Publicité
Reeaz Chuttoo, syndicaliste: «Aucune consultation sur le salaire minimum»
Par
Partager cet article
Reeaz Chuttoo, syndicaliste: «Aucune consultation sur le salaire minimum»
Les syndicalistes sont sortis de la réunion avec le ministre des Finances Vishnu Lutchmeenaraidoo tout sourire. Vous êtes sous le charme ?
Nous avons renoué avec une veille tradition, c’est-à-dire que le ministre des Finances appelle les acteurs de la société, dont les syndicats, pour une discussion. Le deuxième élément : c’était une réunion où il n’y avait pratiquement pas d’arrogance.
J’ai participé à beaucoup de consultations prébudgétaires ; il faut dire que depuis l’arrivée de Paul Bérenger au ministère des Finances jusqu’à l’année dernière, lors de nombre de ces rencontres, on avait l’impression que les ministres des Finances en avaient assez de nous écouter.
Rama Sithanen a par exemple déclaré un jour à un de mes collègues : «Ou ki ekonomis ? Ou se mwa ki ekonomis?» Cette fois-ci, c’était différent. Mais nous n’allons pas dire pour autant que nous aurons ce que nous avons proposé.
Qu’est-ce qu’il vous a promis ?
La Confédération des travailleurs du secteur privé (CTSP) a à coeur la création d’une structure pour la distribution de la richesse. C’est tout à fait normal que chaque ministre des Finances, quel que soit son bord politique déclare que son objectif est d’augmenter la croissance. C’est un discours «copié collé». Personne ne vient dire de quelle structure il s’agira pour la distribution de la richesse. Rama Sithanen, par exemple, avait dit qu’il fallait créer la croissance et qu’on verrait après. Et dix années plus tard, on voit le résultat.
En revanche, ce gouvernement a dit qu’il était là pour le changement. Il a même dit, lors de la réunion, qu’il est d’accord avec le CTSP quand nous disons que l’écart entre riches et pauvres s’est agrandi. Mais nous sommes restés sur notre faim. Tout le monde est conscient que le Budget de mars n’est qu’un mini budget. Le vrai exercice est pour le mois de juin. On n’a rien entendu sur les structures qui seront mises en place. D’autant plus que sur la négociation collective, la loi du travail ne protège pas les travailleurs.
Avez-vous été consulté pour amender cette loi dite «hire and fire»?
Il n’y a pas eu de consultation. La CTSP a soumis un premier mémoire au ministre. Nous avons également déposé un rapport complet sur les amendements à apporter. Il y a pratiquement 100 jours et pas un signe.
Croyez-vous le ministre des Finances – qui est aussi un politicien – sur parole ?
Tout le monde me connaît. Ma réputation me précède. Je ne crois jamais aux belles paroles d’un politicien tant qu’il ne passe pas à l’acte. Mais avec Vishnu Lutchmeenaraidoo, le discours et le «body language» étaient différents. Il a fait plein de promesses, mais il a prononcé deux mots qu’au sein de la CTSP nous avons retenus. Il a dit : «Peut-être que votre minimum ne sera même pas mon maximum.» Cela laisse planer le doute.
Que lui avez-vous demandé pour les travailleurs ?
Le chômage continue d’affecter les jeunes de 16 à 24 ans. La raison principale étant que les «seniors» vont certes à la retraite mais sont obligés de revenir sur le marché du travail car leur pension ne leur permet pas de vivre décemment. Rama Sithanen était venu avec une politique ultra libérale à outrance. Il a encouragé les employeurs à garder très bas les salaires de base pour payer en fonction de la productivité. D’ailleurs, c’est lui qui avait mis en oeuvre le National Pay Council.
Il y a un réel problème au niveau du salaire de base, qui est très faible, ce qui influe sur la contribution au National Pension Fund, qui reste minime.
