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Ivan Collendavelloo - ex-leader adjoint du MMM : « Si Bérenger ne se met pas en retrait, il sera poussé à la retraite »

25 mai 2014, 11:06

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Ivan Collendavelloo - ex-leader adjoint du MMM : « Si Bérenger ne se met pas en retrait, il sera poussé à la retraite »
Un mois après avoir claqué la porte du MMM, Ivan Collendavelloo a la dissidence active. Ses objectifs sont clairs : « faire capoter l’alliance avec les travaillistes » et tourner la page Bérenger. Rencontre avec un homme qui ne digère pas la « trahison » de son ancien patron.
 
 
N’êtes-vous pas un peu trop vieux pour croire au loup-garou ?
(Il réfléchit) Je ne crois pas au loup-garou, je regarde la réalité en face : du jour au lendemain, le leader du MMM a clairement affiché sa préférence pour une alliance avec le Parti travailliste (PTr). Ne pouvant pas soutenir une telle alliance, j’ai claqué la porte, c’est aussi simple que cela. Le Parti travailliste représente tout ce que je répugne en termes de népotisme et de passe-droit.
 
Vous dites du Premier ministre qu’il est « la pire des calamités que l’île Maurice ait eu à affronter depuis un siècle ». Pourquoi tant de haine ?
Oh non ! Je n’ai pas de haine. Je me contente de décrire une réalité.
 
Qu’est-ce que cet homme vous a fait ?
Ramgoolam ne m’a jamais fait aucun tort personnel, c’est même quelqu’un d’extrêmement charmant en société. Je m’entends bien avec lui, je l’ai même invité au mariage de ma fille. Mais c’est une calamité politique et je le lui dis à chaque fois que je le vois.
 
Le MMM n’a pas épousé la « calamité ». Avez-vous démissionné pour du vent ?
Pas du tout. Cette alliance aura lieu, c’est une question de jour.
 
Vous avez des infos ?
Je suis bien informé, croyez-moi (sourire en coin). Jeudi, le Bureau politique du MMM a remis cette alliance sur la table. Bérenger va tout faire pour l’obtenir.
 
Il a dit exactement le contraire…
Et après ? Est-ce son dernier mot ? Dorénavant, Bérenger change de discours trois fois par jour. J’ai de l’estime pour lui, mais aussi du chagrin en voyant ce qu’il est devenu.
 
Qu’est-il devenu ?
Je vais vous faire une réponse courtoise : lisez la tirade de Don Diègue dans Le Cid et vous comprendrez tout.
 
La rage, le désespoir, la vieillesse ennemie ?
Bérenger est en train de laminer son honneur et sa gloire passée, c’est triste. J’ai des contacts avec quasiment tous les membres du bureau politique du MMM. Entre eux, ils n’hésitent plus à dire tout le mal qu’ils pensent de leur leader. Mais publiquement, rien ne sort.
 
Pourquoi ?
J’ai la réponse mais je ne dirai rien. Bérenger ne perd rien pour attendre, c’est tout (regard énigmatique).
 
Vous ne l’appelez plus « Paul » ?
Il s’appelle bien Bérenger, non ?
 
Est-il toujours votre ami ?
Il a toujours été mon leader (il insiste sur ce mot).
 
A-t-il essayé de vous faire revenir ?
Non. Il me connaît trop bien pour savoir que lorsque Ivan prend une décision, Ivan s’y tient. Je n’ai eu aucun contact avec lui depuis ma démission, ni direct, ni indirect.
 
Pas de regret, donc ?
Non, à aucun moment. Ma démission était nécessaire.
 
Nécessaire à quoi ?
Notre société réclame un sursaut démocratique. Bérenger et Ramgoolam manipulent l’opinion publique pour lui faire accepter l’inacceptable. La réforme électorale n’est qu’un prétexte, ce qui est en jeu, c’est un partage du pouvoir. Bérenger a scellé un deal avec Ramgoolam : « Je t’offre une bouée de sauvetage, je t’emmène le MMM et toi et moi on se partage le gâteau mauricien. Tu es sauvé, tu n’as plus besoin de partir t’exiler à Londres dans ta Rolls- Royce ». C’est une alliance d’intérêt, Alan Ganoo l’a dit : « Avec Anerood Jugnauth, Paul devra attendre 4 ou 5 ans pour devenir Premier ministre, tandis qu’avec Ramgoolam ça peut se faire dans 4 ou 5 mois. » Voilà leur argument. Devons-nous cautionner cette farce ? Je refuse. C’est une farce trop triste.
 
