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Reza Uteem,candidat de l’alliance PTr-MMM: «J’ai failli arrêter la politique»

12 octobre 2014, 11:16

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Reza Uteem,candidat de l’alliance PTr-MMM: «J’ai failli arrêter la politique»

C’était en avril dernier, au moment de la cassure du «Remake». Depuis, celui que l’on annonce comme le numéro trois du prochain gouvernement s’est remis en selle. Pourquoi ? Comment ? Explications.

 

Alors, pas trop déçu de devoir travailler avec des «corrompus» ?

Des corrompus ?

 

«Le régime le plus corrompu de l’Histoire», disiez-vous. Vous avez déjà oublié ?

(Il réfléchit) Écoutez, je suis un pragmatique. Ma préférence, c’était que le Mouvement militant mauricien (MMM) aille seul aux élections, je l’ai dit à l’époque, j’assume. Je suis militant et, comme tous les militants, j’aurais préféré 60 candidats MMM. Il se trouve que ce ne sera pas le cas puisque nous sommes désormais en alliance avec le Parti travailliste (PTr). Plutôt que de ruminer sur le passé, je vais de l’avant, je vois les opportunités qu’offre cette alliance, pour mon parti, pour mon pays. La politique, c’est aussi l’art du compromis.

 

Du compromis ou du reniement ?

Faire des concessions, ce n’est pas se  renier. Je ne vis pas dans un monde idéal, je m’adapte avec ce que j’ai pour essayer d’en tirer le meilleur. Oui, j’ai été virulent à l’égard du gouvernement sortant. Non, je n’ai pas oublié. J’ai combattu pendant quatre ans et demi pour que les idées du MMM soient la force motrice du prochain  gouvernement ; j’ai obtenu ce que je voulais. L’important, ce ne sont pas les personnes, ce sont les idées.

 

Cela signifie que les «pourris» d’hier sont déjà devenus des amis ?

Non. Un grand nettoyage va être fait, ce sera une bonne chose pour tout le monde.

 

En parlant de ménage, que vous inspire le ralliement de Vishnu Lutchmeenaraidoo à l’Alliance Lepep ?

Sa décision ne m’a pas surpris. C’est de la pure démagogie, de la malhonnêteté intellectuelle à la Lutchmeenaraidoo. Il a participé à toutes les réunions du bureau politique du MMM, à chaque fois que nous avons évoqué cette alliance ou le projet de IIe République, il n’avait rien contre. Il a commencé à prendre ses distances du MMM quand Paul Bérenger a annoncé que le portefeuille des Finances reviendrait à un élu rouge et que le gouverneur de la Banque centrale serait nommé par le président de la République. Cela dit, ce n’est pas une grande perte. Vishnu Luchmeenaraidoo incarne le passé. Il forme, avec Harish Boodhoo et Anerood Jugnauth, un beau trio d’antiquités.

 

«Je suis un pragmatique», dites-vous. Cela signifie qu’il vaut mieux gagner à deux que de perdre seul ?

Je n’ai jamais douté d’une victoire du MMM aux prochaines élections, que ce soit seul ou en alliance. Mais une question s’est posée : seuls, pourrons-nous gouverner ? L’opposition, au Parlement et en dehors, aurait été très forte. Cette alliance nous permettra de gouverner, parce que nous aurons les fonctionnaires de notre côté, ce sera plus facile de faire avancer les choses. Et puis, le PTr a quand même un grand nombre d’électeurs fidèles. Si l’on réussit tous à travailler ensemble, ce sera un plus pour le pays. Maurice est trop petit pour exclure des talents. Sincèrement, je pense que cette alliance est la meilleure des choses qui pouvait arriver à l’île Maurice.

 

Dans ce cas, pourquoi étiez-vous contre ?

Parce que je n’avais pas confiance en Navin Ramgoolam.

 

Et aujourd’hui ?

Les choses ont changé.

 

Cela vous coûterait de l’exprimer plus clairement ?

Non, je peux le dire : j’ai confiance en Navin Ramgoolam. Pas seulement en lui,  d’ailleurs. J’ai confiance en tous les travaillistes pour que notre alliance réussisse au-delà des élections. Chacun réalise sa portée historique.

