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Artisanat : l’art du gâchis !

8 avril 2015, 02:53

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Artisanat : l’art du gâchis !
Ce n’est pas la première fois que les autorités tentent de remettre l’artisanat local sur le rail du succès. Toutes les initiatives publiques – on peut se souvenir des pompeux «Tourist Villages» – ont été vouées à l’échec, à chaque fois pour les mêmes raisons : produits trop uniformes, créativité niveau zéro et commercialisation quasi inexistante.
 
L’artisanat mauricien, si l’on se fie à la définition de l’UNESCO (1) est quasi inexistant, au contraire des produits de «mass production» chinois, africains ou thaïlandais qui, depuis des années, inondent le marché mauricien. Il suffit d’aller faire un tour au marché de Port-Louis pour se rendre compte de l’étendue de la catastrophe et la quasi-impossibilité des artisans mauriciens de vivre de leur art.
 
Or, valoriser et protéger l’artisan peut se révéler une stratégie gagnante pour le pays en général et l’industrie touristique en particulier. Le touriste lambda, par définition, repart toujours du pays visité avec un souvenir qui lui rappellera les bons moments passés.
 
À quelques rares exceptions près (Jean-Claude Desvaux de Marigny pour son savoir-faire, Vaco Baissac dans la déclinaison de son art, les fabriques de maquettes de bateaux), Maurice est d’une pauvreté affligeante dans le domaine de l’artisanat. Soit en termes de qualité, de créativité et de produits finis qui répondent à des critères d’esthétisme contemporain.
 
Pour assurer le développement de toutes les expressions artisanales du pays, il ne suffira pas de faire de la place aux artisans dans les boutiques touristiques ou les boutiques d’hôtels. Il faudra également créer les conditions nécessaires pour déverrouiller l’esprit créatif. Et s’assurer une fois pour toutes que les créations originales ne sont pas pillées, copiées et revendues à des prix défiant toute concurrence.
 
Les modèles de développement ne manquent pas. En Afrique du Sud, à quatre heures d’avion, le salon «Design Indaba» est devenu une référence absolue et lance, année après année, toute une génération d’artisans dont la créativité fait des envieux. On pourrait s’en inspirer, à notre échelle. Ou inviter les designers sud-africains à venir partager leur savoir-faire, leur méthode. Pour créer, enfin, un artisanat mauricien qui n’a plus rien à voir avec le mimétisme passif que l’on connaît.
 
Vaste chantier que celui de l’innovation authentique, pensée, réfléchie et moderne. Nous en sommes pourtant capables. Les dodos créés par «Arts Initiatives» - une trentaine de dodos en fibre de verre réinterprétés par les meilleurs artistes et designers mauriciens – en sont la preuve. Notre patrimoine commun peut être un formidable inspirateur de projets en tous genres. Laisser passer, encore une fois, l’occasion d’installer l’artisanat – qui, on a tendance à l’oublier, est aussi créateur d’emplois et de richesse économique et culturelle – dans son rôle sera un énorme gâchis.
 
L’industrie touristique ne peut être la solution à tous les maux engendrés par une société incapable de prendre de la hauteur pour comprendre tous les enjeux. Mais elle peut, en mobilisant ses ressources – certains groupes hôteliers sont déjà très actifs – grandement contribuer à sortir de l’ornière ce secteur artisanal qui végète. Dans le sillage «mauricianisation» du produit touristique mauricien, l’heure de l’artisanat local a peut-être sonné. Espérons-le.
 

(1) «On entend par produits artisanaux les produits fabriqués par des artisans, soit entièrement à la main, soit à l’aide d’outils à main ou même de moyens mécaniques, pourvu que la contribution manuelle directe de l’artisan demeure la composante la plus importante du produit fini… La nature spéciale des produits artisanaux se fonde sur leurs caractères distinctifs, lesquels peuvent être utilitaires, esthétiques, artistiques, créatifs, culturels, décoratifs, fonctionnels, traditionnels, symboliques et importants d’un point de vue religieux ou social».

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