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« Un chef de gouvernement doit accepter les différences de vues »

6 juin 2010, 05:47

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Ambroise Pierre :Responsable du bureau Afrique de Reporters sans
frontières (RSF
)

Comment réagissez-vous au boycott dont le groupe La Sentinelle fait  actuellement l’objet ?

Nous étions conscients des formes de boycott que subissait la Sentinelle depuis 2006, mais nous n’avions pas réagi publiquement jusque-là, estimant que la situation pouvait un jour s’arranger. Au début de cette semaine, nous avons été alertés sur les nouvelles mesures discriminatoires touchant votre groupe de presse (atteinte au droit d’accès à l’information pour vos journalistes et annulation des abonnements à l’express pour nombre de services de l’Etat). Dans un communiqué rendu public, nous avons  évidemment apporté notre soutien au groupe La Sentinelle et avons appelé les autorités à cesser de vous stigmatiser.

L’île Maurice a toujours été un bon élève de l’Afrique en matière de démocratie. Comment expliquez-vous cette tendance à la restriction de la part de l’Etat ?

En matière de respect de la liberté de la presse, l’île Maurice ferait presque figure de modèle sur le continent africain. Mais la crise qui oppose les autorités et La Sentinelle prouve cependant que les acquis sont fragiles. Le contexte postélectoral explique en partie la tendance du gouvernement au contrôle de l’information. Mais en partie seulement. En réalité, le différend entre les  responsables du groupe La Sentinelle et les autorités, au premier rang desquelles le Premier ministre, date depuis un moment. Et ce à quoi nous assistons n’est qu’une aggravation d’une situation déjà problématique. Nous avons la ferme impression que le Premier ministre souhaite régler ses comptes avec ceux qui le dérangent. Ce n’est pas une attitude qui l’honore. Un chef de gouvernement doit prendre de la hauteur et accepter les différences de vues. C’est pourquoi nous l’appelons à revoir son attitude actuelle.

Quelle est l’attitude responsable que les uns et les autres (Etat et groupe de  presse) devraient adopter pour évoluer vers une solution saine ?

Pour le groupe de presse, l’attitude la plus saine est de poursuivre dans la voie d’un journalisme responsable, non-partisan et respectant l’éthique de la profession. Nos recommandations se tournent plutôt vers les autorités qui doivent être conscientes que leur comportement actuel est dangereux pour l’état des libertés à Maurice. Une démocratie saine est une démocratie dans laquelle les opinions, aussi critiques soient-elles, peuvent s’exprimer  librement. En boycottant ainsi un groupe de presse important, le pouvoir démontre sa crispation et les limites de sa tolérance. S’il veut être en accord avec l’image de modernité qu’il véhicule, le gouvernement de Maurice ne doit pas céder à ce genre de tentations répressives.

LExpress Dimanche