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Hemandar Madhow :«C’est Bunwaree qui y a laissé le plus de plumes»

27 juin 2014, 00:35

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Hemandar Madhow :«C’est Bunwaree qui y a laissé le plus de plumes»

Après plus d’un an de suspension, le syndicaliste a enfin réintégré son poste jeudi. Mais, c’est loin d’être terminé… Entre actions légales, demandes d’une commission d’enquête sur l’affaire de pédophilie et accusations d’ingérence du ministre de l’Éducation, Vasant Bunwaree, Hemandar Madhow a de quoi s’occuper…

 

La dernière interview que vous avez accordée à «l’express» vous a valu une deuxième suspension. Vous vous attendez à une troisième ?

Nous avons signé un accord avec le management du MITD qui stipule que tous mes droits de syndicaliste seraient respectés. Cet accord oblige l’employeur, ainsi que moi-même, à respecter les termes de l’Employment Rights Act qui dit que j’ai le droit de m’exprimer librement en tant que syndicaliste. S’ils me suspendent de nouveau, cela serait à l’encontre du rapport. Je compte bien poursuivre mon travail de syndicaliste.

 

Comment s’est passé votre premier jour de retour au boulot jeudi ?

J’ai contacté l’administration qui m’a demandé de reprendre mon ancien poste à Ébène pour l’instant. Ma seule récrimination, c’est que le bureau actuel ne convient pas à un Assistant Manager. Il demande à être remis en état. J’espère que ce sera fait au plus vite… Il faut attendre que les numéros un et deux du MITD reviennent au pays pour qu’ils m’attribuent mon véritable poste. J’ai demandé à être aussi proche que possible du centre de formation de Forest-Side. Mais c’est à la direction de décider.

 

Vous avez tout de même décidé de porter l’affaire en Cour. Qu’espérez- vous obtenir ?

Avec la FCSOU (Federation of Civil Service and Other Unions), nous avonsdéjà démarré les discussions avec nos avocats pour enclencher des poursuites en Cour suprême sur ma suspension arbitraire. Le but, ce n’est pas d’obtenir une réparation financière, mais de faire jurisprudence.On veut un jugement qui apporte une bouffée d’air frais aux syndicalistes persécutés.Nous demanderons un early trial. Nous voulons établir que les lois du travail jouent contre les travailleurs.

 

Vous espérez donc que ce procès débouche sur un amendement aux lois du travail ?

Nous voulons un jugement qui empêche les employeurs d’en abuser. Quant aux amendements, Gopee (NdlR, Naraindranath Gopee, président de la FCSOU), dans le cadre des prochaines élections, demandera qu’une nouvelle loi-cadre soit incluse dans le programme des partis. Les lois actuelles sont irrécupérables.

 

C’est une décision avant tout politique. Votre action en justice servira-t-elle de moyen de pression ?

Nous voulons simplement contester l’aspect arbitraire de ma suspension. Si le jugement est en notre faveur, cela donnera une sorte de bouclier aux travailleurs. On ne sait pas si on y arrivera, mais c’est l’objectif.

 

Vos poursuites viseront qui en particulier ?

Nous poursuivrons l’employeur, le MITD, il n’y a pas à sortir de là. Quant aux personnes spécifiques, nous n’y avons pas encore réfléchi.

 

Allez-vous également poursuivre le ministre de l’Éducation, Vasant Bunwaree ?

Nous sommes en concertation avec nos hommes de loi et ce sont eux qui diront quelles organisations ou personnes poursuivre.

 

L’ingérence politique a-t-elle joué un rôle important dans cette affaire ?

Dans certains cas, les problèmes ont été résolus à la vitesse éclair ! Prenez l’exemple de l’enseignante du collège Aleemiah. Dans mon cas, cela a pris beaucoup de temps et il a fallu build up la pression pour que je sois réintégré. Mon opinion est qu’il y a eu pression politique.

 

Cette ingérence est-elle venue de Vasant Bunwaree ?

En tant que syndicaliste, j’ai été complètement abandonné. Même Shakeel Mohamed, qui prétend défendre l’intérêt des travailleurs, m’a laissé à terre. Quant à Bunwaree, dans cette affaire de pédophilie alléguée, il semblait plus occupé à défendre la personne accusée que les whistle blowers comme Pascale Bodet, Sudha Singh ou moi-même. Bunwaree a-t-il joué un vilain rôle dans ma suspension ?

 

Shakeel Mohamed a quand même dit que votre suspension était illégale ?

