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Réélection de Narendra Modi

Alliance électorale : Un mal nécessaire pour accéder au pouvoir

6 juin 2024, 22:00

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Alliance électorale : Un mal nécessaire pour accéder au pouvoir

Navin Ramgoolam a félicité Narendra Modi dès lundi soir sur Facebook.

La National Democratic Alliance (NDA) et ses alliés ont obtenu 292 sièges sur un total de 543. Mais le Bharatiya Janata Party (BJP) de Narendra Modi n’a fait élire que 240 députés, ce qui est loin de 272, loin du nombre requis pour constituer la majorité au Lok Sabha, qui compte 543 sièges. Donc, sans ses alliés, il sera difficile pour la BJP de diriger un gouvernement.

Ce qui s’est passé en Inde reflète bien la situation au niveau des arrangements électoraux pratiqués à Maurice. Les principaux partis politiques sont dans l’obligation de contracter une alliance pour accéder au pouvoir. D’ailleurs, tel a toujours été le cas depuis 1976, année durant laquelle, pour la première fois, le Mouvement militant mauricien (MMM) avait pris part aux élections générales. Seul, le MMM est passé à deux doigts de diriger le pays, mais ses 30 élus sur 62 n’ont pas suffi. Le Parti travailliste (PTr) de sir Seewoosagur Ramgoolam avait obtenu 25 sièges mais avait dû contracter une coalition avec le Parti mauricien social-démocrate (PMSD) de Gaëtan Duval, qui avait sept sièges, dont deux à Rodrigues, pour diriger le pays de décembre 1976 à juin 1982. C’est la seule fois depuis 1976 qu’il y a eu un arrangement post-électoral pour former un gouvernement.

Le MMM a tenté à au moins trois reprises, en 1983, 2010 et 2014, d’obtenir une majorité de 62 sièges, y compris les deux à Rodrigues, pour obtenir le pouvoir, mais il a échoué.

Lors des dernières élections générales, le 7 novembre 2019, le Mouvement socialiste militant (MSM) de Pravind Jugnauth était en position de force pour se présenter seul aux élections. Mais il a voulu rassurer un plus grand nombre d’électeurs en s’alliant au Muvman Liberater (trois élus), au Muvman Patriot Morisien (MPM) d’Alan Ganoo (deux élus) et à la Platform Militan (PM) de Steve Obeegadoo (un élu). Cette alliance avait décroché 38 sièges. Même sans ces six sièges, le MSM aurait eu 32 sièges et encore deux à Rodrigues. C’était suffisant pour obtenir un nouveau mandat.

Cinq ans auparavant, le MSM avait contracté une alliance avec le PMSD. Au départ des Bleus en 2016, le MSM a pu rester au pouvoir avec l’aide des transfuges, même s’il n’en avait pas besoin.

Donc que ce soit le PTr, le MSM ou le MMM, les trois principaux partis sur l’échiquier politique à Maurice ont toujours fait un appel à un ou plusieurs alliés pour accéder au pouvoir. On se rappelle des grandes alliances comme en 1991 (MSM-MMM), en 1995 (PTr-MMM), en 2000 (MSM-MMM) en 2010 (PTr-MSM) et en 2014 (MSM-PMSD).

Pourquoi c’est un mal nécessaire de contracter une alliance avant une élection générale? Nous avons abordé cette question avec Ivan Martial, historien et observateur politique depuis plus de 50 ans.

D’abord, il soutient que c’est le système électoral qui pousse les partis à avoir recours à des alliances pré-électorales. Il accuse d’abord sir Seewoosagur Ramgoolam de ne pas avoir accepté la représentation proportionnelle avant les élections de 1982. «S’il l’avait acceptée, son parti aurait pu se retrouver avec quelque 20 sièges en 1982, mais pas avec un 60-0.» Il déplore également que d’autres partis, même avec des 60-0, n’aient jamais cru bon de changer ce système. «Au pouvoir, cela les arrange.»

Ensuite, il rend pour responsables les différents leaders des partis politiques qui ne peuvent rassembler les Mauriciens. «Sir Seewoosagur Ramgoolam a été l’un de ceux qui pouvaient le faire, mais il a laissé tomber des personnes comme Philippe Forget, Jean Delaître et Eddy Chang Kye, pour ne citer qu’eux. Sinon, le PTr aurait été un grand parti national et il n’aurait eu besoin d’aucun allié. Du moins dans les années 70-80.» Il se demande si Pravind Jugnauth a besoin de ses petits alliés et même d’un PMSD diminué pour affronter l’électorat prochainement. «Seront-ils d’un apport considérable ? Ou c’est juste pour rassurer l’électorat urbain ?»

