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Interview
Amalsingh Badal : «Quelque chose se passe et c’est irréversible»
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Interview
Amalsingh Badal : «Quelque chose se passe et c’est irréversible»
Amalsingh Badal, directeur de l’agence Lifetime Immigration et membre du Registre Québécois des Consultants en Immigration.
Le directeur de l’agence Lifetime Immigration et membre du Registre Québécois des Consultants en Immigration, lui-même installé au Canada, a profité de son passage au pays natal, pour dresser le bilan du mouvement en masse de Mauriciens vers la terre des opportunités.
Quelles sont les principales raisons qui poussent les Mauriciens à tout quitter pour prendre un nouveau départ ?
Je gère environ 700 à 800 dossiers et ce nombre continue de croître. Pour beaucoup, l’immigration est une opportunité pour un nouveau départ et surtout pour l’avenir des enfants. Beaucoup voient l’avenir à Maurice sombre ou en ont ras-le-bol du bizin koneksion pour que leurs enfants pourtant bien éduqués décrochent un poste. Des parents préfèrent se sacrifier un peu pour leur offrir un meilleur avenir. C’est la même tendance au sein de la communauté des affaires qui, pourtant, peut se permettre beaucoup de choses. Autre constat : je vois beaucoup de personnes, qui, même si elles ont une bonne affectation professionnelle ou sont au summum de leur carrière, prendre leur retraite au bout de 25 ans de carrière pour s’installer au Canada. D’un côté, elles ne perdent pas ce qu’elles ont contribué ici et de l’autre, en trois ans au Canada, ils atteignent déjà le niveau qu’ils ont construit en 25-30 ans ici. Nous témoignons aussi d’une vague de candidatures lors des restructurations des sociétés. J’aime beaucoup mon pays mais something is happening and unfortunately it is a no-return. Cet exode, je me demande si au final, cela n’arrange pas certains face au nombre croissant de diplômés.
Quelles sont les options qui s’offrent à ceux désirant faire le grand saut ?
L’option la plus sécurisée est la résidence permanente qui donne accès à tout sauf au droit de vote durant les premiers trois ans. Ce n’est qu’une fois ce cap franchi que vous avez droit au passeport canadien, donc au droit de vote. C’est d’ailleurs le plus fort taux de demandes qu’on traite à l’agence. Puis, celle du permis de travail pour ceux qui ne disposent pas des qualifications requises pour la résidence permanente.
Troisièmement, l’éducation mène à la résidence permanente. C’est aussi pour cela que beaucoup de parents, y compris ceux qui ont les moyens, migrent car s’ils envoient leur enfant étudier tout en restant ici, les coûts sont exorbitants. Par exemple, quatre ans d’études peuvent coûter autour de 200 000 dollars contre 40 000 dollars les mêmes cours sur le territoire si la famille y est installée. Ce coût peut être également beaucoup moins dépendant des cours. 30 % des demandes que je traite sont celles des parents dont les enfants arrivent à l’âge de l’éducation supérieure.
**Expliquez-nous le système de points pour les immigrants économiques.
Pendant l’exercice de sélection par le gouvernement canadien, plus un postulant a des points, plus grandes sont ses chances d’être sélectionné. Les bilingues comme les Mauriciens ont plus de points que les monolingues car c’est un atout fort, et pas uniquement dans des provinces francophones comme le Québec. Le gouvernement canadien qui a réalisé que la langue française s’éteint, a décidé depuis ces dix dernières années d’attirer des immigrants économiques bilingues. Même l’âge n’est pas un obstacle du moment que les candidats sont bilingues. J’ai des candidats de 60 ans + pour l’immigration.
Par ailleurs, un employeur avant de pouvoir recruter un travailleur étranger, doit obtenir un permis de Labour Market Impact Assessment qui évalue si les compétences importées sont vraiment en demande et ça comporte des frais de 1 000 dollars par employé. Par contre, si la firme recrute du personnel francophone, elle n’a pas de frais à payer. Ce qui est donc un tremplin pour beaucoup d’employeurs qui se déplacent pour recruter à Maurice étant donné la vitesse à laquelle ils peuvent avoir des employés francophones ici.
Quels sont les secteurs qui recrutent ?
Les métiers (skilled trades) sont les secteurs qui attirent le plus et partout au monde, Maurice compris. Je parle là de la restauration et l’hôtellerie avec des opportunités pour les cuisiniers, chefs, pâtissiers, boulangers, réceptionnistes, puis il y a la mécanique, l’électricité, l’éducation de la petite enfance, la construction, la boucherie. En fait, tous les métiers formés par le Mauritius Institute of Training & Development sont très demandés au Canada. La clé dans tout cela, c’est le bilinguisme et il faut absolument prouver son expérience.
Quel est le budget minimum que devrait prévoir une personne pour aspirer à une carte de résident au Canada ?
