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Deux canonisations entre ferveur et controverse

27 avril 2014, 14:40

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Deux canonisations entre ferveur et controverse

Certains fidèles estiment qu’il est encore trop tôt, neuf ans après la mort du pape polonais, né Karol Wojtyla, pour l’élever au rang de saint et dénoncent le manque de réactivité de l’Eglise lorsqu’ont éclaté des scandales de pédophilie à la fin de son mandat.

 

Mais les enquêteurs missionnés par le Vatican ont jugé que les deux hommes, qui ont régné de 1958 à 1963 pour Jean XXIII et de 1978 à 2005 pour Jean Paul II, avaient bel et bien accompli des miracles après leur mort en faveur de malades.

 

Et on a pu lire et entendre, parmi les millions de personnes qui ont assisté aux funérailles de Jean Paul II en avril 2005, des appels à sa canonisation immédiate, «Santo Subito !» selon la formule alors employée.

 

Malgré le scepticisme de certains, plus d’un million de pèlerins sont attendus à Rome pour assister à cette double canonisation, qui sera retransmise sur des écrans géants disposés autour du Vatican.

 

Car une grande partie des catholiques se félicite de la canonisation Jean Paul II, le premier pape non italien élu depuis le XVIe siècle.

 

On porte souvent à son crédit le fait d’avoir remis l’Eglise en mouvement, avec des voyages dans environ 140 pays - dont beaucoup n’avaient jamais reçu une telle visite - et son rôle dans la chute du communisme en Europe de l’Est.

 

En mai 1981, il a survécu à un attentat perpétré par le Turc Mehmet Ali Agca sur la place Saint-Pierre de Rome et, à la fin de sa vie, il a lutté, sous les yeux du monde entier, contre sa santé déclinante.

 

Après sa mort, son successeur Benoît XVI a dérogé à une règle selon laquelle l’Eglise devait attendre cinq ans pour ouvrir un procès en canonisation.

 

Jean XXIII a également bénéficié d’une dérogation, accordée celle-ci par l’actuel souverain pontife, François: un seul miracle a suffi pour faire de lui un saint, contre deux habituellement.

 

PARADOXE

 

«C’est un exemple de la papauté se canonisant elle-même», déplore Luigi Accattoli, un des théologiens du catholicisme les plus respectés en Italie, qui a connu personnellement les deux papes en question.

 

Celui-ci ne doute pas que Jean XXIII et Jean Paul II aient agi en saints hommes mais il n’en exprime pas moins des réserves sur leur canonisation.

 

«En canonisant un pape, la papauté se confirme elle-même. C’est comme si elle disait que la politique des précédents papes étaient intouchable», a-t-il dit à Reuters. «D’une certaine manière, l’Eglise tente de se soustraire au jugement de l’opinion publique.»

 

John Thavis, auteur du best-seller «Les dessous du Vatican», s’étonne de voir canoniser un pape, Jean Paul II, qui avait plaidé pour la canonisation d’hommes plus «ordinaires».

 

«Il est pour le moins paradoxal qu’avec sa propre canonisation le projecteur soit de nouveau braqué sur le sommet de la hiérarchie», a-t-il expliqué à Reuters.

 

Le cardinal Carlo Maria Martini, qui considérait Jean Paul II comme un saint, s’est lui-même montré dubitatif au sujet de sa canonisation car, selon lui, le chef de l’Eglise a fait quelques choix «malheureux» dans ses nominations à la fin de sa vie.

 

Une ombre, en particulier, assombrit la fin de son règne: celle de la pédophilie.

 

Certains reprochent notamment à Jean Paul II d’avoir soutenu le prêtre mexicain Marcial Maciel, fondateur de la congrégation de la Légion du Christ, dont il s’est avéré qu’il menait une double vie, d’homme d’Eglise d’une part, et de pédophile, homme à femmes et toxicomane d’autre part.

 

Les défenseurs de Karol Wojtyla estiment que les conseillers du pape ont peut-être eu vent des activités peu catholiques de Marcial Maciel mais qu’ils n’en n’ont pas informé le pontife.

 

La figure de Jean XXIII cristallise moins de passions. L’histoire a essentiellement retenu de lui son rôle dans le concile Vatican II, qui a modernisé l’Eglise en profondeur en introduisant les langues vernaculaires lors des offices et en encourageant le dialogue avec les autres religions.