Pour rappel, sauf en 1983, quand l’alliance MMM-PSM de Harish Boodhoo a éclaté et que plusieurs députés du MMM se sont ralliés derrière Anerood Jugnauth et la majorité des parlementaires du MSM, les élections ont dû avoir lieu 14 mois après celles de juin 1982. Sinon, des alliances ont été défaites au cours d’un mandat, mais les élections ont eu lieu au moins quatre ans après les précédentes.


Les leçons du scrutin indien pour Pravind Jugnauth

Les urnes ont rendu leur verdict mardi en Inde et le Premier ministre, Narendra Modi, prêtera serment, probablement le 8 juin, pour un troisième mandat de cinq ans. Il n’y a toutefois pas de quoi sabrer le champagne. Contrairement à ses attentes (démesurées ?), notamment celle de remporter une majorité écrasante de plus de 400 sur 543 sièges au Lok Sabha, le Parlement indien, sa famille politique, le BJP, a concédé une soixantaine de sièges par rapport aux précédentes législatives. Du coup, sa majorité parlementaire a volé en éclats. Désormais vulnérable, le Premier ministre dépendra de ses alliés – pour autant que ces derniers ne changent pas de camp – pour s’accrocher au pouvoir. Candidat à Varanasi, Narendra Modi se trouvait lui-même dans un moment en ballottage défavorable, mais il a rattrapé son retard par la suite.

On peut parier que ses proches collaborateurs ainsi que les observateurs politiques sont déjà à l’œuvre pour analyser la victoire au goût amer. Les conclusions devraient intéresser les Mauriciens (nous suivons la politique indienne avec une certaine passion), et plus particulièrement, le Premier ministre mauricien. Les élections générales auront lieu d’ici à la fin de l’année et Pravind Jugnauth, comme Modi, briguera les suffrages en vue d’un troisième mandat. On ne compare pas le lard et le caviar, mais de nombreuses similitudes lient les deux hommes. Le Premier ministre de «Chota Bharat» peut évidemment tirer les leçons du scrutin indien et éviter les erreurs, si ce n’est pas déjà trop tard, qui ont conduit à la «déroute» de son homologue indien. Voici quelques pistes.

La mainmise médiatique et la surexposition peuvent être contreproductives. Narendra Modi était surexposé dans les médias. Les chaînes de télévision, dont certaines étaient rachetées par les proches du pouvoir, ont chanté ses louanges jour et nuit, sans doute jusqu’à l’indigestion. Chez nous, le Premier ministre s’éternise aussi chaque soir sur la télévision nationale, coupant un ruban par-ci, distribuant des cadeaux par-là. Le Premier ministre indien a payé un prix fort non seulement pour sa surexposition, mais aussi pour qui, aux yeux de ses compatriotes, constitue un abus de pouvoir.

La répression ne paie pas. En pleine campagne électorale le mois dernier, une brigade anti-corruption de la police indienne a arrêté Arvind Kejriwal, le chef ministre de New-Delhi, et deux de ses lieutenants, les accusant de détournements de fonds publics. Ce dernier est aussi le chef de Aam Aadmi Party (AAP), un féroce groupe d’opposition au régime et membre de l’INDIA, la grande coalition anti-BJP. Pour beaucoup d’Indiens, il ne s’agissait que d’une chasse aux sorcières orchestrée en période électorale contre les opposants du régime. Ce n’est pas le seul cas. En décembre dernier, la députée de l’opposition Mahua Moitra, une ancienne de Wall Street et une redoutable oratrice, avait été expulsée du Parlement par la majorité gouvernementale sur une histoire de blanchiment d’argent. Un coup monté, a-t-elle dénoncé. Mais voilà, largement réélue, elle a retrouvé son siège de député mardi. À Maurice, une impression de chasse aux sorcières prévaut aussi à divers niveaux, envers l’ancien Premier ministre Navin Ramgoolam par exemple. En Inde, elle a eu l’effet boomerang.

Diviser pour régner n’est pas une bonne stratégie. Narendra Modi s’était fixé l’objectif de décrocher au-dessus de 400 sur les 543 sièges du Lok Sabha. Une telle majorité, disait-il, permettrait à son gouvernement de changer la Constitution. Il s’était appuyé sur le fait que les hindous, qui constituent la majorité de la population indienne, se rallieraient à son parti. Quitte à adopter un discours blessant et divisionniste pour séduire cette majorité. À Maurice, le Premier ministre, avec sa stratégie 4–14 (11 circonscriptions) demande aussi une majorité écrasante. Il vise à rafler tous les 33 sièges de députés à la prochaine consultation. Comme en Inde, il compte sur le soutien de la communauté dominante. En tous cas, en Inde, la population a su éviter le piège de la division et la stratégie du BJP a fait fiasco. Ironie du sort, Ayodya, dans l’Uttar Pradesh, où le Premier ministre indien vient d’inaugurer tapageusement un temple dédié à la divinité Ram, a rejeté le candidat du parti nationaliste hindou. Ce n’est pas du tout certain que la même démarche serait payante chez nous.

