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Ivan Collendavelloo: «Bérenger essaie de mieux faire que Nita Deerpalsing»
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Ivan Collendavelloo: «Bérenger essaie de mieux faire que Nita Deerpalsing»
L’ancien leader adjoint du Mouvement militant mauricien est encore plus amer devant la réaction de Paul Bérenger face à la publication des photos par «l’express» établissant les liens étroits entre le chef du gouvernement et l’ancienne vendeuse de magasin ayant bénéficié de juteux contrats à l’aéroport. Le Senior Counsel accuse le lider maximo de faire concurrence à Nita Deerpalsing pour défendre Navin Ramgoolam.
■ Quel accueil avez-vous fait de «l’express» le week-end dernier ?
J’ai lu l’express de samedi et de dimanche comme un citoyen qui a été éclairé sur une facette importante du présent gouvernement. Je dois vous dire que ma première impression a été une réflexion sur ce qu’on appelle le syndrome Macarena.
Ma deuxième réflexion a été une analyse que j’ai faite bien après la publication de ces deux journaux. Elle est en trois volets. Il y a d’abord ce côté people que Nita Deerpalsing a qualifié de voyeurisme.
Il est clair que c’était une page people que la presse est en droit d’utiliser de par le monde. C’est une évolution et l’express a montré Navin Ramgoolam et sa copine dansant le tango. Et le séga.
■ Un Premier ministre a-t-il droit à une forme de vie privée avec une femme d’affaires qui collectionne des contrats de l’état ?
Ces deux personnes sont, à divers degrés, des personnes publiques. Justement pour revenir à mes réflexions, il y a aussi le volet du débat juridique sur la vie privée. Nandanee Soornack et Navin Ramgoolam ont le droit au respect de leurs vies privées. Mais ce mur de protection s’abaisse au point de disparaître lorsque leur vie publique assume une importance telle que la vie privée elle-même devient d’intérêt public.
■ Comment leurs vies privées peuvent-elles être d’intérêt public ?
Que voyons-nous ? Nandanee Soornack, copine du Premier ministre, est une partie contractante d’Airports of Mauritius Ltd. Cette société, rappelons- le, tombe directement sous la responsabilité du Premier ministre. Il est donc d’intérêt public de savoir que cette personne est en fait une «dancing partner» de ce même Premier ministre.
■ Quel est le troisième volet de vos réflexions ?
Il est d’ordre politique. Clairement, Navin Ramgoolam ne peut plus faire confiance à son cercle intime. Cette vidéo a été filmée par une personne qui est la seule à ne pas paraître dans le film. Cette personne est suspecte, sauf si elle a fait circuler cette vidéo aux
autres convives.
Dès lors, il n’y a qu’une enquête de police sérieuse et non pas des policiers à genoux devant Navin Ramgoolam qui pourra établir l’identité de cette personne.
■ Fallait-il dévoiler la nature de la relation entre le chef du gouvernement et l’ancienne vendeuse de magasin devenue multimillionnaire?
Je vous renvoie à ce qui s’est passé en 1980 avec le père du Premier ministre, soit sir Seewoosagur Ramgoolam. Quelqu’un de son inner circle l’avait trahi. Quelqu’un s’était révolté et refilait des informations au Mouvement militant mauricien et à la presse sur ses relations avec la Libye, par exemple.
Il n’y avait plus de secret à l’intérieur du Bureau du Premier ministre et cela a précipité la chute de sir Seewoosagur.
Il y a eu d’autres révélations mais certains des protagonistes sont encore en vie, mieux vaut ne pas en parler. L’histoire se répète donc. Ça m’a tout l’air d’un règlement de comptes entre affairistes…
■ Le Mouvement militant mauricien est toujours là. Mais où est donc passé votre bon ami le leader ?
Paul Bérenger essaie de faire mieux que Nita Deerpalsing. Ce n’est pas très difficile en fin de compte. Il trouve honteux que l’express ait publié les photos d’un tango et défend Nandanee Soornack. Il semble avoir oublié qu’il est le leader de l’opposition et que ce n’est pas sa mission de prendre position en faveur du Premier ministre.
La véritable honte c’est Paul Bérenger lui-même. Le Muvman Liberater constate, sur le terrain, une grande impopularité de quelqu’un qui est devenu un triste personnage.
■ Qu’en pensent vos amis du parti mauve ?
Dans beaucoup de régionales, les militants sont submergés par un sentiment de honte. Ils font l’objet de quolibets dans les villes ou leurs villages. Au sein du bureau politique, c’est le partage du gâteau qui intéresse sept à huit membres. Ils ont décidé de vendre leurs honneurs à l’autel des privilèges de l’État.
Ces gens-là croient en la victoire d’une alliance entre le Parti travailliste et le MMM. Ils se voient déjà au volant de leurs grosses berlines allemandes, encensés par la VIPSU et obtenant des salaires mirobolants pour ne rien faire.