 

Cela dépend de ce que vous en ferez…

Totalement d’accord. Pour moi, cette alliance est porteuse d’espoir, à nous de  transformer l’espoir en faits concrets. Pour cela, nous avons un programme. Vous allez me dire, ce n’est pas une garantie. Mais qu’est ce qui fait qu’un gouvernement n’applique pas un programme ? Quand des groupes de pression l’en empêchent. Avec un  gouvernement fort, vous n’êtes plus l’otage des intérêts particuliers.

 

Travailler avec ceux que l’on a dénigrés sera-t-il pour autant chose aisée ?

Chacun devra mettre son ego et ses rancoeurs de côté. Ce ne sera pas facile mais nous y arriverons parce que l’enjeu est bien supérieur à nos querelles passées. L’enjeu, c’est l’intérêt national.

 

Est-ce que cela veut dire que Paul Bérenger peut dormir tranquille ?

Pourquoi voulez-vous qu’il dorme mal ?

 

Il n’aura plus à vous rappeler à l’ordre sur votre aversion à l’égard du Parti travailliste ?

Reza Uteem n’a jamais empêché Paul Bérenger de dormir. J’ai toujours été sage… sauf quand je n’étais pas d’accord. Mais j’ai combattu des idées, pas des personnes.

 

Vous voulez qu’on ressorte les dossiers ?

(Souriant) Allez-y, je n’ai rien à cacher…

 

 «Magouilleur», «dictateur», «Judas», ces amabilités vous disent quelque chose ?

(À voix basse) Judas, j’ai dit ça moi ? Je ne m’en souviens pas…

 

Votre compte Facebook s’en souvient : « Navin Ramgoolam est le plus grand des Judas.» Vous regrettez ?

(Il cherche ses mots) Je ne regrette rien… je regrette que… non… si… Je ne regrette pas d’avoir critiqué des gens qui faisaient mal leur travail. Mais si j’ai blessé injustement certaines personnes, oui, je le regrette. Je suis prêt à faire des excuses.

 

 Vous arrive-t-il de douter ?

(Direct) Tout le temps. Je remets tout en question, tout le temps, y compris moi-même. C’est mon mode de fonctionnement, ce recul me permet d’avancer.

 

Selon vos proches, en avril dernier, vous étiez à deux doigts de jeter l’éponge. Confirmez-vous ?

Je ne souhaite pas en parler. Je ne l’ai d’ailleurs jamais fait publiquement.

 

C’est l’occasion…

(Long silence) C’est vrai, j’ai pensé arrêter la politique. C’était au moment des premières tractations avec le Parti travailliste, je n’aimais pas ce qui se tramait. Finalement, mes collaborateurs et mes mandants m’ont convaincu de tenir bon. Et Paul Bérenger a eu les bons arguments. Il m’a dit deux choses. Une, l’alliance n’est pas encore faite. Et deux, si elle se fait, c’est pour appliquer l’intégralité de notre programme.

 

Sinon, vous la sentez comment cette campagne ?

Dans ma circonscription, l’adversaire principal, c’est l’abstention. Pas mal de gens se disent que l’alliance MMM-PTr se dirige vers une victoire éclatante, c’est le danger. Mathématiquement, un 60-0 est inévitable, mais une élection ce n’est pas des maths. Croire qu’une élection est gagnée d’avance c’est prendre le risque d’avoir une très mauvaise surprise. C’est pour cela que l’on est sur le terrain, on ne prend rien pour acquis. On ne gagne pas une élection avec des banderoles, des meetings ou des réunions privées. Une élection se gagne le jour de l’élection. L’alliance qui mobilisera le plus ses électeurs l’emportera.

 

Sentez-vous des réticences sur le terrain ?

Je sens qu’il y a une campagne d’explication à faire, en particulier sur la cassure du Remake. Cette campagne a commencé. Quand on prend le temps d’expliquer, de dire ce que nous comptons faire une fois au pouvoir, les gens adhèrent massivement au projet.

 

Ce que vous appelez «projet» tient en une phrase selon SAJ : Paul Bérenger était pressé de redevenir Premier ministre.

Faux ! Si Bérenger était obsédé par ce poste de Premier ministre, il aurait pu l’être depuis bien longtemps. Il n’a jamais voulu corrompre ses principes, c’est l’une des raisons qui font que Reza Uteem est à ses côtés.

 

Ça fait deux fois que Reza Uteem parle de lui à la troisième personne.

