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Polémique sur son centre à Vacoas

Abass Doorgahed : «Je suis là pour soulager des familles»

13 septembre 2024, 19:00

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Abass Doorgahed : «Je suis là pour soulager des familles»

Son centre situé à Vacoas s’est retrouvé sous les feux des critiques après le décès de Salman Sayfud-Din Sauterelle, 21 ans, un habitant de Souillac. Le jeune homme, qui devait être dans son centre, a été retrouvé mort à Karo Kalyptis. Rencontre avec le gérant Abass Doorgahed (ci-dessus), dit Bhai Abass, l’homme derrière la conception de convertir des containers en centre pour aider ceux dans le besoin. Bûcheron de profession, il se dit travailleur social dans l’âme et envoyé de Dieu.

Abass Doorgahed relate que son centre n’est pas un centre de désintoxication mais un centre pour aider ceux qui en ont besoin. «Il y a des sans-abri, des pauvres qui viennent chercher des provisions, des personnes qui ont des problèmes conjugaux, familial ou de voisinages et aussi des toxicomanes. Il y a une centaine de personnes dans ce centre et en ce moment je dois dire que nous avons beaucoup de toxicomanes. Je suis là pour soulager des familles. Et ce sont des gens qui viennent frapper à ma porte. Des mères de famille et des épouses désespérées», confie Bhai Abass. «Je vous cite deux des exemples où ce centre a soulagé des familles. Il y a eu un cas où une mère de famille m’a dit qu’elle n’en pouvait plus avec son fils qui est tombé dans la drogue, il est violent, il a même arraché des fils électriques afin de les vendre pour se droguer. La situation était tendue et difficile chez elle. Je lui ai suggéré d’aller à la police, mais elle hésite à porter plainte à cause de son enfant qui n’a que 20 ans. Elle voulait lui donner une autre chance et ne pas gâcher son avenir. Je lui ai alors demandé une autorisation pour que son fils puisse rester ici. Les patients remplissent un formulaire d’admission. Il y avait aussi le cas d’une épouse désespérée après que son conjoint avait vendu deux de leurs magasins à cause de la drogue. Leur troisième magasin était en danger. J’ai conseillé à la dame de faire transférer le troisième magasin à son nom et laisser son époux. Résultat, la dame travaille en tranquillité alors que l’époux est ici», relate Abass Doorgahed.

Et de poursuivre que des personnes de toutes les couches sociales et toutes les religions fréquentent son centre. «Ki so ebenis, dokter, la polis tou inn vinn la. Kan enn dimoun vini nou fer li apran bann valer, respecte zot la fami, pa servi violans ar zot paran, nou ena enn cont pou rande zis ar bondié, zot lir coran, si dimoun la hindou nou fer enn pandit vini koz ar li, si enn catolik nou fer enn pret vini, zot lir la bible. Zot repenti et commence sanze. Enn zafer fer enn declic zot ressi sanze. Ena inn sanze ena inn retom ladan ek ena finn fini dan simitier», confie notre interlocuteur. Il se défend de faire de l’argent sur les toxicomanes. «Ici je ne prends pas un tarif comme certains centres qui demandent Rs 15 000 par jour. Les gens donnent ce qu’ils peuvent. Je leur demande seulement de payer pour les repas que je dois servir au patient et s’ils n’ont pas les moyens ce n’est pas grave je ne vais jamais refuser d’aider une personne en détresse», assure Abass Doorgahed. «Je dois trouver le petit-déjeuner, le déjeuner et le dîner pour tous les patients. Il y a aussi des volontaires qui nous apportent leur aide», poursuit Abass Doorgahed.

«Parfois je l’ai emmené travailler avec moi…»

Concernant le cas de Salman Sayfud-Din Sauterelle, Abass Doorgahed confie que des travailleurs sociaux ont emmené le jeune homme chez lui. «Il n’a pas rempli de formulaire. Il m’a dit qu’il doit rester dans un centre. Je l’ai laissé rester ici, il était libre. Il m’a dit qu’il doit à présent chercher du travail. Parfois je l’ai emmené travailler avec moi. Le jour où il était sorti je n’étais pas là. Certains patients sont autorisés à sortir dépendant de leur cas. Si nous savions ce qu’il y avait dans sa tête nous ne l’aurions pas autorisé à sortir», se défend Abass Doorgahed. Ce dernier dit que tant qu’il sera là il continuera à aider pour soulager des familles.

