Une thèse de doctorat, soutenue par Anjani Murdan à l’Open University of Mauritius se base sur deux enquêtes de terrain pour prendre le faible pouls du bhojpuri. Une version abrégée de cette thèse a été lancée récemment.

Un constat sans appel. Questionnaires à l’appui. Le bhojpuri, langue maternelle des Mauriciens- avec le kreol – est en situation de «survie». Conclusion de la thèse de doctorat soutenue par Anjani Murdan à l’Open University of Mauritius. Une version abrégée de cette thèse, intitulée Le bhojpuri mauricien Etude de sociolinguistique du bhojpuri à Maurice : Histoire, situation, survie a récemment été lancée au Hennessy Park Hotel.

Une prise de conscience salutaire alors que nous marquons aujourd’hui 21 février, la journée internationale de la langue maternelle. Pour arriver à cette conclusion, Anjani Murdan a d’abord l’avantage d’entretenir un lien affectif avec le bhojpuri. Avant d’être un sujet d’étude scientifique, elle explique l’avoir parlé, *«pendant toute mon enfance et mon adolescence». Pour elle, le passage d’une langue à l’autre, notamment parce que, «la disparition de nos interlocuteurs unilingues bhojpuriphones a eu une incidence décisive sur le changement de notre pratique linguistique». Ensuite, c’est avec la rigueur scientifique d’une doctorante qu’Anjani Murdan a mené deux enquêtes «parallèles». L’une quantitative avec un questionnaire à questions fermées, l’autre qualitative avec une «série d’entrevues individuelles et collectives pour mieux cerner la question de la pratique du bhojpuri».

Tout cela avec Issa Asgarally pour directeur de thèse. Lui qui avait mené l’Etude pluridisciplinaire sur l’exclusion à Maurice (1997). En préface de la version abrégée de la thèse d’Anjani Murdan, il écrit : «les résultats de ces enquêtes confirment les appréhensions hypothétiques de l’auteur sur la situation alarmante des langues minoritaires/indiennes, surtout du bhojpuri (…) Par ailleurs, l’auteur ne manque pas de rappeler l’absence d’une politique linguistique explicite, formelle depuis l’indépendance de Maurice en 1968».

Anjani Murdan n’y va pas par quatre chemins. Elle aborde frontalement la «mort des langues minoritaires». Après enquête, elle note que, dans la majorité des cas, «l’idée de la disparition du bhojpuri ne semble pas avoir effleuré l’esprit des gens (…) Ils font ressortir le grand nombre de locuteurs de cette langue parmi les plus de cinquante ans». Sauf que l’interprétation des données démontre que, *«le nombre important de locuteurs, surtout parmi les personnes âgées ne peut en aucun cas garantir la survie d’une langue qui n’est pas transmise à la jeune génération».

S’agissant du système éducatif, l’auteur souligne que si dans le cas du kreol, des modules de créolistique et de sociolinguistique sont au programme à l’université de Maurice, tout comme la possibilité de décrocher une licence en French and Creole Studies, «rien de tel n’existe pour le bhojpuri». Elle rappelle qu’au Mahatma Gandhi Institute, «l’effort est consacré à l’enregistrement de matériel se rapportant à la culture bhojpuriphone et moins à la langue et à l’aspect sociolingustique».

Pourtant l’histoire contemporaine semblait prometteuse pour le bhojpuri rappelle l’auteur. Elle fait référence ici à sa reconnaissance, «en tant qu’entité linguistique à partir de 1983, notamment avec son inclusion dans le formulaire de recensement de la population». Anjani Murdan signale aussi la contribution du Bhojpuri Institute, Puis beaucoup plus tard, la création d’une Bhojpuri Channel à la Mauritius Broadcasting Corporation en 2013. Suivi par la diffusion d’un JT en bhojpuri en 2021. Cependant, si une langue ne «permet pas à son locuteur de gagner sa vie, son utilité est grandement amoindrie. La politique linguistique de l’Etat devrait donc viser à valoriser la pratique du bhojpuri dans le domaine du travail», propose Anjani Murdan.