical des prisonniers devrait être pris en compte en temps opportun par les autorités pénitentiaires et sanitaires», note le rapport.

Il est également question de contradictions entre la section 21(3) des Prison Regulations et l’Ombudsman Act 1969. Cette dernière stipule que lorsqu’une lettre est adressée à l’Ombudsman par une personne légalement incarcérée, la personne responsable du lieu où l’auteur de la lettre est détenu doit transmettre la lettre, non ouverte, par poste à l’Ombudsman. Cependant, la section 21(3) des Prison Regulations est incompatible avec cette disposition légale et autorise un officier de la prison à lire chaque lettre destinée à un détenu ou émanant d’un détenu avant de l’envoyer. Il autorise également cet officier à interrompre, à sa discrétion, toute lettre ou communication au motif que son contenu est «objectionable». Le rapport de l’Ombudsman souligne que les règlements de la prison ne définissent pas le terme «objectionable» et que l’absence de procédures écrites rationalisées permettant aux officiers de prison de traiter les lettres des détenus a créé une grande confusion qui a entraîné la violation des droits des détenus à porter plainte auprès des instances de contrôle telles que le Bureau de l’Ombudsman et à écrire une lettre personnelle à leurs proches.

Pour rappel, le cas de Stefan De Cazanove, un artiste et étudiant en droit de 38 ans, arrêté arbitrairement en septembre 2020 pour trafic de drogue présumé et placé en détention préventive pendant deux ans sans preuve, a mis en lumière cette problématique particulière. De son côté, il avait soutenu qu’il avait été piégé. La prison de Beau-Bassin avait introduit une règle interdisant aux détenus de dessiner ou d’envoyer des lettres à leurs proches. Après que le cas de Stefan De Cazanove a fait la Une de l’express en septembre 2022, la prison avait de nouveau autorisé les détenus à commencer à dessiner et à envoyer des lettres.

En ce sens, le rapport du bureau de l’Ombudsman recommande au bureau du Premier ministre de mettre en place un comité comprenant toutes les parties prenantes, y compris le State Law Office, le Mauritius Prison Service et d’autres autorités compétentes, afin d’analyser et de revoir les Prison Regulations 1989 existants en vue d’ancrer légalement la définition des termes «content are objectionable» et d’apporter les amendements nécessaires, le cas échéant, pour les aligner sur la Constitution, l’Ombudsman Act 1969, d’autres législations en vigueur ainsi que les accords internationaux relatifs au traitement des personnes incarcérées. Répondant à une question de l’express à ce sujet, Harry Ganoo et Amarnath Ramtahul, Senior Investigations Officer, ont affirmé : «Nous avons reçu une lettre du bureau du Premier ministre stipulant que la recommandation est en train d’être considérée. Bien que nous soyons conscients qu’il s’agit de quelque chose qui ne peut être fait en un clin d’oeil, nous assurerons de notre côté un suivi régulier de toutes les recommandations qui n’ont pas encore été mises en oeuvre. À partir des prochains rapports annuels, nous avons décidé que les recommandations formulées mais non encore appliquées constitueront un chapitre à part entière.»