Pour la résidence permanente nous facturons entre Rs 75 000 et Rs 85 000 par famille pour nos services et c’est payable en trois tranches. Maintenant, pour les frais gouvernementaux, cela varie entre 155 dollars canadiens pour le permis de travail et 1 350 dollars pour la résidence permanente, par adulte. Ce qui totalise environ Rs 150 000 par personne et quelque Rs 200 000 par famille, frais gouvernementaux et d’agence compris. Il faut aussi savoir que pour accéder au territoire canadien, en vue d’une résidence permanente, il faut être muni d’une attestation de fonds.
Pour l’entrée express, qui est la plus populaire, le montant est de 13 000 dollars par personne et 3 000 dollars pour chaque membre additionnel de la famille. Pour le Québec, c’est un tiers du montant, soit 3 500 dollars et 2 000 dollars par personne supplémentaire. Cet argent, il faut le transporter avec soi et ouvrir un compte bancaire une fois au Canada car vous avez besoin de cet argent pour commencer votre vie. Un moyen pour le gouvernement de combattre l’injection d’argent sale dans le circuit. Par contre, si une personne s’y rend avec un permis de travail, elle n’a pas besoin d’apporter cette preuve de fonds.
Combien de temps durent les démarches ?
Nous traitons le visa visiteur, qui peut prendre trois mois, le permis de travail trois mois et la résidence permanente, six mois à compter du jour de la requête. Par contre, pour le Québec qui a deux étapes de procédures, cela peut prendre un an à 18 mois. L’entrée express est la plus rapide puisqu’en six mois vous avez votre permis.
Avec la flopée de recruteurs et d’agents, comment distinguer les sérieux des arnaqueurs ?
Le Canada reste un produit phare, d’où la prolifération d’arnaqueurs depuis ces cinq dernières années.Le gouvernement mauricien doit être plus rigoureux et s’assurer que seuls ceux qui ont une licence du Canada, puissent opérer. Vous vous rendez compte qu’il y a même des Indiens qui recrutent des Mauriciens pour travailler au Canada. Pour vérifier si vous avez affaire ou pas à des consultants fantômes, il suffit de parcourir la liste officielle des consultants sur le site Internet du Collègedes consultants enimmigration et en citoyenneté. Ici à Maurice, le gouvernement devrait faire comme la Bar Association qui a un site web où tous les hommes et femmes de loi sont répertoriés afin que les Mauriciens puissent vérifier qui sont en effet ceux autorisés à exercer. Au Canada, c’est bien établi et ceux qui n’ont pas de licence n’ont pas le droit de fournir des services en immigration.
La terre d’opportunités
Le Canada qui a une population vieillissante a adopté une approche holistique. Il est le seul pays au monde à accueillir 500 000 nouveaux arrivants chaque année. La planification est très rigoureuse avec différentes catégories de migrants, allant de réfugiés haïtiens, palestiniens et autres, aux immigrants économiques compétents dans différents domaines. Ces derniers qui peuvent postuler à travers l’entrée express, se chiffrent à quelque 250 000 par an et représentent la plus importante part d’immigrants. Ils contribuent énormément à l’économie canadienne. Toutefois, les gens qualifiés ne comblent pas toutes les demandes. La raison pour laquelle des personnes avec des métiers sont tout aussi les bienvenues. Cette catégorie est autorisée d’accès au territoire avec un permis de travail sans passer par l’immigration. Mais, ils doivent répondre à des critères nécessaires. Ensuite, il y a un programme spécifique pour les investisseurs qui apportent beaucoup d’argent. Le Canada est aussi connu comme un important centre d’éducation et accueille 500 000 étudiants chaque année.
Bio
Il a démarré dans l’immigration en 2001 en s’associant à un avocat canadien, foule la terre des opportunités en 2011 avant d’ouvrir sa propre agence d’immigration en 2014. Banquier à la base ayant exercé à la State Bank of Mauritius (SBM), Amalsingh Badal se lance dans les affaires en 1996, en ouvrant un premier supermarché – Carrefour libre-service – à Lalmatie, le village voisin d’où il est natif. Il en a ouvert trois au total.
Sa vie prend une autre tournure en 1999 lorsque les médecins découvrent que son fils, alors âgé de six ans, est atteint de dystrophie musculaire de Duchenne, une maladie incurable. Il fonde alors une association pour soutenir des parents dans le même cas et se retire de son business florissant, pour s’occuper de son fils. Un bon ami lui parle du Canada comme le meilleur pays avec des facilités et infrastructures adaptées aux personnes handicapées. Sauf que son fils se déplaçait déjà en chaise roulante, avec une demande élevée en soins médicaux, le rendant médicalement inadmissible pour le Canada. Après le décès de son fils à l’âge de 15 ans en 2008, suivi de celui de sa mère en 2010, il décide de faire le grand saut pour s’installer avec sa famille au Canada en 2011.
Amalsingh Badal suit alors les formations requises en immigration. Son épouse, ex-banquière à la SBM, a poursuivi sa carrière dans le même secteur au Canada avant de se recycler en prenant part à un examen national pour devenir consultante en immigration. Lifetime Immigration a vu le jour en 2014, compte trois bureaux à ce jour, dont un nouveau à Port-Louis, et embauche 22 employés.
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