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Crise sociale évitée : le front de l’emploi reste «précaire»

25 mai 2015, 17:21

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Crise sociale évitée : le front de l’emploi reste «précaire»

Le gouvernement a pu éviter in extremis une crise sociale dans le sillage de la vague de licenciements liés au groupe BA Investment, (près de 700 employés étaient concernés). Or, rien n’indique que la menace est totalement écartée. Syndicalistes, dirigeants d’entreprise et autres employeurs sont d’avis que le marché de l’emploi reste foncièrement précaire.

 

Du coup, l’optimisme de la Mauritius Chamber of Commerce & Industry (MCCI) quant à une embellie sur le front de l’emploi fait débat parmi des spécialistes. L’enquête trimestrielle de cette institution du secteur privé, réalisée sur le climat des affaires entre le 25 mars et le 8 avril 2015, révèle qu’environ 13 opérateurs sur cent commenceront à recruter pour augmenter leurs effectifs. Une démarche rendue possible grâce aux décisions prises en ce qui concerne la diversification, voire l’expansion des activités des entreprises.

 

Création de 3 600 emplois

 

L’optimisme de la MCCI reposait, à l’époque, sur la création de 3 600 emplois entre le dernier trimestre de 2013 et celui de 2014. Toutefois, rien n’indique que, depuis janvier dernier, suffisamment d’emplois ont été créés pour absorber le nombre de jeunes qui entrent sur le marché du travail. Avec une population de 964 700 personnes de plus de 16 ans, celle qui est active se chiffre aujourd’hui à 582 900, laissant sur le pavé 44 000 personnes qui sont à la recherche d’un emploi (soit 7,5 % de la population active). Sollicités, des spécialistes ont exprimé leur point de vue sur la situation du front de l’emploi.

 

Ahmed Parkar, le Chairman du Joint EconomicCouncil, se réjouit du fait quele gouvernement ait trouvéune issue favorable à la crisesociale qui se profilait à l’horizonavec l’affaire BAI. «Il est évident que des licenciements massifs à un moment où le marché de l’emploi est en panne auraient fragilisé une situation économique déjà difficile», souligne-t-il. Il souhaite ainsi queles repreneurs de ces trois filiales préservent le maximumd’emplois possibles pour éviterdes drames humains.

 

Pour Reeaz Chuttoo, de la Confédération des travailleurs unis, la bataille est loin d’être gagnée. Du moins, pas tant que les repreneurs potentiels n’auront pas pris l’engagement qu’ils ne laisseront personne sur le bord de la route. Et selon le syndicaliste, il y aura probablement un dégraissage du personnel au sein de ces trois filiales du groupe BA Investment.

 

D’où son appel pour que le gouvernement mette sur pied les structures adéquates pour réaffecter les licenciés dans des secteurs économiques pourvus de postes vacants. Reeaz Chuttoo fait surtout référence au secteur du Business Processing Outsourcing (BPO) où il existe des postes libres.

 

Cependant, souligne le syndicaliste, il est impérieux de mettre un terme à l’octroi de permis d’importation des employés étrangers dans ce secteur, comme réclamé par des opérateurs ces derniers mois. Cela, dit-il, offrira plus de chances aux licenciés qualifiés dans ce domaine de trouver un emploi.

 

«Le pire est à venir»

 

Malgré une trêve concernant la crise sociale, Reeaz Chuttoo estime que le pire est à venir. Il s’appuie sur la centaine de travailleurs de Sotravic qui ont déjà été licenciés, sur ceux qui risquent d’être laissés sur le carreau suivant la chute du  groupe BAI, sur la vingtaine d’employés de Lottotech Ltd  qui ont été remerciés et sur d’autres qui le seront fort probablement dans le secteur des jeux. Et là, le syndicaliste fait principalement référence aux bookmakers qui subiront une augmentation du Licence Fee, qui passe de Rs 350 000 à Rs 3,5 millions par an à partir de l’année financière 2015.

 

«Cette situation intervient alors que le taux de chômage parmi les jeunes est passé de 25 % de la population active à 33,8 %, que l’âge de la retraite a été maintenu à 65 ans et qu’il existe 100 000 familles qui ne vivent qu’avec des revenus mensuels de Rs 5 000»,soutient Reeaz Chuttoo.

 

Pour sa part, Jacques Li Wan Po, Chief Executive Officer (CEO) de Food Canners Ltd, affirme qu’il comprend tout à fait qu’avec la crise résultant de l’affaire BAI, l’accent ne soit pas mis sur les priorités budgétaires. «Je ne dis pas que le grand ménage n’est pas nécessaire.» Il craint, toutefois, que les objectifs en termes de croissance et d’investissements ne soient pas au centre des priorités du gouvernement.

 

La recherche d’investissements privés, insiste-t-il, est nécessaire pour relancer la croissance et assurer la création d’emplois de manière durable. Mais pour l’heure, «nous ne voyons pas de reprise sur le front de l’emploi alors que le démarrage de la construction des smart cities, vaste chantier identifié comme porteur d’emplois, prendra nécessairement du temps.»

 

La médecine de pointe et l’éducation comme solutions

 

Du coup, pour éviter la crise sociale, il n’y a pas trente-six solutions. Ainsi, afin de favoriser le recrutement de sans-emploi à grande échelle, Ahmed Parkar, qui est aussi CEO de Star Knitwear, cible deux secteurs : ceux liés à la médicine de pointe et à l’education hub. Il se dit persuadé qu’Apollo Bramwell, qui est aujourd’hui confronté à une crise de l’endettement, pourra, une fois redressé financièrement, recruter et devenir une référence dans le secteur.

 

Idem, ajoute-t-il, en ce qui concerne le positionnement de Maurice en tant que centre de savoir et de connaissance pouvant devenir, à terme, un gros employeur de jeunes diplômés. Sans compter, souligne Ahmed Parkar, l’industrie du textile qui offrira des opportunités d’emploi de manière plus considérable dans deux ou trois ans.

 

Ce secteur, indique-t-il, commence à sortir la tête de l’eau avec un taux de change favorable et un début de reprise au niveau international. «En parallèle, nous bénéficions d’avantages liés à une nouvelle configuration dans le secteur où certains gros exportateurs ont atteint leurs limites quant à leur capacité de production, comme le Bangladesh. Nos industries devront se repositionner pour agir en conséquence.» Pour résorber le chômage, le syndicaliste Reeaz Chuttoo suggère que les secteurs de la construction et du seafood soient, dans la conjoncture actuelle, mis à contribution.

 

 

 

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