Oui, il me l’a dit. Entre les quatre murs de son bureau. J’ai été content de l’entendre. Mais concrètement qu’a-t-il fait ? Rien. Je lui ai envoyé des mails pour lui dire quele Pr Torul – président de la Commission Conciliation et Médiation (CCM) – était en train de mal faire et qu’il fallait prendre des sanctions.Le président est nommé par le ministre du Travail et il avait toutes les infos en main.

 

Vous semblez avoir une dent contre le Pr Torul…

Je n’ai rien contre lui. Mais j’avais des appréhensions et ses actions m’ont donné raison. Il a fauté. Quand la CCM tergiverse, cela signifie qu’elle est entre de mauvaises mains. J’en appelle à Mohamed : ce n’est pas au ministre de nommer le président de la Commission. C’est la Judicial and Legal Services Commission qui devrait le faire, comme pour l’Employment Relations Tribunal. Il faut quelqu’un qui a le calibre d’un magistrat et comprend les rouages de la loi.

 

Vous remettez en question les compétences du Pr Torul ?

Je ne remets pas en question ses compétences, mais je crois qu’il faut des garde-fous. Il ne faut plus que les litiges soient rejetés à la va-vite pour plaire à certaines personnes. Une personne nommée par un politicien va tout faire pour ne pas froisser ce dernier.

 

Et c’est le ministre de l’Éducation qu’il n’a pas voulu froisser ?

Il a été nommé par Bunwaree. Alors je me demande pourquoi mon dossier a dormi dans un tiroir pendant aussi longtemps et pourquoi c’est justement dans mon cas qu’il y a eu une série de gaffes. Je suis lié au MITD, le MITD est lié à Bunwaree… Je crois que c’est plutôt clair.

 

Vos anciennes collègues, Sudha Singh et Pascale Bodet, ont été blanchies des accusations de faux et usage de faux faites par la direction du MITD. La crédibilité de l’institution en a-t-elle souffert ?

Le MITD a été complètement décrédibilisé ! Le citoyen lambda n’aura aucun mal à comprendre qu’il y a eu persécution. D’autres ont bénéficié de protections occultes. Mais dans cette histoire, c’est Bunwaree qui y a laissé le plus de plumes. Il aurait mieux valu pour lui qu’il se tienne éloigné. Maintenant, tous les doigts accusateurs sont tournés vers lui.

 

Si les charges contre Pascale Bodet et Sudha Singh ont été abandonnées, doit-on conclure que ce qu’elles ont raconté était exact ?

Nous avons simplement accompli notre devoir. Nous ne pouvons pas dire qui est coupable et qui ne l’est pas. Il y avait des soupçons de mauvaise pratique et nous comptions sur la direction et les autorités pour faire la lumière. Au final, nous sommes toujours dans le noir. Les whistle blowers ont été disculpés, mais cela veut-il dire que l’on met un point final au dossier ? Le ministre en sortirait gagnant s’il y avait une commission d’enquête sur le MITD pour trouver le véritable coupable.

 

Comptez-vous la réclamer officiellement ?

J’ai déjà écrit au leader de l’opposition. Il a réagi très rapidement et j’ai rencontré la commission éducation de son parti vendredi dernier. Je prépare aussi une lettre adressée au Premier ministre pour lui demander de commencer un fresh investigation.

 

Vous estimez que des têtes doivent tomber avec tout ce qui s’est passé ?

Nous ne faisons pas une chasse aux sorcières, mais il faut faire le nettoyage complet. Une réorganisation et une restructuration du MITD s’imposent. Que ce soit au niveau du board, ou au plus bas de l’échelle, il faut tout passer au peigne fin pour remettre cette institution sur les rails.

 

Comment en est-on arrivé là ?

L’organisation n’a jamais eu l’indépendance dont elle avait besoin. Elle aurait dû être complètement déconnectée du ministère. Sinon, le ministre y met forcément son nez… Tous les problèmes de gouvernance dans les corps parapublics ont la même cause. On ne sait pas où commencent et où finissent les responsabilités de chacun. Il faudrait une instance qui assure un recrutement transparent dans les corps parapublics, comme la Public Service Commission.

 

Narain Chedumbrum, celui qui était accusé de pédophilie, réclame sa réintégration. Votre réaction ?

Je ne comprends pas comment il peut réclamer sa réintégration quand il a lui-même soumis sa démission. Il l’a fait de son propre chef. S’il n’avait pas des raisons derrière, il ne l’aurait pas fait…