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Frédéric Curé: «Être le gendre de Paul Bérenger me met une pression additionnelle»

2 mai 2015, 00:22

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Frédéric Curé: «Être le gendre de Paul Bérenger me met une pression additionnelle»

Unique nouvelle tête d’affiche au comité central et au bureau politique du Mouvement militant mauricien (MMM), Frédéric Curé parle de son engagement et de ses liens de parenté avec le leader.

 

Un Curé chez les mauves, n’est-ce pas un crime de lèse-majesté ?

Dans quel sens ?

 

Votre famille a toujours été travailliste, non ?

Oui (rires). Heureusement, chacun a sa liberté de pensée. Moi, je ne peux m’identifier au Parti travailliste avec tout ce qui s’est passé durant ces dernières années. Il ne colle pas avec mes valeurs. Et puis, mis à part Arvin Boolell et Nita Deerpalsing, les têtes pensantes travaillistes ont davantage été des transfuges.

 

Se faire élire à la 15e place au comité central, serait-ce en raison de vos liens avec Paul Bérenger?

Ce serait faire injure aux 263 branches qui ont voté pour moi. Beaucoup de militants ne sont pas au courant de la nature de mes relations avec le leader du MMM.

 

Vous faites quand même figure d’illustre inconnu au bataillon...

Tant mieux. Le message de l’électorat et des militants aux dernières élections, c’est qu’il faut du sang neuf au parti.

 

Vous êtes la seule nouvelle tête...

Il faut bien commencer quelque part. Malheureusement, les jeunes du MMM n’ont pas une visibilité médiatique. Fatalement, aux élections du comité central, ce sont les icônes qui sont élues...

 

Être gendre du leader, ça vous a forcément aidé...

Ce n’est ni un avantage, ni un désavantage. Les militants me considèrent comme le camarade Frédéric. Mon beau-père, quand il est chez moi, c’est Paulo. Au parti, c’est le camarade leader. Je fais bien cette distinction.

 

Dans une telle situation, n’êtes-vous pas condamné à ne commettre aucun faux pas?

C’est vrai. Cela me met une pression additionnelle. Je vis avec.

 

Pour le passionné de politique que vous êtes, pourquoi avoir pris autant de temps pour vous joindre au MMM?

La genèse est en 2010. J’ai trouvé courageux que le MMM se présente seul aux élections législatives face à une alliance bleu-blanc-rouge...

 

Seul, parce que Navin Ramgoolam n’a pas voulu du MMM...

(rires) Je n’étais pas dans les instances du parti à ce moment-là...

 

Les signes étaient là. Sir Anerood Jugnauth avait été reconduit à la présidence, son fils a eu le soutien travailliste à la partielle du n°8.

 

At the end of the day, le MMM a affronté les élections seul. Il y a eu un sentiment qu’enfin le parti avait le courage de présenter son leader, avec tous ses désavantages, comme Premier ministre.

 

Après cette défaite, j’avais trois options. Rester tranquille, me plaindre et ne rien faire ou m’engager. Cela fait donc cinq ans que je suis au n°15. Je ne suis entré au bureau politique qu’avec le départ des démissionnaires.

 

Comment analysez-vous ces démissions ?

Ce serait mentir que de dire que tout va très bien et que les secousses n’ont pas fait mal. Moi, je crois en l’avenir et qu’il faut proposer une alternance au gouvernement actuel. Certes, il y a des changements à apporter au parti. D’où la journée de réflexion de vendredi.

 

En tant que «diehard», quelle a été votre opinion sur l’alliance entre le MMM et le Parti travailliste?

Ce n’était pas le meilleur des choix mais allons être bien clair: c’était une opportunité idéale de porter le programme du MMM au pouvoir.

 

C’est un peu simpliste, non ?

Peut-être, mais n’oubliez pas que la direction du MMM a exigé un renouvellement des candidats travaillistes. Une bonne douzaine de ministres n’ont pas eu d’investiture pour les raisons que l’on sait.

 

Ramgoolam traînait lui aussi des casseroles...

Oui, mais en 2014 elles n’étaient pas aussi bruyantes...

 

C’est plutôt le MMM qui avait décidé de ne faire aucun bruit...

Ce n’est qu’aujourd’hui qu’on découvre des choses. Et puis, quand on est en alliance, il y a des paramètres à respecter vis-à-vis de son partenaire. Nous, notre intention était d’isoler Ramgoolam au Réduit et d’apporter les idées du MMM au gouvernement.

 

Ramgoolam disait pourtant que c’était lui qui allait être au contrôle...

Il a dit beaucoup de bêtises durant la campagne. Cette histoire de pêche au requin a été l’élément déterminant pour beaucoup de militants à voter pour l’autre camp. Malgré tout le damage control qu’on a pu tenter de faire, cette phrase a été assassine pour nous.