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Ismael Khodabaccus, qui est au centre depuis 10 mois, a pu se mettre dans le droit chemin.

Ismael Khodabaccus, 24 ans, un patient du centre qui a pu sortir de l’enfer de la drogue, relate qu’il a commencé à consommer du synthétique à l’âge de 18 ans et a dû ensuite se tourner vers la méthadone. «Telma monn fer firer dan la kaz ziska monn vann tou commission. Mo trouv mo mama plore, souffer, li na pli kapav avek mwa li al met case. Mone ale vini prison», confie Ismael Khodabaccus. Il explique que sa mère a frappé à la porte de plusieurs centres, certains l’ont placé sur la liste d’attente jusqu’à ce que ce centre l’accueille. «San pran enn sou ar mo mama, zordi mo pe kapav ale kot mwa mo bien habiller, mo mama trankil, mo pena moralité me Bhai Abass in ressi fer mwa gagne enn travay et zot pa guet moi kuma enn ancien drogue ou voler zot tret mwa pareil kuma enn citoyen normal», poursuit Ismael, cuisinier de profession.

«…Je serai toujours reconnaissant envers ce centre»

«Ici j’ai une place pour dormir, ma famille est tranquille et je peux me lever et apprecier un repas alors que si j’étais sous méthadone je suis sûr que je ne pourrais pas être comme je suis aujourd’hui», dit Ismael Khodabaccus qui est au centre depuis 10 mois. «Ma mère n’a pas donné un sou ici mais on m’a ouvert la porte, sur la centaine de patients, la majorité ne peut rien payer. J’ai pu m’en sortir avec de la volonté et je serai toujours reconnaissant envers ce centre.»

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Nitish a essayé de se soigner avec la méthadone mais son séjour au centre qui l’a sorti de l’enfer de la drogue.

Nitish, 28 ans, habitant Flacq, qui a aussi accepté de témoigner, revient sur sa descente aux enfers. «Depuis le collège, je suis tombé dans la drogue. J’ai travaillé dans plusieurs hôtels, et petit à petit, je me suis laissé influencer. Je fréquentais les boîtes de nuit. J’ai commencé par en consommer occasionnellement puis c’est devenu un besoin quotidien. La drogue a tout détruit dans ma vie : mes économies, mon travail, tout. J’ai même fini par voler ma famille.»

Le jeune homme relate qu’il a essayé de se soigner avec la méthadone, pensant que ce serait une solution. «J’ai pris ce traitement pendant trois ans, mais cela ne m’a pas vraiment guéri. J’avais des problèmes de santé, et je voyais des amis plus jeunes que moi perdre leurs dents à cause de cette dépendance à la méthadone. Chaque jour, c’était la même routine : méthadone et transactions autour de la méthadone. J’ai fréquenté plusieurs centres de réhabilitation au cours de ma vie. Ils prescrivent du pregabalin, un antidouleur, mais qui rend tout aussi dépendant. Après avoir essayé plusieurs centres, je ne me sentais toujours pas bien. Un jour, mon père m’a parlé de ce centre, recommandé par un de ses amis. Ils sont venus me voir et m’ont convaincu d’essayer. Cela fait maintenant quatre mois que je suis ici et aujourd’hui je suis clean. Aujourd’hui, j’aide dans le centre à préparer les repas, à parler avec les nouveaux qui arrivent, je leur donne des conseils. Ici, je me sens bien, entouré d’un bon esprit», confie Nitish. «Je suis hindou. Je vis parmi des musulmans, mais je me sens très à l’aise avec eux. Ils me traitent de la même manière, sans tenir compte de ma religion. Nous avons tous le même traitement.»

Un autre patient qui a souhaité gardé l’anonymat explique qu’il ne se drogue plus et est retourné vivre avec son épouse mais il se fait un devoir de venir passer quelques jours au centre pour venir apporter son aide.