■ Le règne des courtisans est parti pour durer selon vous ?Tous veulent devenir les courtisans
du roi. Les autres membres du bureau politique savent que cela n’arrivera jamais. Cette alliance sera un échec. Paul Bérenger restera comme l’homme de toutes les défaites.
Il ne pourra mener ses hommes à la victoire. Se fier au capitaine Ramgoolam, c’est aller tout droit à la catastrophe. Je constate simplement que Paul Bérenger se ridiculise.
■ Finalement, vous devez être content d’avoir abandonné le navire… Comment auriez-vous réagi au cas contraire ?
Ma prescience politique m’a interpellé le 16 avril. Si j’étais resté un jour de plus, j’aurais assisté à la pourriture qui entache aujourd’hui le MMM. Permettez-moi d’emprunter cette belle phrase de Cécile Duflot : j’ai eu le devoir de la sincérité. Cette sincérité est d’abord envers les militants et ensuite envers la population.
■ Il y a eu des sentiments mitigés vis-à-vis de la publication de ces photos par «l’express». Est-ce qu’une partie de la population s’attend toujours à recevoir un «boute» en échange de certaines faveurs ?
Le show des dernières recrues de la police défilant au journal télévisé a été un spectacle affligeant. Au lieu d’être dignes, certains ont remercié le Premier ministre pour avoir été sélectionnés ! Cela démontre que le clientélisme s’est ancré dans nos moeurs.
■ Que possédait le MMM sur Nandanee Soornack lorsque vous étiez encore le leader adjoint ?
Paul Bérenger l’a traitée avec beaucoup de dédain quand elle s’est donnée en spectacle lors des dernières élections municipales. Soit lors du dépouillement au collège Maurice Curé en décembre 2013. Il avait promis de lui régler son compte. Il est évident qu’aujourd’hui il ne lui reste qu’un tour de séga…
■ Quelle institution aurait dû ouvrir une enquête ?
Les institutions de ce pays ont perdu tout leur crédit. La commission anti-corruption, si efficace quand il s’agit d’un sergent de police, n’arrive pas à enquêter sur les puissants. La première chose que Navin Ramgoolam a faite en accédant au pouvoir, en 2005, a été de changer la loi afin que l’ICAC soit redevable envers lui. Dès lors, il ne faut pas s’étonner que la réputation de notre pays dégringole de jour en jour.
■ Le MMM n’a pas fait mieux avec l’«Economic Crime Office». Surtout quand celui-ci a ouvert une enquête sur Jayen Cuttaree. Vous avez été un de ses avocats, non ?
Ce n’est pas vrai. Bien au contraire. Jayen Cuttaree n’avait commis aucun acte de corruption. L’Economic Crime Office voulait l’emprisonner pour marquer des points politiques. La police a refusé d’arrêter Jayen Cuttaree car il n’y avait rien dans le dossier à charge pour justifier des poursuites. Les Travaillistes ont tout essayé pour établir un case. Or, il n’y en avait pas. Toutes leurs tentatives d’incriminer Jayen Cuttaree sont restées vaines. C’est avec ces mêmes pourritures que Paul Bérenger veut s’allier.
■ Jayen Cuttaree est aussi pour, non ?
Oui… (soupirs).
■Pour revenir aux images de «l’express», qu’auriez-vous fait si vous étiez à la tête de l’ICAC ?
Ce ne sont pas les images qui mèneraient à une enquête. Les images ne font qu’éclairer l’opinion publique sur un couple de fêtards qui s’amusent. L’ICAC aurait dû enquêter depuis bien longtemps sur ce qui se passe dans le pays. Le contrat juteux qu’est l’achat d’avions aurait également mérité une attention de l’ICAC.
■ Vous touchez au financement des partis politiques... Comment le Muvman Liberater se débrouille de son côté ?
Le financement est l’une de nos préoccupations. Toutes les donations devront se faire par chèque et être versées sur un compte en banque afin qu’il y ait pleine transparence.
Je reviens à l’alliance rouge-mauve qui est celle d’une alliance d’intérêts. Un monstre à trois têtes qui veut bénéficier de la manne que symbolise le Parti travailliste.
Cette manne ne tombe pas du ciel. Elle a, à ses origines, des bailleurs de fonds qui ont bâti leurs fortunes sur des privilèges accordés par le régime. On a spolié des gens comme les petits planteurs de Riche-Terre pour enrichir d’autres.
Navin Ramgoolam est un Robin des Bois à l’envers. Il prend aux pauvres pour donner aux riches. Et ces mêmes riches distribuent au Parti travailliste qui, de son côté, donne des miettes aux agents à sa solde. Nous vivons des moments sombres du point de vue de l’économie et de la bonne gouvernance.
Deux personnes, Paul Bérenger et Navin Ramgoolam, ont décidé de prendre le pays en otage. Ils veulent se le partager. L’histoire retiendra que Paul Bérenger a sacrifié son honneur et sa gloire pour des privilèges. Il termine sa carrière de manière la plus abjecte qui soit.
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