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Faisal Jeerooburkhan de Think Mauritius : «Il n’y aura pas de 60-0»

7 juin 2014, 15:14

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Faisal Jeerooburkhan de Think Mauritius : «Il n’y aura pas de 60-0»
L’alliance rouge-mauve, annoncée depuis des semaines, s’est enfin concrétisée. Pour Faisal Jeerooburkhan, il s’agit d’une opportunité plus qu’autre chose. Celle de voir l’émergence de sang neuf en challenger de la toute-puissante alliance rouge-mauve et d’éviter un 60-0.
 
 
Ils sont plusieurs à accuser Navin Ramgoolam et Paul Bérenger de discuter de partage de pouvoir entre eux. Est-ce un avis que vous partagez ?
Absolument ! Je pense que tout le cinéma qui se fait tourne autour du partage du pouvoir entre deux leaders qui sont arrivés presque à la fin de leur mandat. Ils veulent se maintenir au pouvoir pour des raisons qu’on connaît tous. Et le leader de l’opposition est devenu le chef agent du parti majoritaire pour s’assurer une place au pouvoir.
 
Ils parlent de partager le pouvoir entre le président et le Premier ministre. Est-ce la bonne solution pour élargir l’espace démocratique ?
Certainement pas ! On ne peut pas laisser tout cela entre les mains de deux individus. Il y a d’autres personnes qui ont des idées nouvelles. Eux, ce sont des dinosaures qui sont habitués à une certaine façon de faire qui est complètement dépassée. Nous croyons qu’il faut une autre façon de faire de la politique.
 
Qu’est-ce que cela veut dire exactement, une autre façon de faire de la politique ?
Pour commencer, il faut se débarrasser des dinosaures qui ont des idées arrêtées. Il faut une autre vision pour une république de Maurice meilleure en termes d’économie ou d’environnement. Le politicien doit aussi être un modèle avec des principes de base, comme l’intégrité, la discipline, la compétence, le patriotisme… Ce sont des valeurs de base. Les dinosaures font fi de tous ces principes.
 
Vous parlez de se débarrasser des dinosaures alors qu’au Parti travailliste on parle d’un retour à l’avant-plan de certains vétérans. Est-ce fichu pour le renouvellement de ce côté ?
C’est un recul. L’occasion est idéale pour avoir un renouvellement de la classe politique. Pas uniquement en termes de personnalités, mais en termes d’idées, en termes d’organisation. Il faut des gens nouveaux avec des idées nouvelles pour pouvoir relancer la démocratie à Maurice.
 
Une occasion idéale pour quoi au juste ? À cause de l’alliance rouge-mauve ?
J’espère que cela va apporter un déclic chez les Mauriciens pour leur faire prendre conscience de la gravité de la situation. Il faut que cela leur fasse réaliser que la politique, ce n’est pas simplement une affaire de fanatisme. Si les gens commencent à réfléchir et qu’ils sont disposés à mettre tout cela de côté, on aura un meilleur Maurice. Ce sera un test pour les citoyens pour voir s’ils ont vraiment évolué où s’ils sont restés enfermés dans le fanatisme politique.
 
Il y a eu pas mal de colère et d’indignation vis-à-vis du MMM et du PTr. Pensez-vous que cela se répercutera devant les urnes ?
C’est très difficile à dire. Si ce qu’on entend sur les ondes des radios traduit le sentiment de la population en général, j’ai grand espoir. Mais si c’est uniquement un petit groupe isolé, je pense que ce sera une instance du chien qui aboie et la caravane qui passe. Ce serait bien dommage.
 
Une alliance MSM/ PMSD représente-t-elle par ailleurs une alternative ?
Le MSM et le PMSD sont aussi deux autres partis qui ont les mêmes réflexes. Ce que j’aurais aimé voir, c’est l’émergence d’une nouvelle équipe avec des idées fraîches. Mais, au pis aller, parce que ces deux grands partis ont quand même un soutien important, peut-être que tous les groupuscules devraient se rallier derrière Ivan Collendavelloo, par exemple. Le problème est que si tous ces groupuscules y vont séparément, cela fera le jeu de l’alliance et ce sera catastrophique. Il faut que tous ces groupes, qu’ils soient d’accord ou pas sur certaines choses, se regroupent pour ne faire qu’un seul bloc.
 
Vous incluez les partis traditionnels comme le MSM et le PMSD parmi ces eux ?
Le MSM, le PMSD, Rezistans ek Alternativ, Jack Bizlall... même tous les autres, il y en a plusieurs en ce moment.
 