La réforme électorale est-elle une farce ?
C’est un prétexte. Tout démocrate qui se respecte sait pertinemment que c’est au gouvernement de présenter un projet de loi. Ensuite, c’est à l’opposition, publiquement au sein du Parlement, de proposer des amendements. Ils sont ensuite débattus pour déboucher sur un projet de loi consensuel, notre Constitution fonctionne ainsi. Or cette fois-ci, on décide que tout se fera en catimini dans des officines.
 
Quel est le rôle d’Alan Ganoo dans cette officine ?
C’est un envoyé, un émissaire, il fait ce que son leader lui dit de faire. Il est là, comme un cheveu sur une soupe froide.
 
Est-il exact que vous êtes sur le point de lancer un mouvement politique ?
Non, le mouvement se crée de luimême. Partout dans l’île, des gens se regroupent et me contactent, un mouvement prend forme. Je ne suis pas leur leader, juste un catalyseur. L’objectif premier est de faire capoter l’alliance MMM-PTr.
 
Comment ?
En faisant pression sur les élus MMM, en leur faisant comprendre qu’en cas d’alliance, leur siège est en danger. Je ne sais pas ce que ce mouvement va devenir, mais quelque chose est en train de se passer. Beaucoup d’idées intéressantes émergent. Certains groupes parlent déjà de programme d’alternance et de gouvernement. Ils se manifesteront sûrement plus tard…
 
Qui « ils » ? Des noms…
Non, pas sans leur permission, ce ne serait pas éthique.
 
Parce que c’est éthique de « flinguer » Paul Bérenger comme vous le faites ?
C’est politique. Ça n’a rien à voir avec l’éthique ni les bonnes manières. Bérenger, qui n’est pourtant pas un imbécile, est allé se vautrer dans la pourriture de Ramgoolam pour le sauver du naufrage. J’ignore quelles sont ses motivations profondes, mais je sais qu’il est en train d’entraîner le MMM dans une chute vertigineuse et qu’il faut l’en empêcher.
 
Pourquoi ne pas avoir défendu cette position au sein du parti ?
Je l’ai fait ! Et je n’étais pas le seul lors du bureau politique du 16 avril.
 
Mais vous avez été le seul à démissionner…
Pour l’instant... J’estime que je n’ai pas eu le choix. Soit je fermais ma gueule, soit je claquais la porte. Fermer ma gueule n’est pas dans ma nature, donc je suis parti. Comprenez bien une chose : ce n’est pas seulement Ivan que Bérenger a trompé ; il a trompé tout le MMM. Durant des mois, il nous a fait croire que nous étions solidement ancrés au Remake, il nous disait qu’ensemble nous allions éjecter les travaillistes du pouvoir, et dans le même temps, il discutait d’alliance avec eux. Ce n’est pas honteux, ça ? Ce n’est pas dégueulasse ?
 
Votre côté vierge effarouchée sonne un peu faux. Vous découvrez aujourd’hui, après trente ans de vie politique, que les intérêts du jour ne sont pas forcément ceux du lendemain ?
Pour moi, il ne peut y avoir qu’une seule vérité. Jamais, dans toute ma carrière, je n’avais vécu une telle tromperie. Ce n’est plus du cocufiage, c’est de la trahison.
 
Malgré cela, vous dites qu’un remake du Remake est possible…
Oui, parce que sur le terrain la base MMM et la base MSM se côtoient au quotidien. Les militants se sont habitués au Remake, les convaincre de mettre une croix sur une clé sera extrêmement difficile.
 
Paul Bérenger au pouvoir, vous ne pensez pas que les militants « achètent » tout de suite ?
C’est lourdement hypothétique. Vous ne mesurez pas l’impopularité extrême de Ramgoolam et la perte de crédit de Bérenger. Lui en a conscience. C’est un homme intelligent et bien informé. Rajesh Bhagwan n’est pas le pantin que la presse caricature. Le pouls du terrain n’a aucun secret pour lui, il sait ce que pensent les militants au millimètre près. Grâce à lui, Bérenger est parfaitement lucide sur son impopularité.
 
