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Le gouvernement burkinabé cède mais la situation dégénère
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Le gouvernement burkinabé cède mais la situation dégénère
OUAGADOUGOU (Reuters) - Sous la pression de milliers de manifestants hostiles à Blaise Compaoré, le gouvernement burkinabé a retiré jeudi 30 octobre son projet de révision constitutionnelle qui aurait permis au président, au pouvoir depuis 1987, de briguer un nouveau mandat.
Mais tandis que des coups de feu ont été entendus à proximité du palais présidentiel, on ignore si ce geste suffira à apaiser la colère des protestataires. D'autant que les forces de sécurité ont tiré à balles réelles tuant trois manifestants qui tentaient d'attaquer le domicile du frère du président, rapportent les services d'urgence.
Un peu plus tôt dans la matinée, le mouvement de désobéissance civile lancée mardi contre le maintien au pouvoir de Blaise Compaoré a basculé dans la violence quand des milliers de manifestants ont pris d'assaut l'Assemblée nationale et mis à sac le siège de la télévision nationale, la contraignant à suspendre ses émissions.
"Il semble que nous sommes passés dans une situation où Compaoré devra quitter le pouvoir avant la fin de son mandat, l'année prochaine", a commenté le chercheur Gilles Yabi, ancien directeur pour l'Afrique de l'Ouest de l'International Crisis Group (ICG) aujourd'hui analyste indépendant. "Cela va dépendre de la réaction des forces de sécurité, mais je vois mal comment Blaise pourra aller au terme de son mandat si la violence dégénère aujourd'hui", a-t-il ajouté.
Le chef de l'opposition Zéphirin Diabré a indiqué sur son compte Twitter qu'il était opposé à un coup d'Etat. Il avait auparavant appelé l'armée à faire cause commune avec la population dans un discours diffusé depuis son quartier général.
ÉVENTUELLE TRANSITION
Selon la radio locale et une source diplomatique, les dirigeants de l'opposition ont eu des entretiens avec l'influent général Kouamé Lougue concernant une éventuelle transition. La même source diplomatique a précisé que des membres du gouvernement de Compaoré ont été arrêtés à l'aéroport au moment où ils tentaient de fuir le pays.
Les députés devaient se pencher sur une révision de la constitution ouvrant la porte à un nouveau mandat pour Compaoré. La plupart d'entre eux n'avaient pas encore gagné l'Assemblée lorsque les manifestants sont arrivés.
Des nuages de fumée noire se sont élevés au-dessus du bâtiment du parlement où des manifestants ont allumé un incendie après avoir détruit des ordinateurs et des écrans de télévision. La police, qui avait établi un cordon de sécurité autour du bâtiment et a tiré en l'air pour tenter de les disperser, a finalement plié sous la pression et a dû se retirer.
Le siège de la télévision publique a également été mis à sac, et la chaîne a cessé d'émettre. Comme devant le Parlement, les forces de l'ordre ont tenté en vain de repousser la foule avant de se replier. Des manifestants se sont dirigés vers les bureaux du Premier ministre. Un hélicoptère des forces gouvernementales a survolé les manifestants, les aspergeant de gaz lacrymogènes.
Puis des incidents ont éclaté près de la présidence, dans le secteur de Ouaga 2000. Les forces de sécurité chargées de protéger le secteur ont tiré des coups de feu et des gaz lacrymogènes à l'approche de manifestants, ont rapporté des sources diplomatiques et proches des services de sécurité.
"DÉSORMAIS, TOUT EST POSSIBLE", DIT UN DIPLOMATE
La volonté de Compaoré de se maintenir au pouvoir, après deux septennats puis deux quinquennats, divise profondément le Burkina, l'un des pays les plus pauvres de la planète mais qui joue aussi un rôle de médiateur régional.
La France, dont des membres des forces spéciales sont stationnés sur le sol du Burkina, et les Etats-Unis ont également exprimé leurs critiques, Paris appelant notamment le président burkinabé à se conformer à la charte de l'Union africaine sur la démocratie et la bonne gouvernance qui, rappelait mardi le Quai d'Orsay, "spécifie bien que les révisions constitutionnelles dont l'objectif est d'empêcher l'alternance sont proscrites".
"Nous déplorons les violences qui se sont produites dans et autour de l'Assemblée nationale", a indiqué le ministère des Affaires étrangères. "Nous appelons à un retour au calme et nous demandons à toutes les parties de faire preuve de retenue."
Depuis le début de la semaine, Ouagadougou, la capitale, est le théâtre de manifestations contre la réforme de la constitution. En l'état, la loi fondamentale rédigée en 2000 limite à deux quinquennats le nombre de mandats présidentiels. "Nous avons agi ainsi parce que Blaise a tenté de se maintenir au pouvoir trop longtemps. Nous sommes fatigués de lui", expliquait jeudi matin Seydou Kabré, un des manifestants. "Nous voulons le changement, il doit partir !"
Un autre manifestant, George Sawadogo, prévient: "Si c'est nécessaire, nous marcherons sur la présidence. Nous voulons que Blaise Compaoré dégage, nous voulons le changement."
Résumant la situation, un diplomate occidental en poste à Ouagadougou estimait à la mi-journée: "Désormais, tout est possible."
(avec David Lewis et Bate Felix à Dakar; Henri-Pierre André pour le service français)
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