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Dr Ajmal Panchoo, chirurgien-dentiste: au service des polyhandicapés
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Dr Ajmal Panchoo, chirurgien-dentiste: au service des polyhandicapés
La prise en charge bucco-dentaire des adultes polyhandicapés en France laisse à désirer. Un Mauricien, le dentiste Ajmal Panchoo, s’est intéressé à eux et est depuis deux ans à la tête d’un service unique au centre hospitalier régional universitaire de Lille. Portrait d’un professionnel au grand coeur.
Depuis peu, les médias français braquent leurs projecteurs sur notre compatriote Ajmal Panchoo. Le 28 octobre, son service et lui ont fait l’objet d’un article dans LaVoix du Nord, quotidien régional du Nord de la France. Six jours plus tard, c’était au tour du quotidien national Libération de lui consacrer un article, repris aux heures de grande écoute par plusieurs radios françaises. Un autre journal national a sollicité un entretien avec lui et Martine Aubry, maire de Lille, veut le rencontrer. Depuis deux mois, un réalisateur filme sa pratique à des fins de documentaire.
Bien qu’il ait toutes les raisons d’en tirer quelque fierté, l’important pour lui est «que l’on ait évoqué le thème de la prise en charge bucco-dentaire des adultes polyhandicapés. Ce qui ne peut qu’aider à la pérennisation de ce projet d’unité spéciale et faire de Lille un centre de référence dans ce domaine ».
Ajmal Panchoo, 32 ans, vit à cent à l’heure. Depuis deux ans, il est responsable de l’unité de prise en charge buccodentaire d’adultes polyhandicapés de la faculté dentaire de Lille. Il y traite les adultes souffrant de paralysie cérébrale et d’autres handicaps intellectuels et forme une dizaine d’étudiants en sixième année d’études. Ensuite, il effectue des visites à ce type de patients dans les maisons d’accueil spécialisées avant de rejoindre son cabinet de dentiste dans le petit village d’Aire-sur-la-Lys, dans le Pas-de-Calais.
Infatigable, il trouve le temps de diriger des thèses. Il ne se repose que le dimanche. Là, il retrouve ses racines mauriciennes par le biais d’un repas typiquement local qu’il partage avec des amis.
En France, il y a une grosse lacune dans la prise en charge bucco-dentaire des adultes polyhandicapés. En effet, effrayés par le caractère imprévisible de ce type de patients, les dentistes en France ont longtemps eu recours à des anesthésies générales et à des extractions au lieu d’essayer des traitements conservateurs de longue haleine.
C’est par coïncidence qu’Ajmal Panchoo s’intéresse à eux. D’origine modeste – son père est propriétaire et chauffeur de bus à Brisée-Verdière et sa mère est femme au foyer –, il se destinait à la médecine à l’issue de ses études secondaires au collège Royal de Port-Louis. Après avoir travaillé comme enseignant de mathématiques au collège Mayflower pour faire quelques économies, il s’est envolé pour Lille où il avait été admis à l’université.
Il est exposé à une soixantaine d’adultes polyhandicapés dès son arrivée à Lille. Comme les études de chirurgiendentiste coûtent cher en matériel, il travaille comme aidesoignant dans une maison d’accueil spécialisée. «Au début, c’était un emploi qui me permettait de gagner de l’argent. Au fil du temps, je me suis attaché à ces personnes qui s’exprimaient peu ou pas du tout mais qui me donnaient le courage et la force d’étudier par leur sourire.»
Il y passe une dizaine d’années tout en étudiant. À leur contact, il se rend alors compte que le chirurgien-dentiste est absent de l’équipe pluridisciplinaire qui prend en charge ce type de patients et que les dentistes ont trop souvent recours à l’anesthésie générale pour traiter leurs problèmes bucco-dentaires. «Il arrivait que plusieurs de ces patients soient traités par des dizaines d’anesthésies générales, ce qui n’est pas très bon pour eux. Je me suis dit que si on faisait l’effort de les prendre en charge, on pouvait leur procurer un soin de qualité, tout en étant le plus conservateur possible», explique-t-il.
Encouragé par son professeur et mentor Marc d’Hallendre, il axe sa thèse sur la prise en charge buccodentaire des personnes polyhandicapées. Il pense à un matériel d’aspiration pour les adultes qui ne peuvent pas cracher, à des astuces pour que ces personnes gardent la bouche ouverte durant le traitement, à travailler debout alors que les dentistes travaillent assis, à adopter les bonnes postures pour les polyhandicapés en fauteuil roulant et à adapter les brosses à dents à ce type de patients. «Brosser les dents d’un adulte polyhandicapé n’est pas un geste qui s’improvise. Il y a beaucoup de choses qui l’aident à se détendre comme lui mettre de la musique ou lui prodiguer des massages», dit-il.
Ayant passé l’examen final avec la mention très honorable et les félicitations du jury pour sa thèse, le chirurgien-dentiste mauricien est recruté comme chargé d’enseignement à la faculté de chirurgie dentaire de Lille où il anime régulièrement des conférences.
Consciente de son approche innovante auprès des polyhandicapés, sa chef de service, le professeur Elizabeth Delcourt-Debruyne lui propose de créer et d’être responsable de l’unité Accueil Handicap Adulte, qui devient vite une référence. Les patients viennent de toute la région. Et jusqu’à présent, lui et son équipe ont consulté plus de 600 adultes polyhandicapés. «Nous avons plus de 15 consultations par jour et des listes d’attente de trois à quatre mois.»
Ce que souhaite Ajmal Panchoo, c’est que la bientraitance et l’humanisme redeviennent les moteurs de l’action thérapeutique. Voilà un compatriote dont on peut être fier et qui n’a pas fini de faire parler de lui…
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