Vous voyez vraiment une cohabitation entre les partis de gauche comme Rezistans ek Alternativ avec le MSM et le PMSD ?
Cela va être difficile, mais c’est le seul espoir d’échapper aux griffes d’une alliance entre le MMM et le PTr.
 
Imaginons un instant que cette alliance se concrétise, aura-t-elle vraiment une chance de secouer le PTr-MMM ?
Il y a deux facteurs qui entrent en jeu. Le premier, c’est l’argent. Ces petits partis n’auront pas les mêmes moyens de financement que l’alliance. Le second facteur, c’est le temps. Je crois que l’alliance va essayer d’aller aux élections le plus vite possible pour ne pas donner le temps aux petits partis de s’organiser. Et puis, ces petits partis entre eux-mêmes n’arrivent pas à se mettre d’accord. Pour toutes ces raisons, l’alliance a des chances de passer facilement.
 
En est-on réduit à espérer une opposition conséquente plutôt qu’un vrai challenge ?
Au moins, si on peut avoir une opposition valable au niveau du Parlement, ce serait déjà quelque chose. Mais je crois que s’il y a un regroupement de tous les partis de gauche, il n’y aura pas de 60-0. Il y aura une opposition.
 
La participation éventuelle de ce parti dépend d’un amendement constitutionnel qui éliminerait l’obligation de déclarer son appartenance ethnique. La solution de Navin Ramgoolam et de Paul Bérenger est-elle l’idéale ?
Ce n’est certainement pas idéal. Mais c’est peut-être une façon de contourner le problème dans le court terme. L’autre gros problème, c’est le seuil de 10 %. Cela a été fait
justement pour casser les reins des petits partis qui n’arriveront jamais à se faire représenter au niveau du Parlement.
 
Ramgoolam avance la nécessité de faire barrage aux partis sectaires pour justifier ces 10 %. Est-ce valable comme argument ?
C’est un prétexte. On peut toujours avoir des lois et des règlements pour empêcher que des partis qui ont des visées antinationales n’entrent au Parlement.
 
Quel devrait être le seuil idéal ?
Je dirais 5 %. Je descendrais même jusqu’à 3 %, vu qu’en ce moment, il y a beaucoup de petits partis qui montent et qui veulent faire des choses.
 
Au-delà du seuil d’éligibilité, la réforme électorale qui est proposée estelle satisfaisante ?
Le seul truc qui va dans le sens de la démocratie, c’est la représentation proportionnelle. À part cela, il n’y a rien qui consolide la démocratie.
 
Que devrait-on introduire pour corriger cela ?
Il faut revoir le financement des partis politiques. C’est là où le bât blesse. La démocratie, ce n’est pas le pouvoir de l’argent, c’est le pouvoir du peuple. Mais on sait que les élections
sont financées par l’argent des capitalistes. Et puis, il aurait fallu freiner le transfugisme et éliminer le communalisme de la vie politique aussi.
 
Paul Bérenger a insisté sur une alliance pour nettoyer le pays. Vous y croyez, vous, vu que c’est le PTr qui est le partenaire ?
Je ne crois pas qu’il va pouvoir. La première question est : est-ce que l’alliance va tenir ? C’est une alliance contre nature, parce que ce sont deux personnes totalement différentes. Pour l’instant ils sont amoureux, mais arrivés au pouvoir, ils vont se quereller et il y aura une cassure. Et ce sera très mauvais pour le pays. Ils ne pourront pas travailler ensemble. Finalement, le grand perdant sera Paul Bérenger. Le Premier ministre sait comment le manipuler. C’est tellement facile de le faire qu’il en fera tout ce qu’il voudra.
 
Croyez-vous qu’il y aura un fort taux d’abstention ?
Je crois que ce sera plus élevé que d’habitude parce qu’il y a des gens qui sont perdus et qui n’arrivent pas à suivre ce qui se passe.
 
Cela jouera-t-il contre l’alliance ou contre ses opposants ?
Je pense que cela aura un impact sur les deux camps. Mais c’est le MMM qui va en souffrir le plus. Surtout dans les villes, notamment à Beau-Bassin-Rose-Hill. Il y a beaucoup de partisans du MMM qui sont dégoûtés par cette façon de faire de la politique.
 
 
«IL FAUT SE DÉBARRASSER DES DINOSAURES QUI ONT DES IDÉES ARRÊTÉES. »