 

Ah bon ? Vous aviez une stratégie de communication?

On peut reprocher beaucoup de choses à notre campagne et notre communication. Il y a eu le sentiment des candidats, justifié ou pas, d’un bashing de l’alliance rouge-mauve dans les médias. D’où l’absence des candidats dans la presse et la radio, ce qui a laissé l’espace à nos adversaires.

 

C’est de la mauvaise foi. Que pensez-vous de la réforme proposée par Steve Obeegadoo?

Déjà, là où se trouve le MMM, toute idée réformatrice est bonne à prendre. On connaît tous la capacité de Steve Obeegadoo. Je suis heureux de voir qu’il contribue à faire bouger des choses à l’intérieur du parti. Il est en train de réussir et cela donne tort aux démissionnaires qui disent que rien n’allait changer.

 

N’est-ce pas plutôt la conjoncture qui a aidé Obeegadoo ? Il a eu des clashes avec Bérenger, non?

Il y a une perception que tout le monde s’aplatit devant le leader et que personne n’ose murmurer quoi que ce soit devant lui, de peur d’être renvoyé dans les cordes. C’est tout à fait sain qu’Obeegadoo se mette debout et fasse avancer ses points.

 

Quand il s’est mis debout à l’assemblée des délégués, Bérenger n’a-t-il pas expliqué qu’il aurait pu être sanctionné? N’a-t-il pas été ménagé?

Ménagé ? Certains disent le contraire. Non, il n’a pas été plus ménagé qu’un autre. Il a eu l’honnêteté de respecter les militants. Il a systématiquement défendu ses points à l’intérieur des structures du parti.

 

Les démissionnaires, eux, ont dépassé la ligne jaune complètement. Ils boudaient les réunions du comité central et du bureau politique. Ils n’étaient plus actifs dans leur régional. On ne peut pas mettre Obeegadoo dans le même panier qu’un Ramano, par exemple.

 

Bérenger ayant le monopole de la parole, comment Ramano pouvait-il accepter l’offre qui lui avait été faite?

Peut-être... Mais il avait une chance en or de casser cette image.

 

Comme au PTr ? Avec Arvin Boolell ? Pour entendre Navin Ramgoolam parler du dossier Chagos?

Je ne vais pas entrer dans la cuisine interne des travaillistes. Ce qui a été décevant dans le cas de Ramano, c’est qu’un poste d’une importance capitale lui a été offert. Sorry pour l’expression, il a «bourré». Ce qui l’intéressait, c’était le poste de Whip de l’opposition.

 

Ne valait-il pas mieux avoir un Ramano comme «Whip» de l’opposition plutôt que Bhagwan?

Il ne faut pas «bayanter» tous les anciens. Sinon on perd nos racines. Il faut un «good mix».Tout comme une parité homme-femme, région rurale-région urbaine, etc.

 

Qui voyez-vous comme remplaçant de Paul Bérenger d’ici cinq, dix ans?

Contrairement à ce que pensent les gens en dehors du MMM, le sujet n’est pas tabou. Le parti a une structure qui veut qu’au moment voulu, les militants sauront choisir le leader.

 

Qui sont en pole position ?

Je ne vais pas vous donner un classement. Quand Paul est tombé malade, il a vite fallu trouver un leader. Alan a mené à bien sa mission.

Alan Ganoo parti, que vous reste-t-il ? Pradeep Jeeha ?

Il existe des compétences au sein du MMM. Je vois où vous voulez en venir lorsque vous me glissez ce nom.

 

Peut-on vous voir comme leader du MMM, Emmanuel Bérenger n’étant pas très porté sur la politique?

C’est faux de dire qu’Emmanuel n’est pas intéressé par la chose politique. Emmanuel a toutes les caractéristiques pour faire, demain, un très bon politicien. Le leader, lui, est choisi par les militants.

 

Les jeunes semblent ignorer l’apport du MMM au pays. Comment faire pour les attirer?

Clairement, il faut que le MMM redevienne une usine à idées. On ne peut pas publier un manifeste à une semaine des élections. Mem si bann la kopié nu l’idée, anou tir li trwa kat mwa avan.

 

Vous aviez copié l’alliance Lepep pour la pension de vieillesse ...

Ouais... Faire campagne sur un chiffre de la pension, pfff. Si un parti n’affiche pas une différence, il meurt.

 

Comment le MMM est-il différent du MSM, du PMSD ou du PTr?

Qu’on le veuille ou non, le MMM garde intactes ses valeurs d’origine. La lutte contre la fraude et la corruption, le mauricianisme...