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Alliance «off»: les raisons du désaccord

8 juin 2014, 12:40

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Alliance «off»: les raisons du désaccord

C’est trois heures après la conférence de presse conjointe avec Navin Ramgoolam que le leader du MMM lâche le morceau : l’alliance avec le Parti travailliste, que tout un chacun imaginait conclue, ne se fera pas. Pourquoi ? Il laisse planer le suspense. 

 

Que s’est-il exactement passé en l’espace de moins de trois heures pour que Paul Bérenger mette son éventuel accord en sourdine ? Dans les coulisses du parti mauve, on explique sous le couvert de l’anonymat que le leader de l’opposition n’a pas digéré le fait que Navin Ramgoolam a refusé de régler certains points.

 

Il aurait été convenu entre les deux chefs de parti que dès que Navin Ramgoolam se retrouverait au Réduit, il laisserait les rênes du PTr à Kailash Purryag, l’actuel président de la République, qui a longtemps servi le parti.

 

Or, aux yeux du leader des Rouges, s’il est élu président de la République au suffrage universel, il peut tout aussi bien diriger son parti comme Jacob Zuma le fait en Afrique du Sud. Même si la comparaison n’est pas très flatteuse, c’est Navin Ramgoolam qui l’a lui-même souligné dans une déclaration au Mauricien, vendredi.

 

Le deuxième point de désaccord tournerait autour de la décision de Navin Ramgoolam de ne pas évincer Hervé Aimée comme le souhaiterait Paul Bérenger. Ce dernier avait déjà sa liste rouge, réclamant que les ministres Sheila Bappoo, Vasant Bunwaree et Rajesh Jeetah soient laissés sur la touche lors des prochaines législatives en raison des casseroles qu’il traînent derrière eux.

 

Ces trois ministres sont respectivement empêtrés dans les scandales du Dr D.Y Patil Medical College, du Mauritius Institute of Training and Development (MITD) et de la clinique MedPoint, entre autres. Quant à Hervé Aimée, Bérenger aurait réclamé sa tête pour ne pas être accusé de « hindu bashing ».

 

Hier, Navin Ramgoolam serait revenu sur le cas Aimée, n’ayant rien à reprocher au ministre des Collectivités locales. Sauf peut-être le délit de grande gueule ou la polémique qui l’a opposé au diocèse de Port-Louis à propos d’Agaléga.

 

 

Paul Bérenger mène la danse

 

La troisième raison concernerait le partage équitable des investitures. Paul Bérenger aurait tiqué face à un éventuel partage 31/29 en attendant que Navin Ramgoolam cède le portefeuille de Premier ministre. Le leader du PTr désire conserver une majorité, la plus courte soit-elle, tout en se disant prêt à rétablir la parité une fois élu à la présidence.

 

 

Cette proposition déplaît au leader mauve. Il craint un coup fourré de Navin Ramgoolam qui pourrait être tenté de lui piquer deux ou trois de ses députés pour ensuite se débarrasser de lui.

 

Au vu des remous sur la scène politique, c’est Paul Bérenger qui mène la danse. Navin Ramgoolam ayant une majorité précaire à l’Assemblée nationale depuis le départ du PMSD de l’alliance gouvernementale, il pourrait bien faire l’objet de pressions du leader du MMM afin d’aller plus vite avec la réforme électorale.

 

Selon des seconds couteaux du MMM, Paul Bérenger veut plus que jamais affronter l’électorat seul afin de démontrer la force de son parti. Aux dernières élections, il avait remporté 44% des voix et le résultat pourrait être meilleur lors d’une lutte à trois. Le vote hindou en milieu rural pourrait être divisé entre le PTr et le MSM.

 

 

A y voir de près, Paul Bérenger aura donc réussi un coup de maître. Il est parvenu à « piéger » Navin Ramgoolam à son propre jeu. Il l’a non seulement poussé à évoquer la quasi- conclusion d’une alliance lors de son bureau politique jeudi, mais il l’a aussi amené à parler de têtes qui devront être « sacrifiées » pour lui faire plaisir…

 

Les pressions…

 

Sans doute galvanisé par un futur raz-de-marée de 60-0, le Premier ministre a fini par fragiliser sa position. Navin Ramgoolam aura beau dire que c’est lui qui tire les ficelles dans le petit théâtre des alliances, il subit en fait ces jours-ci la pression de sa base. Pour elle, pourquoi donner la moitié du gâteau à Paul Bérenger alors que leur chef peut le manger tout seul ?

 

Dans les faits, rien n’est aussi simple. Sentant le terrain glisser, Navin Ramgoolam préfèrerait céder la moitié du pouvoir à son éternel rival plutôt que de mordre la poussière et ne rien avoir à l’issue des prochaines législatives. C’est la voix de la raison. Et de la survie politique. Il ne peut toutefois pas l’expliquer à son électorat, car ce serait perçu comme un aveu de faiblesse…

 

Au MMM, on évoque la possibilité que Navin Ramgoolam subisse la pression de lobbys sectaires pour ne pas conclure cette alliance. Ce qui expliquerait ses hésitations à accepter les conditions exigées par Paul Bérenger.

 

Au final, les deux leaders devront continuer à « koz koze » pour aplanir les difficultés qui subsistent. « S’ils se comportaient en vrais assoiffés du pouvoir, le pacte aurait été signé vite fait », explique un proche des deux hommes.