L’autocratie est insupportable. Tout tourne autour du Narendra Modi au sein du pouvoir indien. Omniprésent et omnipotent, il s’apparente à un monarque absolu. Il est même dépeint comme une réincarnation divine. À Maurice, ce n’est pas très différent. Ses ministres et députés rendent systématiquement un hommage appuyé au Premier ministre à tous les coups. En effet, ce dernier décide de tout. Projets gouvernementaux, nominations, promotion, date des élections, les candidats; il a son mot à dire. La concentration de pouvoir est insupportable en démocratie ; elle a été l’une des raisons du rejet exprimé dans les urnes en Inde. Le Premier ministre mauricien devrait retenir la leçon.


Réactions

Pravind Jugnauth, Leader du MSM Et PM: : «Je félicite le Premier ministre, Shri Narendra Modi Ji, pour sa troisième victoire consécutive et historique. Je dis bravo au peuple indien qui a choisi la continuité. Il a donné l’exemple qu’il faudra suivre dans les démocraties.»

Navin Ramgoolam, Leader du Parti Travailliste : «Je félicite le Premier ministre Narendra Modi pour sa réélection pour un troisième mandat, une réalisation qui n’a pas eu lieu depuis les années 1960. La plus grande démocratie du monde vient d’achever le plus grand exercice démocratique de l’histoire, avec la participation de 642 millions d’électeurs à ce processus démocratique, sans violence. C’est une réalisation remarquable qui mérite d’être célébrée. Nous entretenons une relation très spéciale avec l’Inde même avant notre indépendance et nous sommes convaincus que cette relation sera encore renforcée pour le bénéfice mutuel de nos deux pays sous la direction du Premier ministre Modi et de son nouveau gouvernement élu.»

Paul Bérenger, Leader Du MMM : «Nous avons suivi, avec intérêt et au jour le jour, les élections en Inde et en Afrique du Sud également. C’est passionnant. Cependant, le parti ne va pas s’ingérer dans la politique intérieure d’un pays. Donc, je ne ferai pas d’analyse.»

Xavier-Luc Duval, Leader Du PMSD : «Le PMSD adresse ses plus chaleureuses félicitations à Shri Narendra Modi et à la National Democratic Alliance pour leur victoire historique aux élections législatives indiennes. La réélection de Narendra Modi garantit la continuité des relations privilégiées entre nos deux nations. L’Inde a toujours été un partenaire clé et un soutien indéfectible pour Maurice, comme en témoigne l’aide substantielle que nous avons reçue depuis des décennies, et plus particulièrement ces derniers temps. Nous sommes certains que la coopération entre nos deux nations se renforcera davantage sous ce nouveau mandat. Ces élections ont démontré une fois de plus que l’Inde demeure la plus grande démocratie au monde. Les citoyens indiens ont exprimé leur attachement aux valeurs démocratiques en se rendant massivement aux urnes. Le PMSD transmet ses meilleurs vœux de réussite à Shri Narendra Modi et au peuple indien en leur souhaitant paix et prospérité pour le futur.»

Nando Bodha et Rama Valayden de Linion Moris ont envoyé une note conjointe à Narendra Modi en passant par le haut-commissariat indien : «La plus grande démocratie s’est exprimée. L’Inde est un phare pour le monde en ce sens. Linion Moris souhaite féliciter Son Excellence Narendra Modi pour sa victoire aux élections générales en Inde pour trois mandats consécutifs, une réalisation sans précédent. Ce troisième mandat aidera son gouvernement à compléter l’amélioration globale de la situation de chaque citoyen et à poursuivre le vaste développement des infrastructures entrepris. Linion Moris est convaincu que l’Inde progressera davantage sous votre direction et espère sincèrement que la relation exceptionnelle entre Maurice et l’Inde sera encore renforcée dans les années à venir.»

Nivedita Nathoo, Membre de Friends of BJP : «Victoire historique mais nul n’est à l’abri d’une surprise»

Nivedita Nathoo est membre de Friends of BJP. Invitée à donner son opinion sur la victoire du parti et ses alliés aux élections en Inde, elle dira: «C’est une victoire historique que seul le Pandit Nehru avait réussie dans le passé, c’est-à-dire obtenir trois mandats consécutifs.» Néanmoins, elle ajoute que malgré ce que Narendra Modi a accompli, avec les développements, la réduction de la pauvreté et avoir placé l’Inde en cinquième position des pays les plus performants économiquement, son parti, le BJP, n’a pas obtenu la majorité des sièges. Donc grâce à ses alliés, il va diriger le pays. «Donc c’est une leçon à tirer pour d’autres dirigeants car personne n’est à l’abri d’une surprise.»