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Enquête: le mystère de Roches-Noires

4 janvier 2015, 19:21

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Enquête: le mystère de Roches-Noires

C’est un  éternel recommencement. Après la promesse de Navin Ramgoolam, en 2005, de procéder à la réouverture de l’enquête sur le décès des amants de Bassin-Blanc, c’est désormais au tour de sir Anerood Jugnauth d’inviter les Casernes centrales à se pencher de nouveau sur les circonstances de la mort d’Anand Kumar Ramdhony, survenue au poste de police de Rivière-du-Rempart.

 

Dans ces deux cas, le suicide a été établi de manière formelle par la police criminelle. Sauf que dans le cas de Bassin-Blanc, l’enquête judiciaire a plutôt penché pour la thèse d’un foul play en s’appuyant sur le rapport du Dr Satish Boolell, ancien chef du service médico-légal de la police. Les amants que tout séparait avaient été retrouvés morts dans le cratère éteint transformé en lac. Anand Kumar Ramdhony, lui, avait été découvert pendu, en position assise, dans sa cellule après avoir été arrêté pour avoir fait l’acquisition d’une montre volée.

 

CE QUI S’EST «RÉELLEMENT» PASSÉ

 

La politique étant ce qu’elle est, surtout au plus fort d’une campagne électorale, le leader du Parti travailliste (PTr) a utilisé à fond la rumeur sous-entendant que le clan Jugnauth savait ce qui s’était «réellement» passé à Bassin-Blanc. Il s’attaquait alors à l’alliance Mouvement socialiste militant-Mouvement militant mauricien (MSM-MMM). Ce qui explique pourquoi ce dossier figurait au nombre des promesses électorales de l’Alliance sociale dans les mois précédant le scrutin de juillet 2005.

 

Neuf ans se sont écoulés et Navin Ramgoolam, bien que responsable du portefeuille de l’Intérieur, n’a cependant jamais pu établir que Ramesh Sandooram avait été tué parce qu’on l’avait pris pour quelqu’un d’autre, et que la collégienne Anshi Ittoo avait été une victime collatérale. Des experts français en cold case avaient même été invités à se pencher sur ce dossier particulier. En pure perte car les rumeurs ont la vie dure et les témoins manquent singulièrement à l’appel.

 

Dans le cas des amants de Bassin-Blanc, beaucoup de Mauriciens pensent que ce drame, survenu en novembre 2002, est lié à l’agression à l’acide du Dr Kishan Malhotra. Gendre de sir Anerood Jugnauth, il avait été attaqué dans la journée du 12 mars 1998 à son bureau, à la clinique MedPoint, à Phœnix.

 

Ramesh Sandooram, entrepreneur de Quartier-Militaire, est le cousin du suspect principal, Kishan Hazareesingh. C’est dans le véhicule de ce dernier, une Toyota Land Cruiser deux portes dont il n’existait que deux exemplaires à Maurice, à l’époque, qu’il s’est baladé pour la dernière fois avec la collégienne mineure issue de Palma, Quatre-Bornes.

 

Neuf ans après, quand Anand Kumar Ramdhony a été retrouvé mort dans la nuit du 29 au 30 juillet 2011, le MSM a vite fait la liaison avec le cambriolage survenu au campement de Navin Ramgoolam à Roches-Noires. Au sein du parti soleil, l’on croit savoir que l’ex-Premier ministre «était» sur place lorsqu’un cambrioleur s’est pointé dans la nuit du 2 au 3 juillet 2011 et que celui-ci ne peut être qu’Anand Kumar Ramdhony.

 

Pourquoi de telles approximations ? Le bruit court au Sun Trust que Navin Ramgoolam a été délesté de sa montre Rolex ce soir-là. Coïncidence: Anand Kumar Ramdhony a été arrêté pour possession d’une montre volée. Mais elle est loin d’être un objet aussi bling-bling: c’est une montre de moindre valeur emportée au préjudice d’une habitante de Plaine-des-Papayes, Marie-France Bigaignon.

 

Si le parti soleil s’acharne sur l’ex-Premier ministre, c’est aussi parce qu’il fait l’amalgame avec l’une des anciennes secrétaires de l’ex-Premier ministre portant le même nom. Or, celle-ci est décédée des suites d’une longue maladie il y a quelques années. Marie-France Bigaignon n’avait aucun lien avec Navin Ramgoolam et a plutôt porté plainte contre son mari, Jacques Bigaignon, l’accusant de l’avoir dépossédée d’une montre valant quelque Rs 7 000 et d’une certaine somme d’argent.

