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René Leclézio: «Le ralentissement économique n’est pas lié à la conjoncture politique»

17 septembre 2014, 16:59

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René Leclézio: «Le ralentissement économique n’est pas lié à la conjoncture politique»
 
René Leclézio s’explique sur la rationalité de la nouvelle structure d’actionnariat de Médine et affirme que la surcapacité constitue une contrainte aux nouveaux investissements.
 
● Le groupe Médine s’engage actuellement dans un exercice de restructuration de son actionnariat avec l’élimination, à terme, de ses trois sociétés holding et la présence de PAD comme actionnaire principal dans son capital. Quelle est la rationalité de cet exercice ?
La rationalité de cet exercice souhaité par la direction du groupe vise à éliminer, à terme, ses trois sociétés holding, nommément Black River Investment Co. Ltd, Médine Shares Holding Company Ltd et Alma Investments Ltd. Du coup, celles-ci seront en mesure de détenir des actions directement dans les actifs sous-jacents de trois autres sociétés opérant au sein du groupe, à savoir, Médine, EUDCOS (Excelsior United Development Companies) et SODIA (Société de développement industriel et agricole Ltée)
 
● Quelles seront les implications d’un tel exercice pour les actionnaires et, éventuellement, pour le groupe ?
C’est un exercice qui rendra les actions plus liquides, car il faut faire ressortir que généralement, les titres des holdings s’échangent à des prix inférieurs à ceux de Médine, d’EUDCOS et de SODIA. Or, en éliminant les holdings, il va de soi que cette démarche dégagera plus de valeur pour les actionnaires.
 
Actuellement, les trois holdings du groupe sont cotées sur le Development and Enterprise Market (DEM). Ces sociétés holding existent généralement à des fins de contrôle et PAD, qui est le principal actionnaire du groupe Médine, n’a pas l’intention d’exercer de contrôle sur le groupe Médine. En outre, les actions préférentielles de Médine seront converties en actions ordinaires pour rendre la structure plus simple. Suivant la mise en oeuvre de ce processus de restructuration, PAD détiendra directement 34,97 % des parts de Médine Ltd (ML), 34,50 % des parts de SODIA et 20,97 % des parts d’EUDCOS.
 
●  Le groupe gravite actuellement autour de trois pôles d’activités, à savoir l’immobilier, les loisirs et l’agriculture, conformément à son plan directeur 2005-2025. Comment se présente la performance de ces trois secteurs ? Les clusters immobilier et loisirs constituent-ils toujours les moteurs de croissance du groupe ?
Absolument… mais il faut compter avec un quatrième cluster, celui connu au sein du groupe sous le nom de Médine Education Village (MEV) qui, visiblement, prend de l’importance dans sa nouvelle orientation stratégique.
 
D’ores et déjà, il y a des infrastructures qui ont été construites pour  soutenir cet ambitieux projet, dont l’amphithéâtre à Pierrefonds utilisé aujourd’hui par de prestigieuses institutions  universitaires comme l’École supérieure des sciences économiques et commerciales (ESSEC), l’Institut européen d’administration des affaires (INSEAD) ou encore l’Indian School of Business pour dispenser des cours destinés aux dirigeants d’entreprise.
 
Le positionnement de MEV s’appuie sur le marché de l’enseignement supérieur. Nous pensons que le pays pourra accueillir dans le temps quelque 25 000 étudiants venant principalement d’Afrique et d’Inde. Si chaque étudiant dépense en moyenne 20 000 dollars par an, ce sont USD 500 millions que le pays engrangera. On peut imaginer que 25 % de ce montant iront aux prestataires de services, soit ceux qui opèrent ces universités et que la différence sera investie dans l’économie du pays.
 
Avec l’ambition du groupe de créer à terme un Knowledge Hub dans l’ouest du pays, nous travaillons à cibler une partie de ces 25 000 étudiants qui donneront de l’épaisseur à ce nouveau pilier. Certes, le principal challenge de l’enseignement supérieur, c’est évidemment le coût des études. Il est clair que pour les Executive Programmes ciblant les dirigeants  d’entreprises, les frais sont remboursés.
 
