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Tourisme sexuel : sur les traces des croqueurs d’enfants
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Tourisme sexuel : sur les traces des croqueurs d’enfants
La moiteur de l’air, la chaleur, le business. Autant de bonnes raisons qui ont poussé Ramona à sortir sa jupe de 5 cm de son placard. La seule chose qu’elle tient vraiment à cacher, c’est sa véritable identité. En ce mercredi soir, à Grand-Baie, la fille de joie s’est travestie en femme d’affaires. À 23 heures, les clients ne sont pas nombreux. «Pas encore», précise-t-elle de sa voix mi-Adam, mi-Eve.
Derrière deux couches de fond de teint, trois teintes de rouge à lèvres et un regard un peu perdu face aux questions. «Le tourisme sexuel touche-t-il les mineurs ? » Oui, répond-elle tout de go. Le terrain de chasse des pêcheurs étrangers, qui aiment bien attirer les jeunes poissons dans leurs filets, c’est la plage, juste là, à côté des pirogues.«J’ai 31 ans et je me prostitue depuis que j’ai 15 ans», confie Ramona, en tirant sur sa cigarette mentholée. En 16 ans de carrière, elle a croisé la route de dizaines de touristes adeptes, dit-elle, de chair fraîche.
L’âge des requins ? «Entre 40 et 70 ans, on ne demande pas vraiment. Mais il y a aussi des jeunes de moins de 30 ans qui viennent ici pour passer du bon temps. Une fois, j’ai eu un copain français qui avait 28 ans, moi j’en avais 16.» Pour ce qui est de nationalité, elle en voit de toutes les couleurs. «Français, Réunionnais, Malgaches. » Et d’ajouter: «N’allez pas croire que seuls les hommes sont concernés. Il y a aussi des femmes plus âgées qui aiment bien les jeunes garçons.»
Ces jeunes, justement, sont-ils consentants ? Les parents, proches ou autres proxénètes leur forcent-ils la main ? «Non, bann tifi lamem vinn tras lavi. Ena kap lekol parfwa pou vinn la, ena nepli al lekol. Ena kontan lavi luxe, loto, larzan.» Ce soir-là, cependant, pas de «rabatteuse» en vue. C’est durant le week-end que «cinéma la deroulé», fait ressortir Ramona. Avant de se retourner brusquement. À quelques mètres, un Monsieur d’un âge respectable, dont on distingue les cheveux grisonnants dans la noirceur de la nuit, en quête de compagnie. «Mo bizin alé.»
Plus loin, dans le centre- ville, les néons placés à l’entrée des bars, restaurants et autres discothèques ne laissent aucune chance aux rayons de lune. Concurrence déloyale. L’on compte plus de prostituées au kilomètre carré que d’arbres. Si l’ambiance n’est pas la même que celle du samedi soir, plusieurs touristes et quelques Mauriciens ont quand même contracté la fièvre du mercredi soir. On mange, on boit, on rit, on s’amuse, on est en vacances.
Posté devant une maison de jeux, un chauffeur de taxi est à l’affût de clients potentiels. «Oui, ena boukou zanfan ki rod lavi dan Grand-Baie. Mé zot kasyet, parski lapolis fer round souvan.» Selon le quinquagénaire, «monn deza saryé bann vye dimounn ki ek zeness. Mé pli souvan, se bann taxi ki an deor, ki pa basé isi ki fer sa bann course la».
Comment et où les trouver ? Selon le chauffeur de taxi, qui compte 20 ans de métier, il s’agit d’un «trafic» bien rodé, d’une chaîne comportant plusieurs maillons. «Il y a bien quelques filles qui viennent traîner sur la plage et qui cherchent des clients. Mais je pense qu’il y a aussi la complicité de certains adultes qui travaillent dans les parages…»
Sur ses conseils, direction une boîte de nuit, réputée pour sa clientèle internationale. À l’entrée, pas le temps de faire la grimace. Le gorille ainsi qu’un morceau de carton indiquent que l’entrée est payante et qu’il faut présenter sa carte d’identité.
La dernière mesure citée suffit-elle vraiment à dissuader les mineurs et leurs «accompagnateurs» d’y pénétrer ? Certainement, répond la gérante, sur le qui-vive. «Le tourisme sexuel ? Zanfan avec touriste ? Isi pena sa.»
Un chauffeur de taxi contacté au téléphone affirmera pourtant le contraire. «Avant, on en voyait souvent. Mais la boîte vient de rouvrir ses portes, peut-être que des mesures ont été prises pour éviter des ennuis avec les autorités.» De conclure : «Ou byen zot pe ziss kouyonn lizyé.»
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