Le verdict dans l’affaire Constituency Clerk, impliquant l’ancien ministre du Commerce, Yogida Sawmynaden, sera connu le 30 mai. C’est un procès qui, rappelons-le, a débuté le 21 février avec des accusations de «forgery in a private writing» et «making use of a forged private writing». Le procès a été rapide et les plaidoiries se sont terminées cette semaine. Cependant, il faut noter qu’à ce jour, soit plus de trois ans après, aucune enquête policière et par conséquent aucun procès n’a eu lieu sur les cas de corruption et surtout sur le meurtre de Soopramanien Kistnen.

Le corps calciné de ce dernier avait été retrouvé dans un champ de cannes à Telfair, le 18 octobre 2020, et plus de trois ans se sont écoulés sans que personne ne sache qui sont les commanditaires et les exécuteurs de cet acte atroce ayant coûté la vie à l’ex-agent orange de la circonscription n° 8, Quartier-Militaire/Moka. Pour le moment, l’attention est centrée sur l’affaire Constituency Clerk, qui oppose sa veuve, Simla Kistnen, à Yogida Sawmynaden. Où en est l’enquête sur la mort de son mari ? Est-elle toujours en cours ? Très peu d’informations transpirent à ce sujet au niveau des sources policières.

Toutefois, il est bon de rappeler l’implication directe et indirecte qu’aura eue le député MSM dans toute cette saga. Selon l’enquête judiciaire, Soopramanien Kistnen s’était lassé que Yogida Sawmynaden, alors responsable du portefeuille du Commerce, l’ait utilisé à maintes reprises dans des exercices d’appel d’offres alors qu’il devait, lui, se contenter de «miettes» et que d’autres proches du député orange raflaient de juteux contrats. C’est d’ailleurs, une des principales raisons qui auraient poussé l’agent orange à ne plus vouloir garder le silence et à dénoncer certaines maldonnes du régime en place.

De plus, dans le rapport de l’enquête judiciaire, rédigé par la magistrate Vidya MungrooJugurnath, des mobiles politiques ont été relevés derrière ce crime. Celle-ci avait même écrit noir sur blanc que «kickbacks were given to Yogida Sawmynaden (minister then responsible for the STC), one example of which would be the money which is paid into the account of Neeteeselec (company of Neeta Nuckched, friend of Yogida Sawmynaden) (...) the procurement angle may constitute the strongest motive for the crime». Aucune enquête de la commission anticorruption n’a été initiée selon nos informations.

L’affaire d’emploi fictif

Soulignons qu’un autre mobile du crime de Soopramanien Kistnen, avait soutenu la magistrate dans son rapport, serait bel et bien l’affaire d’emploi fictif impliquant Simla Kistnen. D’ailleurs, tout au long de l’enquête, la veuve avait raconté comment elle n’avait appris cela que lorsqu’elle avait fait des démarches pour le Wage Assistance Scheme durant le premier confinement dans le sillage de la pandémie de Covid. La magistrate Mungroo-Jugurnath avait déclaré dans son rapport : «It is recommended that an in-depth enquiry be carried out in relation to the alleged fake employment of deceased’s wife as Constituency Clerk of Yogida Sawmynaden. Based on the documents produced in court as well as the testimonies of the Witnesses 11 (NdlR, Simla Kistnen) and 33 as well as other witnesses, there may be a case for possible criminal offences against certain people. This may also constitute a motive for the homicide and the allegations of witness no 11 need to be investigated further.»

De plus, elle explique : *«According to the evidence of Witness No 40 and Witness No 11, the Deceased (NdlR, Soopramanien Kistnen) was upset about Yogida Sawmynaden using his wife’s name as his Constituency Clerk. According to Witness No 11 she has never worked as Constituency Clerk nor had she ever been remunerated for same… Deceased had allegedly threatened to denounce Yogida Sawmynaden on this issue. […] In addition, Witness No 44 has confirmed that he has never seen Witness No 11 act as the Constituency Clerk of Yogida Sawmynaden. Witness No 11 has stated that this could be a motive for the homicide of her husband.» *

Juste avant sa mort, Soopramanien Kistnen avait commencé à rencontrer des personnalités, des adversaires principaux du pouvoir en place – Navin Ramgoolam, l’activiste-politicien Bruneau Laurette et l’ancien ministre des Services financiers, Sudhir Seesungkur. La victime avait alors relaté plusieurs faits en rapport aux dernières élections ou encore comment l’argent avait joué un rôle crucial dans les législatives de 2019. D’ailleurs, les fameux Kistnen papers avaient défrayé la chronique et plusieurs pages avaient fuité dans la presse. Ces «documents» portant l’écriture de la victime démontraient que le MSM avait dépensé plus d’argent que n’autorise la loi aux dernières élections générales et que les trois candidats, Pravind Jugnauth,Yogida Sawmynaden et Leela Devi DookhunLuchoomun, auraient donc juré de faux affidavits en affirmant sous serment avoir respecté le seuil de dépenses par candidat. La police n’a pas enquêté non plus sur cet aspect de l’affaire Kistnen.

Pourquoi la police a-t-elle donc choisi seulement l’affaire Constituency Clerk ? Est-ce parce que Yogida Sawmynaden ne risquait pas la prison ? Ou est-ce parce que l’on pense que cette affaire pourrait être remportée plus facilement ? En tout cas, s’il y avait enquête et affaires en cour pour meurtre, pour corruption ou pour les dépenses électorales, il est certain que rien que les procès eux-mêmes allaient déranger non seulement Yogida Sawmynaden, mais aussi tout le gouvernement, explique-t-on.