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Chagos: SSR et le «chantage» pré-indépendance
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Chagos: SSR et le «chantage» pré-indépendance
L’indépendance de Maurice a-t-elle été obtenue après un chantage exercé par les Britanniques en 1965 ? La question sera débattue aujourd'hui, lundi 5 mai, devant le tribunal d’arbitrage sur les Chagos, en audience actuellement à Istanbul, en Turquie.
Le rôle du Chief Minister de l’époque, en l’occurrence sir Seewoosagur Ramgoolam (SSR), sera encore une fois au centre des débats. C’est la partie mauricienne qui a remis la question sur le tapis en mettant en exergue, dans sa plaidoirie, le chantage qu’aurait fait la Grande-Bretagne à Maurice pour l’excision des Chagos en échange de l’indépendance.
L’objectif est de démontrer que la Grande-Bretagne a violé la résolution 1514, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies en 1960.
Dans sa réponse, la Grande-Bretagne s’appuie sur les déclarations de SSR et d’autres ministres de son gouvernement pour dire qu’il n’y a pas eu de chantage. La position de SSR, il est vrai, comporte quelques contradictions.
Mais ce qui saute aux yeux, c’est que l’équipe légale constituée par Navin Ramgoolam ne semble pas encline à défendre à tout prix la position de SSR. Elle va même jusqu’à affirmer que si «SSR n’a pas décrit le deal comme un chantage (face au Select Committee de 1983 sur les Chagos ; NdlR), cela ne veut pas dire que ce qui s’est passé n’était pas du chantage».
La Grande-Bretagne avait auparavant soulevé ce point en s’appuyant sur les déclarations de SSR devant le Select Committee de 1983, présidé par le ministre des Affaires étrangères, Jean Claude de l’Estrac. SSR avait effectivement refusé de parler de chantage. Il avait expliqué avoir accepté l’excision des Chagos parce qu’il ne pouvait, au moment des faits, évaluer l’importance stratégique de l’archipel.
La réplique de l’État mauricien rappelle que le comité avait quand même statué qu’il y avait eu chantage, malgré le refus de SSR de le décrire ainsi.
Echange d’avantages
Des extraits des débats et questions parlementaires entre 1976 et 1982 sont également mis en avant par les deux parties. Encore une fois, chaque partie choisit les déclarations qui conviennent à sa position. Il est vrai que SSR a tenu des discours qui tantôt entraient en ligne avec sa position officielle, tantôt étaient en complète contradiction.
À l’exemple de cette réponse en date du 25 novembre 1980. Interrogé par Harish Boodhoo – qui voulait savoir si l’excision des Chagos était une condition préalable à l’indépendance –, SSR répondait avec un bref «pas exactement», sans autre précision. C’est après une question supplémentaire de Paul Bérenger que SSR avouera que les Chagos ont été cédées en échange de «certains avantages». «La question (du détachement ; NdlR) a été négociée, nous avons obtenu quelques avantages et nous avons accepté», avait-il déclaré.
Les Britanniques y voient là une preuve qu’il n’y a pas eu de chantage. Mais le 11 avril de l’année précédente, devant cette même Assemblée, SSR avait déclaré : «Nous n’avions pas le choix» au moment des négociations avec la Grande-Bretagne. Ce qui est en contradiction avec sa position, un an plus tard, mais plus en ligne avec les différentes déclarations de ses ministres. À l’instar de celle de sir Harold Walter, qui répétait le 26 juin 1980 que «nous n’avions pas le choix», avant d’ajouter que «nous avons payé le prix fort».
Il faut dire que le Royaume-Uni a choisi de mettre l’accent sur les déclarations de SSR «en évitant soigneusement», selon la partie mauricienne, les interventions d’autres ministres qui, eux, utilisent des termes beaucoup plus catégoriques sur le chantage. Des termes sans ambiguïté comme «intimidation», ou encore «forcer à acquiescer».
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