Le CTSP a proposé que tous les employeurs, indépendamment du salaire de base, mettent de côté un certain pourcentage pour contribuer aux fonds de pension afin que leurs employés ne deviennent pas des clochards. Il y a aussi 100 000 travailleurs dans le pays qui ont un salaire de base de moins de Rs 5 000. Parmi, il y a 85 % de femmes. Quand ce gouvernement, comme tous les précédents, dit qu’il oeuvre pour la cause féminine, c’est de l’hypocrisie. Je l’ai dit au ministre des Finances, le slogan du salaire minimum demeure une promesse électorale. Rien n’a été fait.
Le ministre du Travail a déclaré qu’il travaille sur ce dossier. Y a-t-il eu des consultations?
Non. Il n’y a rien eu. Je me permets de dire que sous l’ancien régime, Shakeel Mohamed est allé plus loin en faisant venir un expert en la matière. Toutes les parties concernées s’étaient réunies à l’hôtel Le Maritim et l’expert nous a dit : «Écoutez, moi je n’ai rien à vous proposer car je ne connais pas vos spécificités. Discutez entre vous pour trouver une solution.»
Pourtant la pension est passée à Rs 5 000…
Cela ne suffit pas ! Si un individu touche une pension de vieillesse à Rs 5 000 et une autre allocation du NPF à Rs 2 000, il ne peut vivre et subvenir aux besoins de sa famille. C’est bien d’avoir amené la pension payée par le contribuable à Rs 5 000, mais où se situe la responsabilité s’assurer que ses employés ne finissent pas clochards ?
On ne va pas non plus augmenter la pension davantage…
On ne demande pas d’augmenter une nouvelle fois la pension. La solution est la pension contributive comme je l’ai expliqué. Maintenant, pour les secteurs en difficulté comme les petites et moyennes entreprises, le gouvernement doit introduire un direct income support comme source de revenus.
D’où le gouvernement va-t-il sortir cette source de revenus supplémentaires ?
Nous avons proposé une sorte de TVA sociale. Par exemple, les produits de luxe et les services de luxe doivent être frappés d’une taxe plus forte. L’argent servira à aider les petites et moyennes entreprises, par exemple, à contribuer à certains taux acceptables aux fonds de pension pour leurs employés. Par exemple, selon mes informations, en trois mois, on a enregistré l’arrivée de 400 jets privés. Ce sont des hyper riches. Ils ont les moyens de payer cette taxe.
Il y a cette crainte que le ministre taxe davantage les consommateurs après l’augmentation de la pension…
Définitivement. Pendant dix ans, le gouvernement de Navin Ramgoolam et Rama Sithanen ont dit qu’ils ne touchaient pas à la «sales tax». Qu’est-ce qu’ils ont fait? Ils ont libéré tous les prix provoquant une hausse de prix. Quand les coûts augmentent, les recettes de la TVA augmentent également. Quand un sac de ciment se vend à Rs 100, le gouvernement empoche Rs 15. Quand il passe à Rs 200, l’État empoche Rs 30. Après chaque Budget, les intellectuels applaudissent pour dire «oui, no tax budget». La réalité, quand vous regardez les recettes de la TVA, c’est qu’elles sont en hausse constante.
La perception est que les syndicats sont plus complaisants à l’égard de ce nouveau gouvernement. Est-ce vrai ?
Oui. C’est cela le piège. Il y a un «feel-good factor» qui est à mon avis «too good». Au niveau de la CTSP, nous le dirons. Nous avons adressé une lettre au ministre de l’Éducation et il n’y a même pas eu un accusé de réception. Même chose du côté du ministère du Travail. Les syndicats du transport ont adressé une lettre au ministre Nando Bodha pour demander une réunion. Elle est restée lettre morte. Chassez le naturel, il revient au galop. La façon de faire demeure la même…
Pratiquement 100 jours au pouvoir. Quel bilan faites-vous du gouvernement ?
Il y a un bilan du côté de la corruption. Il y a eu aussi une décision de ne pas prendre la parole lors des activités religieuses. De ce côté, c’est assez intéressant. Mais nous sommes déçus en ce qui concerne les nominations. Ils ont accusé un ancien ministre d’avoir accordé des facilités à son amie, mais quand on regarde ce qui se passe sous le nouveau régime, il y a un nouveau ministre qui a fait la même chose. C’est le talk of the town…
Publicité
Les plus récents