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Christophe de Margerie tué dans un accident d'avion à Moscou

21 octobre 2014, 19:07

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Christophe de Margerie tué dans un accident d'avion à Moscou
Christophe de Margerie, le président-directeur général du groupe pétrolier Total, est mort lundi soir dans la collision de son avion d'affaires avec un chasse-neige à l'aéroport Vnoukovo de Moscou.
 
Une tempête de neige s'était abattue sur Moscou et, selon l'autorité russe des transports, la visibilité était mauvaise au moment du décollage peu avant minuit.
 
La commission d'enquête russe, un organisme dépendant directement du président Vladimir Poutine, a indiqué que le conducteur de la déneigeuse était ivre. Celui-ci, a dit son avocat, considère qu'il n'est pas coupable car il a suivi toutes les instructions du 'dispatcher' chargé de la régulation de la circulation sur les pistes.
 
Total, qui a tenu une réunion de crise dans la nuit, a fait savoir que son comité de gouvernance et d'éthique puis son conseil d'administration se réuniraient "dans les plus brefs délais" afin de prendre les décisions nécessaires. "Le groupe est organisé pour assurer la bonne continuité de sa gouvernance et de ses activités, pour faire face à cet événement tragique", a déclaré son secrétaire général, Jean-Jacques Guilbaud.
 
Les noms de Philippe Boisseau, directeur général de la branche marketing & services de Total, et de Patrick Pouyanné, patron de la branche raffinage-chimie, tous deux membres du comité exécutif du groupe, ont souvent été évoqués pour succéder à Christophe de Margerie, qui était âgé de 63 ans.
 
Les actionnaires de Total avaient accepté en mai de repousser la limite d'âge du président du groupe de 65 à 70 ans et celle du directeur général de 65 à 67 ans, donnant ainsi la possibilité à Christophe de Margerie d'être reconduit dans ses fonctions pour préparer en interne sa succession.
 
A la Bourse de Paris, l'action Total, plus grosse capitalisation boursière française avec Sanofi, s'est inscrite comme la plus forte baisse de l'indice CAC 40 à l'ouverture, avec un recul de plus de 2%, avant d'effacer progressivement ses pertes.
 
Plusieurs gérants interrogés par Reuters se sont dits sans inquiétudes sur l'organisation rapide de la succession et la réaffirmation de la stratégie du groupe. En milieu d'après-midi, le titre prenait environ 2,5%, en hausse comme l'ensemble des valeurs pétrolières européennes à la faveur d'une stabilisation des cours du brut.
 
"GRAND CAPITAINE D'INDUSTRIE"
 
Christophe de Margerie, qui rentrait à Paris après une réunion sur l'investissement étranger organisée par le gouvernement russe, était le seul passager de l'avion d'affaires, un Falcon 50 de Dassault Aviation. Les trois membres d'équipage ont également été tués.
 
Le Bureau d'enquête et d'analyses français (BEA) a annoncé qu'il dépêchait trois enquêteurs à Moscou, où l'Autorité russe de l'aviation civile a ouvert une enquête. Une enquête du parquet de Paris pour homicide involontaire a été confiée à la section de recherches de la gendarmerie du transport aérien.
 
Les présidents François Hollande et Vladimir Poutine, le Premier ministre Manuel Valls, les ministre de l'Economie et des Finances, Michel Sapin et Emmanuel Macron, ainsi que de nombreux entrepreneurs et personnalités politiques ont rendu hommage à Christophe de Margerie, qui aura oeuvré 40 ans chez Total. Ils ont salué "un grand capitaine d'industrie" et "un dirigeant d'entreprise hors du commun".
"Il avait notamment préparé l'avenir de l'entreprise, en l'orientant vers les énergies du futur", a souligné Manuel Valls.
Une minute de silence a été observée à l'ouverture du 19e sommet international du gaz et de l'électricité, organisé à Paris. Très ému, le ministre de l'Energie de la République du Mozambique, Salvador Namburete, a tenu à présenter ses condoléances à la famille et aux collègues de Christophe de Margerie. "Assurément, ce sera une grande perte pour notre industrie", a dit son homologue algérien, Ali Hached.
 
Né le 6 août 1951, marié et père de trois enfants, diplômé de l'Ecole supérieure de commerce de Paris ("Sup de Co"), Christophe de Margerie était entré en 1974 chez Total. Il y a fait toute sa carrière, jusqu'à devenir directeur général en 2007 puis PDG en 2010.
 
Surnommé "Big Moustache", qu'il portait à la gauloise, il était reconnu pour sa compétence et sa connaissance des métiers du pétrole. Bon vivant, il était aussi apprécié pour son humour et son franc-parler.
 
"Il aurait pu être le roi du brut (champagne) il a choisi à la place d'être le roi du brut (pétrole)", avait dit un jour Pierre-Emmanuel Taittinger au sujet de son cousin.
 
LA RUSSIE, "UN PARTENAIRE"
 
Vladimir Poutine, a déclaré le porte-parole du Kremlin, "appréciait beaucoup les compétences en affaires de Christophe de Margerie, son engagement non seulement dans le développement des relations bilatérales franco-russes mais aussi à des niveaux très variés".
 
Fervent défenseur de la Russie et de sa politique énergétique dans la crise ukrainienne, le PDG de Total avait déclaré à Reuters en juillet que l'Europe, plutôt que de s'inquiéter de sa dépendance au gaz russe, devait s'attacher à rendre ces approvisionnements plus sûrs.
 
"Allons-nous construire un nouveau mur de Berlin ?", disait-il, estimant que les tensions avec l'Occident poussaient la Russie vers la Chine. "La Russie est un partenaire et nous ne devrions pas perdre du temps à nous protéger d'un voisin (...)"
 
Total, au quatrième rang des groupes pétroliers occidentaux derrière Exxon, Royal Dutch Shell et Chevron, est l'une des majors les plus exposées à la Russie, où la production du groupe français devrait doubler d'ici 2020 pour représenter plus d'un dixième de son portefeuille mondial.
 
Total est aussi l'un des principaux investisseurs étrangers en Russie. Le groupe avait indiqué en septembre que les sanctions occidentales contre Moscou ne l'empêcheraient pas de travailler au projet Yamal, un investissement en coentreprise de 27 milliards de dollars pour exploiter les énormes réserves de gaz naturel du nord-ouest de la Sibérie, grâce auquel la Russie pourrait doubler sa part du marché mondial du gaz naturel liquéfié (GNL).
 
Le PDG de Total avait aussi souvent été présenté par son prédécesseur Thierry Desmarest comme "Monsieur Moyen-Orient", une région dont il a eu la charge dans les années 1990.
 
C'est à ce titre que Christophe de Margerie avait passé en décembre 2006 soixante-quatre heures en garde de vue dans le cadre de l'enquête menée sur des commissions occultes versées lors du programme "Pétrole contre nourriture" mis en place par l'Onu en Irak à la suite de la première guerre du Golfe.
 
Poursuivi pour complicité d'abus de biens sociaux au préjudice de Total, il avait été relaxé par le tribunal correctionnel de Paris en juillet 2013.