Le Collectif Arc-en-ciel lancera lundi une campagne choc contre l’homophobie. Et si les gays, lesbiennes et bi osent davantage aujourd’hui se montrer au grand jour, les transgenres, eux, sont plus en retrait. Qui sont-ils ? Comment vivent-ils leur différence ? Incursion dans leur intimité.

L’homophobie. Bête noire du Collectif Arc-en-ciel, qui s’est mis en tête de la prendre en chasse. Son arme : une campagne de sensibilisation autour des LGBT, la première du genre à Maurice, et qui démarre ce lundi. En attendant, si les gays, les lesbiennes et les bisexuels sont de plus en plus nombreux à se montrer à visage découvert, à vivre leur sexualité au grand jour, on ne peut pas en dire autant des transgenres. L’occasion d’aller à la rencontre de ces êtres mi-hommes, mi-femmes, mais entiers.

Grand-Baie. Bianca nous accueille dans son nid douillet. Intérieur cosy, coquet. Tout comme elle d’ailleurs. En témoignent, le short ultra moulant et le haut très près du corps, sculptural. De quoi refiler quelques complexes aux «vraies» femmes. La chevelure savamment décoiffée n’a rien à envier à Shakira. «Bienvenue», chante-t-elle. Tina Turner n’a qu’à bien se tenir.

Entrons dans le vif du sujet. C’est quoi un transgenre ? Qu’est-ce qui différencie ce dernier d’un travesti ? «Eh twa la. Un transgenre c’est quelqu’un qui naît avec le corps d’un homme mais qui se sent femme dans sa tête ou vice versa. On adopte le mode de vie de l’autre genre sans pour autant changer de sexe. Alors qu’un travesti, c’est un homosexuel qui se déguise, pour faire court.» Pour rester femme, l’homme, aujourd’hui âgé de 29 ans, a recours aux hormones. «Tu vois mes seins ? Ce n’est pas du silicone,  ça, ma chère», précise Bianca. Et les poils alors ? Comment stoppe-t-on la prolifération au niveau du visage, par exemple ? Comment éviter d’avoir la face verdâtre le matin ? «Grâce aux séances de laser.»Tout cela doit quand même coûter un rein, non ? «Les pilules me reviennent à Rs 150 par mois et une séance d’épilation à Rs 4 000. Il y a des sacrifices à faire si l’on veut être au top», concède celle qui exerce le métier de coiffeuse à domicile.

Sa différence, elle l’a découverte quand elle était encore au collège. «Je fréquentais un établissement sis à Bel-Air. Je devais porter un pantalon comme tous les autres garçons mais je transportais la jupe d’une cousine dans mon sac. Je l’enfilais après les heures de classe. Une fois, mon prof m’a aperçue et il a appelé ma maman. J’en ai pris pour mon grade.» La famille, justement, comment vit-elle cette transformation ? «Au début, c’était difficile pour ma maman. Mais, aujourd’hui, tout le monde m’accepte comme je suis et c’est super.»

Quid du regard des autres ? «Je m’en fous ! Et là encore, je suis polie ! On ne vit qu’une fois et je ne vais pas passer la mienne à me soucier du qu’en-dira-t-on.» Question indiscrète : utilise-t-elle les toilettes des hommes ou celles des femmes ? «Celles des femmes, voyons !» Cela veut-il dire que la «transformation» est complète ? «Non, j’ai toujours mon pénis. Je suis bien comme ça. Je revendique le statut de troisième sexe, j’aime bien être au milieu, je  ne veux pas devenir complètement femme.» Comment fait-on pour justement le «cacher», ce sexe masculin ? «Difficile à expliquer. Disons qu’il s’agit d’une gymnastique quotidienne.» Opération réussie en tout cas, puisqu’il est invisible à l’oeil nu, si l’on en croit l’absence de renflement au niveau du short.

Nous ne sommes pas les seuls à n’y voir que du feu. «Souvent en boîte, il y en a qui se sont fait prendre ! Si certains sont repartis déçus, nombreux sont ceux qui ont avoué qu’ils allaient pouvoir réaliser leurs fantasmes grâce à moi.»

Et l’amour dans tout ça ? Contrairement à ce que disent les gens, les transgenres ne sont pas des êtres frivoles qui passent leur vie à butiner de fleur en fleur, souligne Bianca. «Ma dernière histoire a duré quatre ans. D’autres, un an ou six mois. Je précise que nous avons des relations avec des bisexuels et des hétéros uniquement. Avec les gays, sexuellement parlant, ça ne colle pas. Nous sommes amis, cependant.»

Jessica, elle, compte bientôt épouser son prince charmant, si tout se passe bien. À 30 ans, la jeune femme, «alerte» comme pas deux, n’a de cesse de se repoudrer le nez, de se caresser les cheveux. Un peu cliché tout ça, non ? «Non ! Je revendique mon extrême féminité et j’aime bien en jouer. Des fois, quand je marche dans la rue, à Port-Louis, j’entends des remarques désobligeantes, je vois des sourires moqueurs . Mais les gens peuvent bien penser ce qu’ils veulent, je n’en ai rien à faire.»

Pour entretenir le côté «girly», hormis les hormones, Jessica, qui est danseuse, fait appel à la poudre compacte et au gloss,entre autres. Ses proches, eux, n’ont eu aucun mal à accepter son mode de vie et son choix. «Mon chéri vient me voir tous les trois mois, il habite en France et on compte bientôt se mettre ensemble», insiste-t-elle, des étoiles plein les yeux.

Quand a-t-elle découvert qu’elle n’était pas comme les autres garçons ? «Pfff, ça fait tellement longtemps que je ne m’en souviens plus. D’ailleurs ce n’est pas intéressant tout ça, tu ne veux pas plutôt me prendre en photo ?» Cet entretien a été interrompu pour cause de shooting photo.

ARC-EN-CIEL : LE DROIT D’AIMER ET D’EXISTER

Le Collectif Arc-en-ciel est une ONG qui milite contre les discriminations dont est victime la communauté LGBT. L’association célébrera ses dix ans au mois de mai et plusieurs activités seront organisées cette année pour marquer le coup et les esprits. Elle présentera également, lundi, son nouveau logo et son nouveau site web que vous pouvez visiter en allant à l’adresse suivante : www.collectifarcenciel.org

LES HERMAPHRODITES

Si le transsexualisme est un choix chez certains, d’autres encore naissent avec des attributs à la fois masculins et féminins. On parle alors d’hermaphrodisme. (Pour plus d’infos : http://fr.wikipedia.org/wiki/Hermaphrodisme).