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Comment la MPCB a été saignée

10 mai 2015, 21:08

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Comment la MPCB a été saignée

Vingt-deux ans après le crash de la Mauritius Cooperative Central Bank (MCCB), la Mauritius Post and Cooperative Bank (MPCB) a failli connaître le même sort, cette semaine, des prêts toxiques ayant été alloués à des proches de l’ex-Premier ministre Navin Ramgoolam durant la période 2005-2014.

 

Placée sous la direction de Rajiv Beeharry-Panray, la banque est accusée d’avoir favorisé des personnes gravitant autour du cercle  faisant partie du pouvoir durant les deux derniers mandats de l’alliance PTr-PMSD, et dont le Mouvement socialiste militant (MSM) a été, durant un temps, le partenaire. Un audit mené par le cabinet Ernst & Young révèle que la MPCB a avancé des prêts toxiques évalués à Rs 1,7 milliard à 16 entités et individus, parfois sans aucune garantie en contrepartie

Face à la presse, le vendredi 8 mai, le grand argentier n’a pas voulu entrer dans les détails. Il a tout de même indiqué que la banque a décaissé quelque Rs 500 millions à la veille des dernières élections législatives. Il aura été moins virulent que sur son «post» sur Facebook au mois de janvier. Il avait alors dénoncé Rajiv Beeharry-Panray, déplorant que des centaines de millions de roupies avaient été allouées à des «petits copains» travaillistes.

 

RS 509 millions à Gooljaury

 

Le premier gros «requin» parmi les débiteurs, comme les surnomme Vishnu Lutchmeenaraidoo, se trouve être l’homme d’affaires Doomeshwarsing Gooljaury, dit Rakesh, un nom qu’il n’a pas daigné citer en vertu du secret bancaire. Ancien proche de Nando Bodha et de Pravind Jugnauth durant la période 2000-2005, le patron de Fashion Style s’est rapproché de Navin Ramgoolam par l’entremise d’Arvin Boolell après la lourde défaite de l’alliance MSM-Mouvement militant mauricien (MMM).

 

À lui seul, Rakesh Gooljaury a engrangé Rs 509 millions pour le fonctionnement de ses divers business, telles que  révélées par l’express du 27 août 2014. Son frère, Prameshwar, a lui bénéficié de Rs 330 millions, ce qui fait dire à l’ancien homme à tout faire de Navin Ramgoolam qu’il est faux d'avancer qu’il a perçu plus de Rs 800 millions de la MPCB en son nom personnel ou au nom de sa société qui représente les plus grandes marques internationales de vêtements dans le pays.

 

Il se fend d’ailleurs d’un communiqué dans la presse de ce dimanche 10 mai pour menacer de poursuites toute personne qui ferait des insinuations selon lesquelle il a été un protégé politique et niant dans la foulée que Nandanee Soornack, la bonne amie de Navin Ramgoolam, ait été son partenaire en affaires au sein de Fashion Style. Pourtant, c’est bien lui qui a mis les pieds de l’ancienne vendeuse à l’étrier en l'aidant à fonder la société Airway Coffee.

 

l’express est cependant en présence de documents qui démontrent qu’il lui a versé plusieurs millions de roupies, sans justification aucune, à partir des comptes de Fashion Style. Dans un cas, une des filiales d’un groupe dirigé par Rakesh Gooljaury aurait contracté un prêt de Rs 15 millions pour financer l’achat d’une résidence pour Nandanee Soornack…

 

Outre Rakesh Gooljaury, la famille de l’ancien ministre travailliste Mahen Gowressoo – lequel est empêtré dans l’affaire Betamax – est aussi une encombrante cliente pour la MPCB. Sa société, Samlo, spécialisée dans la fabrication de fer de construction grâce à sa fonderie de La Pipe, a d’abord été proche du MSM avant de s’accoler au PTr. Depuis les dernières élections, elle a de nouveau viré à l’orange, et l’ancien ministre a même été décoré par le gouvernement. La dette de Samlo : Rs 485 millions.

 

Samlo s'essouffle

 

D’autres noms sont avancés en toute confidentialité par ceux qui gèrent le dossier. Ainsi, le vice-président du PMSD, Nizar Dowlut, a également bénéficié d’un prêt de Rs 125 millions de la MPCB. Tout comme la famille Beerjeeraz, qui a toujours été proche des travaillistes et qui possède des terres à travers le pays. Près de Rs 40 millions ont été empruntées à la banque pour divers projets de morcellement, dont celui contesté à Coromandel, et elle a des difficultés à les rembourser.

 

Un membre de la famille Beerjeeraz avait également sollicité un prêt de Rs 150 millions à la même époque pour un projet immobilier, dont un des partenaires est un proche de Navin Ramgoolam. Un autre gros débiteur de la MPCB est un certain Aly Toorabally, qui dirige une société spécialisée dans les travaux aux champs.

 

Certaines de ces personnes, comme Rakesh Gooljaury, avancent qu’elles sont de bons payeurs. Le patron de Fashion Style a remboursé des intérêts de Rs 74 millions l’an dernier et Samlo s’essouffle également à mettre la main à la poche à cause de la morosité dans le secteur de la construction. L’hôtel du gouvernement a donc décidé d’enlever les Rs 1,7 milliard de prêts toxiques de la banque pour les placer aux bons soins de DBM Financial Services, une filiale de la Banque de développement spécialisée dans le recouvrement de dettes. L’idée, selon Vishnu Lutchmeenaraidoo est «d’alléger» la MPCB et lui permettre de diversifier ses activités.

 

Partisans rouges favorisés

 

Une enveloppe d’aide de Rs 500 millions sera injectée à la MPCB pour lui donner un nouveau souffle. Les emplois au sein de l’établissement seront préservés mais certains responsables, dont Rajiv Beeharry-Panray, risquent des poursuites au pénal pour blanchiment et trafic d’influence. Dans son cas, il est déjà sous le coup d’une interdiction de quitter le territoire après son retour au pays le mois dernier.

 

Au QG de la banque, des langues se délient et parlent de pressions exercées par Rajiv Beeharry-Panray pour que des prêts soient octroyés à des personnes dans le pré carré de Navin Ramgoolam. «Souvan li dir boss la pé dir largué», souffle une source. Difficile de savoir si l’ancien chef de gouvernement était au courant de ce qui se tramait à la MPCB. Seul son cousin par alliance pourra le dire.

 

Des décisions ont également été prises pour favoriser des partisans notoires du PTr. Dans un cas, un bloc d’appartements valant Rs 60 millions a été saisi car la société qui le possède devait Rs 75 millions à la banque. Or, au lieu de le revendre, la MPCB décide de le louer à Rs 200 000 par mois à des personnes proches du sérail rouge. Notamment un certain Heman Sauboorah de la société Le Chalet de Vacances, lequel a été un garant des emprunts de Rakesh Gooljaury et de Fashion Style. À Rs 200 000 par mois, c’est donc dans 31 ans que la MPCB va récupérer son dû !

 

Dans un autre cas, un dénommé Krishnaduth Sakeesing, engagé dans le commerce de maquettes de bateaux, a tenté d’obtenir un prêt de Rs 55 millions pour devenir un partenaire de Rakesh Gooljaury au sein de Fashion Style & Design, une de ses innombrables filiales. Celle-ci a bénéficié d’un terrain de l’État à Belle-Mare dont le bail expire dans un demi-siècle…