Cela ne l’a pas empêché de dire jeudi que « la page MSM est définitivement tournée »
Elle est tournée pour lui, mais le peuple saura quoi faire. Le scénario de 1976 pourrait très bien se répéter.
 
C’est de la politique fiction…
Je ne pense pas. Prenez la circonscription n°1 : il va falloir virer l’un des trois candidats MMM pour le remplacer par Ah Fat. Vous connaissez beaucoup de militants de Cité-Vallijee prêts à voter pour Ah Fat ?
 
Vous connaissez beaucoup de militants prêts à céder trente tickets au MSM ?
Bérenger a fait voter quatre fois cette répartition. Si c’était le problème, il fallait en discuter avec le MSM au lieu d’aller inventer des peccadilles sur la stratégie de défense de Pravind Jugnauth dans l’affaire Medpoint. C’était d’un ridicule !
 
Finalement, entre Paul Ramgoolam et Navin Bérenger, lequel vous horripile le plus ?
Je ne crois pas du tout à cet amalgame. Cette soi-disant alchimie qu’il y aurait entre les deux hommes est un mythe. Ils ont des intérêts communs, point. Paul Bérenger a la même fascination pour Ramgoolam que celle qu’il avait pour Anerood Jugnauth lorsqu’il est allé le chercher au Réduit. Un autre mythe fait de Navin Ramgoolam un stratège. Là encore, ce sont des balivernes. C’est Bérenger le stratège, et sa stratégie consiste à sauver Navin afin d’obtenir très vite un partage du pouvoir.
 
Quand vous dites que « Bérenger doit se mettre en retrait du MMM », est-ce par goût de la provocation ou le pensez-vous vraiment ?
Je le pense sincèrement ! S’il ne se met pas en retrait, il sera poussé à la retraite.
 
En avez-vous déjà parlé avec lui ?
Jamais. Tout ce qu’on lui demande, c’est de se mettre en retrait, de laisser une direction collégiale prendre la barre du MMM et d’intervenir comme un sage pour guider les décisions du parti. Bérenger est en plein déphasage, ses lauriers sont flétris, il ne comprend plus rien à ce qu’il fait et il parle trop.
 
C’est l’hôpital qui se fout de la charité !
Je parle aussi. Mais je ne dis pas n’importe quoi et le contraire de n’importe quoi en deux jours. Le rejet de Bérenger - et de Ramgoolam - est extrême chez les jeunes, je l’ai constaté à chaque réunion que j’ai organisée.
 
Vous aussi, vous donnez dans les officines ?
Pas du tout. Mes réunions se déroulent à ciel ouvert.
 
Où ça ?
Je vous inviterai à la prochaine dès qu’elle sera fixée.
 
La dernière avait lieu où ?
Je ne vous le dirai pas.
 
A ciel ouvert, donc…
Rien qu’aujourd’hui [vendredi, ndlr], j’ai deux réunions programmées. Des gens m’invitent à venir expliquer la situation politique car ils sont perdus.
 
L’exégète fait bien des mystères : qui sont ces gens, où les voyez-vous ?
Vous le saurez bientôt…
 
Un retour au MMM est-il encore possible ?
Oui, à une condition : si le MMM renonce à faire alliance avec les travaillistes. J’ai eu cette lueur d’espoir quand Bérenger s’est dit « déçu » par Ramgoolam. Deux jours plus tard, les discussions avaient repris. La déception de Bérenger était factice. Si la manipulation prend fin, si le MMM décide de faire marche arrière, alors je considérerai cela avec le plus grand intérêt.
 
Paul Bérenger pourrait vous fermer définitivement les portes du parti…
Ça ne dépend pas de lui, le parti ne lui appartient pas.
 
Il risque tout de même de vous en vouloir à mort…
C’est le cadet de mes soucis.
 

« Si la manipulation prend fin, si le MMM décide de faire marche arrière, alors je considérerai la possibilité de revenir dans le parti avec le plus grand intérêt. »

 

« Partout dans l’île, des gens se regroupent et me contactent, un mouvement prend forme. Je ne suis pas leur leader, juste un catalyseur. L’objectif premier est de faire capoter l’alliance MMM-PTr. »