Or, pour les cours menant à une licence ou à une maîtrise, il faut que ces étudiants soient nécessairement intelligents et possèdent un bagage académique. Or, l’intelligence n’est pas l’apanage d’une seule catégorie sociale. Elle se trouve dans toutes les couches sociales du pays. Ainsi, pour ne pas pénaliser les jeunes qui ont l’intelligence mais qui ne peuvent poursuivre des études supérieures, il faut dégager un système de bourses permettant aux  enfants moins fortunés d’avoir accès à l’enseignement supérieur. Les entreprises du secteur privé doivent s’y mettre en offrant des bourses à travers leurs programmes de Corporate Social Responsibility.
 
●  Ce n’est pas une activité qui engrange de gros revenus…
Évidemment, oui. Mais elle a le mérite de dynamiser les autres secteurs économiques opérant à sa périphérie dans l’ouest du pays.
 
●  Il y a aussi d’autres projets liés à l’immobilier et les loisirs…
Tout à fait. Il y a l’extension de Tamarina, avec 50 nouvelles chambres. Nous finalisons les appels d’offres actuellement et estimons pouvoir lancer les travaux au début de l’année prochaine. C’est un projet immobilier qui nécessitera un investissement de Rs 150 millions.
 
●  Venons-en au réaménagement du parc de loisirs Casela. Médine souhaite faire de ce parc la référence dans la région. C’est une destination récréative aux ambitions internationales ?
 
L’aménagement de ce parc de loisirs, qui sera réalisé avec la collaboration du cabinet de  consultants australiens Sanderson Group, fera effectivement de Casela Nature & Leisure Park une destination récréative qui viendra enrichir l’offre de loisirs du pays.
 
Ce parc de loisirs, qui se veut une référence dans les pays de la région, mobilisera 300  hectares de terres et se fera sur trois phases, dont la première s’achève en décembre prochain.
 
Cette première phase comprendra de nouvelles attractions, avec de nouvelles espèces d’animaux qui intégreront le parc, soit des girafes, des lions, des élans d’Afrique ou encore des éléphants et un couple de rhinocéros, entre autres. Parallèlement, la première phase, qui a mobilisé des investissements de Rs 400 millions, comprendra quatre mondes thématiques (les «Kingdoms»), ainsi qu’un complexe de découverte et d’apprentissage, le Discovery Centre. Des activités équestres seront aussi proposées.
 
Nous ciblons à la fois une clientèle touristique et mauricienne pour ce Casela new-look, dans la mesure où nous constatons qu’il y a manifestement un manque de loisirs pour les Mauriciens. Nous prévoyons un investissement total de Rs 1 milliard pour réaliser le projet dans sa globalité.
 
Évidemment, nous avons les pieds bien sur terre. Le nouveau Casela sera à l’échelle mauricienne et ne compte pas rivaliser avec les grands centres d’attractions africains.
 
Il reste également le sucre. Est-ce qu’à terme l’activité sucre est appelée à disparaître ?
 
Pas pour le moment… Mais à Rs 14 000 la tonne sur le marché international, cette activité n’est plus profitable. Pas uniquement pour le groupe mais également pour les autres sucreries.
 
Nous maintenons actuellement une production sucrière de 40 000 tonnes, dont 10 000 tonnes reviennent aux petits et gros planteurs.
 
Avec la signature d’un Power Purchase Agreement avec le Central Electricity Board (CEB) la semaine dernière, qui permet de lui fournir 22 mégawatts d’électricité par an, nous pouvons respirer et garder l’usine en vie. Ce n’est pas une grosse production d’électricité mais c’est tout de même un contrat de 20 ans qui nous offre un ballon d’oxygène.
 
●  Il était question que Médine exporte directement son sucre sur le marché étranger sans passer par le Syndicat des sucres ?
Nous avons effectivement fait une demande auprès du gouvernement dans le passé, mais celui-ci nous a refusé ce permis d’exportation. Comme nous ne produisons que 40 000 tonnes, cela aurait été plus sensé économiquement de les exporter directement. Aujourd’hui, nous traitons avec le Syndicat des sucres qui a un contrat avec Sûdzucker jusqu’à juin 2015. Après, on verra…
 
●  Estimez-vous qu’à terme, le Syndicat des sucres sera appelé à disparaître avec la fin du quota ?
Il est évident qu’avec cette échéance, nous sommes un peu dans le flou. Des menaces sérieuses pèsent sur le sucre mauricien. Ce qui m’amène à dire qu’il y a nécessairement un rethinking à faire sur ce secteur, compte tenu de ces nouvelles réalités. Évidemment, la question du rôle du Syndicat des sucres va se poser. Je crois qu’à terme son rôle va être beaucoup plus administratif, cette instance s’occupant beaucoup de la logistique liée à ce secteur.
 