Se prendrait-il pour Jules César ? (Rires) Non, je suis le même Reza Uteem, ou Muhammad comme m’appellent les intimes et mes confrères avocats.

 

Un résultat autre que 60-0 vous décevrait-il ?

Non, pas forcément. Par contre, s’il n’y a pas 3-0 dans ma circonscription (Port-Louis Sud–Port-Louis centre, NdlR), là oui, je serai extrêmement déçu.

 

Les deux tickets restants seront-ils attribués aux sortants, Rashid Beebeejaun et Abdullah Hossen ?

Je ne suis pas dans le secret des dieux…

 

Le futur numéro trois du gouvernement n’est pas au courant, ça aussi c’est terriblement décevant…

(Sourire malicieux) Vous savez, il y a des prérogatives qui sont jalousement gardées par des leaders politiques. Je n’empiéterai pas sur leur territoire.

 

Savoir qui vous aurez comme colistier ne vous intéresse pas ?

J’en ai parlé avec Paul ce matin (jeudi, NdlR), il m’a dit qu’il allait en discuter avec le Premier ministre. Évidemment, je préférerais avoir un colistier MMM, mais si ce sont deux travaillistes je n’en ferai pas une maladie. L’objectif, c’est un 3-0, peu importe les candidats. Il y a au moins cinq circonscriptions où le MMM et le PTr sont plus ou moins à force égale : la mienne donc, la n°12, la n°13, la n°15 et la n°18 (à savoir,  respectivement, Mahébourg–Plaine-Magnien, Rivière-des-Anguilles–Souillac, La Caverne–Phoenix et Belle-Rose– Quatre-Bornes, NdlR). La répartition des tickets, dans ces circonscriptions, n’est pas encore jouée.

 

Une question désagréable, vous permettez ?

Vous êtes libre.

 

Êtes-vous la caution musulmane de Paul Bérenger ?

(Direct) Non. Bérenger n’a pas besoin de Reza Uteem pour avoir le soutien de la  communauté musulmane.

 

Alors pourquoi a-t-il autant insisté pour que vous soyez le numéro trois ?

Parce qu’il veut que toutes les composantes de la nation mauricienne soient représentées au front bench.

 

Vous attendez-vous à ce que des travaillistes réclament votre place ?

Oui.

 

Shakeel Mohamed ?

Ou d’autres. Plusieurs membres du PTr pourraient légitimement revendiquer le rang de numéro trois du gouvernement. Or, il se trouve que Paul  Bérenger a exigé et obtenu que ce soit Reza Uteem. Pour moi, le débat est clos.

 

Le ministère des Finances, en revanche, vous est passé sous le nez. Vous vous en remettrez ?

Oui. D’autant que je ferai partie d’un comité économique restreint comprenant Paul Bérenger, Navin Ramgoolam et Rama Sithanen. En tant que ministre des Petites et moyennes entreprises (les portefeuilles de l’Industrie, du Commerce, de la Protection des consommateurs et des Coopératives lui ont également été promis, NdlR), je travaillerai en étroite collaboration avec le ministre des Finances.

 

Tout le monde pensait que Kee Chong Li Kwong Wing était le «Monsieur économie» du MMM…

Nous aurons besoin de toutes les compétences.

 

L’élève aurait-il mis son prof sur la touche ?

Vous êtes bien renseigné. Kee Chong était effectivement mon professeur d’économie au collège, il me donnait des leçons particulières. C’est grâce à lui que j’ai obtenu la  meilleure note du pays à l’examen d’économie au HSC.

 

Est-ce que l’élève a doublé le maître ?

Le maître reste le maître.

 

Question plus personnelle : une fois au pouvoir, vous gagnerez nettement moins bien votre vie...

C’est vrai, mais j’aurais la possibilité d’aider beaucoup plus de gens. Cette satisfaction-là compte plus que l’argent.

 

Facile à dire quand on est riche !

Il n’y a pas de honte à gagner honnêtement sa vie.

 

Vous serez l’un des orateurs du meeting de dimanche. Qu’avez-vous à dire aux militants ?

Se selman kan kass bwat ki nou gayn eleksyon. Bizin rest mobilize.

 

Et aux supporters du Parti travailliste ?

Blye le pase. Aster nou bizin travay ansam pou enn lavenir meyer.