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Travaux tous azimuts: bribes électoraux?

26 octobre 2014, 21:34

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Travaux tous azimuts: bribes électoraux?

Comment sait-on que le pays est en campagne électorale? Hormis les hurlements intempestifs des politiciens à l’approche de chaque scrutin, les uns aboyant sur leurs alliés d’hier, des Mauriciens se réveillent souvent et découvrent une route lisse comme du velours devant leurs portes.

 

Cette année encore, personne n’a échappé à ce folklore avec la cascade de travaux aux quatre coins du pays. Que ce soit à Beau-Bassin, Belle-Mare, Centre-de-Flacq, voire Vallée-Pitot, à Port-Louis, des chantiers démarrent comme par enchantement au beau milieu de la nuit. Sans que les habitants n’aient été informés au préalable de ces développements.

 

Ceux qui sont en faveur de l’alliance au pouvoir acquiescent avec bonheur alors que ceux qui sont avec l’opposition crient au scandale, allant jusqu’à avancer que ces travaux ne sont ni plus ni moins que de vulgaires «cadeaux» à l’électorat. Avec, affirment-ils, l’intention inavouée d’influencer les votes.

 

Dans les faits, rien n’est moins sûr. La Commission électorale veille au grain autant que possible et l’establishment au sein de l’hôtel du gouvernement vient également de passer le mot d’ordre: interdiction totale d’octroyer des contrats ou d’aller de l’avant avec des recrutements depuis la dissolution du Parlement.

 

Si des travaux d’asphaltage s’enchaînent à la vitesse grand V en ces nuits d’été, l’alliance Parti travailliste-Mouvement militant mauricien (PTr-MMM) jure qu’elle n’y est pour rien. La National Development Unit (NDU), véritable machine à gagner les élections au ministère des Infrastructures publiques, a, en fait, octroyé les contrats depuis le début de l’année en concertation avec la Road Development Authority (RDA).

 

Et aussi en juillet. Soit en pleine période des «koz koze» entre Navin Ramgoolam et Paul Bérenger. Entre les «on» et les «off» du leader du MMM, lorsqu’il squattait encore le fauteuil de chef de l’opposition, la NDU a signé une série de contrats pour les trois grandes circonscriptions de la capitale.

 

LE N°9 EST UN VASTE CHANTIER

 

Lundi soir, les habitants de Vallée-Pitot ont donc accueilli avec surprise une cohorte de camions et de rouleaux compresseurs. Ce, après 15 ans. La police a même dû intervenir pour inviter des automobilistes à dégager leurs véhicules vite fait afin de ne pas gêner les ouvriers.

 

Le même soir, peu après minuit, des ouvriers s’activaient à marquer l’asphalte en plein Centre-de-Flacq. Cette région au coeur du n°9 est devenue un immense chantier avec la pose de drains et de trottoirs là où ce n’est même pas nécessaire.

 

Dans certains quartiers, tels que Plaine-de-Gersigny, alors que deux véhicules peinent à se croiser dans certaines rues à la démographie galopante, ces trottoirs ne feront qu’ajouter aux problèmes de circulation. D’autres rues ont, de leur côté, été élargies.

 

C’est la même scène à Argy. Ailleurs, un pont est en pleine phase de réfection à Riche- Mare. «La route peut être défoncée le matin mais quand je repasse le soir, tout a été entièrement refait. Le changement est bien», renchérit un jeune. Pour lui, Flacq ne pourrait avoir de meilleur député qu’Anil Bachoo.

 

«C’est la norme, non? Le joke est qu’à l’approche des élections, le gouvernement va même jusqu’à asperger les chiens errants  de goudron», lance, amusé, un militant de Plaine-Verte. À la NDU, par contre, l’on ne rigole pas: les cadres ne digèrent pas d’être encore une fois sous les feux des critiques.

 

D’après la procédure en vigueur au sein de cet organisme, les 20 circonscriptions du pays sont divisées en quatre zones. Le Central Procurement Board est chargé d’identifier les sociétés régionales pouvant entamer des travaux de «resurfacing». Les contrats sont alors alloués en fonction du volume, en m3, de matériaux qui seront utilisés.

 

C’est le même principe qui s’applique pour les drains: la longueur et la profondeur sont déterminantes. Ainsi, depuis l’année dernière, selon les dires de la NDU, des travaux avaient déjà été désignés pour les circonscriptions nos 1, 2,  3, 4, 19 et 20. Soit les quatre premières qui sont importantes pour le pouvoir et les deux dernières qui ont toujours été des bastions mauves.

 

La société Safety Construction Co. Ltd a donc décroché plusieurs contrats pour mener à bien ces opérations nocturnes. Le 16 janvier 2014, le contrat lui a été octroyé pour l’asphaltage de la route reliant la rue Inkerman à Vallée-Pitot. Le même jour, elle a aussi signé le contrat pour le réasphaltage d’une route latérale donnant sur la rue Lenepveu.

 

NUL N’EST DUPE

 

Cette entreprise a obtenu, trois mois plus tard, le contrat pour réasphalter une partie du Boulevard Hugon, avec obligation d’y installer des drains. De juin à juillet, une série de contrats lui ont été alloués pour la pose des trottoirs à la rue Ail Doré, pour réparer la rue Lowry Cole ainsi que plusieurs axes au Ward 4.

 

«Comme vous pouvez le constater, la majorité des contrats ont été alloués en juillet. On ne peut pas nous accuser d’avoir un agenda», explique une source à la NDU. Mais ce n’est nullement ce que croit l’homme de la rue. Ni l’opposition qui se demande où sont passés les grands principes du MMM, un parti qui a toujours été prompt à dénoncer ce genre de pratique.

 

Chez les mauves, «il n’y a plus de scandale dans le pays» et il faut absolument damer le pion à l’alliance Lepep qui semble avoir pris un peu de vent dans les voiles. «À Port-Louis, c’est la NDU qui a accordé les contrats. Ailleurs, à Flacq, par exemple, la RDA s’est associée aux collectivités locales. On ne peut pas accuser le gouvernement pour des choses qu’elle n’a pas commises», s’indigne un dirigeant du parti du coeur.

 

Bien que le ballet des inaugurations ait cessé, nul n’est dupe: un ministre peut toujours organiser une conférence de presse pour présenter un projet. Ou participer à une causerie pour défendre son bilan et en profiter pour faire des annonces populaires.

 

Navin Ramgoolam ne s’est-il pas rendu à la Doha Academy pour annoncer une enveloppe d’aide du gouvernement à cette institution qui bénéficie déjà  de la générosité du richissime État du Qatar? Demain, il faut suivre de près le ministre de la Santé Lormus Bundhoo, qui prendra la parole lors d’une causerie sur l’hémophilie à Bagatelle.