 

PASSÉ À TABLE

 

Appréhendé, Jacques Bigaignon est vite passé à table et a expliqué avoir vendu ladite montre pour la modique somme de Rs 200 à son ami Anand Kumar Ramdhony. La montre n’a jamais été retrouvée et celui-ci a emporté son secret dans la tombe. Jacques Bigaignon également, ayant trépassé le mois dernier.

 

Il y a cependant des incohérences dans les éléments qu’avance le MSM. L’homme qui a cambriolé le campement de Roches-Noires est d’origine africaine. Si le parti soleil persiste à dire que Navin Ramgoolam était sur place le soir du 3 juillet 2011, c’est parce que nombre de photos de suspects potentiels, d’origine africaine, ont été produits par la brigade antidrogue au bâtiment duTrésor.

 

Dans une interview à Radio Plus, à deux jours des législatives, sir Anerood Jugnauth, lui-même ancien magistrat, a fait ressortir qu’il ne comprenait pas comment un homme pouvait se pendre en position assise. Il a annoncé qu’il allait inviter le médecin légiste qui a procédé à l’autopsie d’Anand Kumar Ramdhony, en l’occurrence le chef du service médicolégal de la police, le Dr Sudesh Kumar Gungadin, à venir dans la cellule n° 2 du poste de police de Rivière-du-Rempart pour lui montrer comment celui-ci s’y est pris.

 

Concrètement, bien qu’il soit Premier ministre et ministre de l’Intérieur, sir Anerood Jugnauth n’a pas ce pouvoir. Le Dr Gungadin est connu pour être un médecin légiste intègre et, de par le monde, de nombreuses personnes se sont pendues en position assise. Le dernier cas connu étant celui de l’acteur américain RobinWilliams.

 

De plus, Anand Kumar Ramdhony s’est retrouvé dans une cellule du poste de police de Rivière-du-Rempart car il n’y avait plus de place libre à Grand-Baie, à Plaine-des-Papayes et à Terre-Rouge. Le bruit court au sein du gouvernement, surtout du côté du MSM, qu’Anand Kumar Ramdhony était déjà mort quand il a atterri dans la cellule n°2 à Rivière-du-Rempart. Mais qui pourra le prouver ?

 

DE LA POUDRE AUX YEUX

 

Aux Casernes centrales, l’on est en mode «wait and see» quant à la réouverture de l’enquête sur la mort d’Anand Kumar Ramdhony et du cambriolage au campement de Navin Ramgoolam. Le Central Criminal Investigation Department (CCID) se concentre actuellement sur la bande sonore diffamant Kobita Jugnauth et ce n’est pas demain que ce dossier sera rouvert. Concrètement, rien ne lie la mort d’Anand Kumar Ramdhony au cambriolage de Roches-Noires.

 

Les annonces faites dans la presse quant à l’imminence de l’interrogatoire de deux hauts gradés ne sont que de la poudre aux yeux... Les Deputy Commissioners of Police (DCP) Rampersad Sooroojebally et Dev Jokhoo sont respectivement responsables de la Cellule anti-terroriste au bureau du Premier ministre et directeur du National Security Service. De par leurs fonctions, ils devaient automatiquement se rendre à Roches-Noires lorsque l’ami intime de Navin Ramgoolam, Doomeshwarsing Gooljaury, dit Rakesh, a alerté la police de Rivière-du-Rempart du cambriolage.

 

SOUS LA MENACE D’UN COUTEAU

 

Officiellement, le patron de la société Fashion Style, classée 99e au Top 100 des entreprises mauriciennes, gardait les clés du campement. Il passait la nuit dans une des chambres, «seul», quand un voleur uniquement vêtu d’un short est apparu. Sous la menace d’un couteau, cet individu lui a dérobé une somme de Rs 20 000 avant de prendre la fuite par une fenêtre. Les DCP Sooroojebally et Jokhoo devaient donc être sur place pour relever toute faille à la sécurité, les lieux appartenant au chef du gouvernement.

 

Selon les dires de Rakesh Gooljaury, qui est homme attaché à sa famille et qui résidait jusqu’à récemment au domicile parental, à Petit-Verger, Saint-Pierre, il dormait lorsqu’un voleur l’a réveillé vers 1h30. Dans une note enregistrée au poste de police de Rivière-du-Rempart à 12h35 par le constable Madhoo, il dit être en mesure d’identifier le malfrat, mais 41 mois se sont écoulés sans que les forces de l’ordre n’aient pu retracer ce dernier.

 

Rakesh Gooljaury est donc un élément clé de cette enquête. Mais celle-ci risque fort d’être un flop, comme l’a été l’affaire Bassin-Blanc.