● Comment voyez-vous Médine dans 20 ans, au terme de son plan directeur ?
Une organisation moderne, résolument tournée vers l’avenir, s’appuyant sur ses quatre pôles d’activités qui constitueront ses principaux moteurs de croissance.
 
Toutefois, le positionnement de Médine passe aussi par le développement de la région Ouest. Or, dans cette optique, il y a urgence à aménager une route d’accès qui reliera cette partie du pays à l’autoroute. Il y a certes eu la route jouxtant Jumbo Phoenix, à Pierrefonds, mais elle est fortement congestionnée à partir de la route de Candos. Il faut que les autorités y pensent. Toutes les régions du pays sont reliées à l’autoroute, sauf l’Ouest.
 
●  Médine a-t-il des ambitions régionales ?
Pas pour le moment. Nous sommes pleinement impliqués dans la consolidation du groupe et dans l’exécution de son plan directeur. Aujourd’hui, nous ne dégageons pas de surplus de capital pour songer à des projets dans la région. Le moment viendra où nous nous mettrons sérieusement à y réfléchir.
 
●  Quels sont les principaux défis auxquels le pays est confronté actuellement ?
Disons que Maurice est dans la tendance mondiale. Dans le monde entier, il y a un écart entre l’offre et la demande. Aux États-Unis, les gens ont investi massivement jusqu’en 2008 pour faire du capacity building. Ensuite, la crise est arrivée. Dès lors, des compagnies ou des pays qui avaient des moyens d’investir ne l’ont pas fait vu qu’il y a eu entre-temps une surcapacité.
 
À Maurice, c’est au même phénomène que l’on assiste actuellement. C’est le rapport entre l’offre et la demande. Pour le moment, l’offre excède de loin la demande, entraînant de fortes pressions sur les prix dans tous les domaines, que ce soit dans le textile, le tourisme, l’immobilier ou encore dans les grandes surfaces.
 
Il faut laisser le temps digérer tout cela. Des groupes se sont endettés pour investir. Or, ils sont confrontés à une surcapacité dans le pays. Il faut attendre que la reprise de la croissance puisse absorber cette surcapacité. Ce qui n’interviendra pas avant deux ou trois ans.
 
●  La reprise n’est pas pour demain ?
Hélas, non ! Il faudra réduire les coûts car il n’y aura pas de demande massive.
 
●  Quel est le mood des affaires à l’approche des élections générales ?
Le ralentissement économique, qui est certes inquiétant, est lié à un surplus de liquidités dans le pays parce que les opérateurs privés n’ont pas investi massivement ces dernières années. Cette situation n’a rien à voir avec la conjoncture politique. Aussi, je ne crois pas qu’il y aura plus d’investissement avant ou après les élections, tant que le problème de surcapacité ne sera pas résolu.
 
●  On pressent le retour de Rama Sithanen au portefeuille des Finances dans le sillage de la nouvelle alliance politique. Estimez-vous qu’il soit l’homme de la situation pour redresser l’économie et la porter à un autre palier de son développement ?
Je n’ai pas d’information sur son retour en politique. Ce que je peux dire en revanche c’est qu’il a été dans le passé un excellent ministre et je n’ai pas de doute que s’il revient à ce ministère, il va bien faire.
 
● Ressentez-vous un vide économique vu que le ministère des Finances est amputé de son titulaire depuis plusieurs mois et que celui qui est censé assurer l’intérim a manifestement d’autres priorités. On parle de pilotage automatique au sein de ce ministère. Vos commentaires ?
Je sais que les institutions financières, qui interagissent régulièrement avec le ministère des Finances, ont des moyens de le faire à travers des régulateurs comme la Financial Services Commission et la Banque de Maurice.
 
Je note également que toutes les institutions du pays marchent bien. Il y a une équipe de professionnels au ministère des Finances. Le gouvernement définit les grandes lignes et l’équipe au Trésor public ne fait que les appliquer. Donc, je pense qu’on mène le bateau à bon port.