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Renganaden Padayachy,économiste de la MCCI : «Franchir la barre de 4 % de croissance en 2015 est à notre portée»
24 juin 2015, 09:23
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Renganaden Padayachy,économiste de la MCCI : «Franchir la barre de 4 % de croissance en 2015 est à notre portée»
L’économiste de la Mauritius Chamber of Commerce & Industry (MCCI) Renganaden Padayachy apporte un éclairage sur les taux de croissance économique divergents annoncés ces derniers mois. Il assure que Maurice peut potentiellement franchir la barre de 4 % cette année.
On assiste actuellement à des projections diverses autour de la croissance économique du pays en 2015. La MCCI table sur une croissance de 3,7 %. Moody’s prévoit, de son côté, que le taux sera légèrement inférieur à 3,6 %. Quant à Statistics Mauritius, elle estime ce taux à 4,1 %. Pourquoi tant de divergences ?
La prévision économique est une matière qui se donne pour objectif d’anticiper l’évolution économique. La méthodologie utilisée est généralement comparable à celle des autres sciences expérimentales. Or, en matière économique, pour la démarche prévisionnelle, on s’appuie en général sur l’expérience du passé pour formuler les hypothèses du futur. Si celles-ci sont justes, le cours des événements les vérifiera.
Pour comparer, le physicien expérimente la validité de son hypothèse avant de l’ériger en loi et de la publier. L’économiste, lui, publie ses hypothèses et teste sa validité par la suite. C’est la nature même de son travail. Or, en période difficile, ces hypothèses peuvent varier fortement durant l’année au gré d’un évènement majeur.
Quelles sont les raisons objectives ayant motivé votre hypothèse de croissance de 3,7% ?
Cette projection de croissance pour l’économie mauricienne s’explique par trois facteurs majeurs. Tout d’abord, une conjoncture internationale qui s’améliore, en particulier pour les pays avancés : l’Union européenne et les États-Unis, nos marchésclés. Cela favorisera la demande extérieure. Puis, il y a le réajustement de la politique des changes qui sera favorable à notre compétitivité et, à terme, à notre solde courant. Et enfin, la politique de relance mise en place depuis la fin de l’année dernière avec la hausse de la pension, qui devrait doper la demande interne, principale composante de notre croissance économique.
Vous parlez de l’amélioration de l’économie mondiale. Celle-ci a connu deux crises successives récemment. Allonsnous assister, en 2015, à un rebond conséquent de l’activité économique ?
Je dirais que l’évolution économique globale demeurera modeste au vu des dernières statistiques. L’économie mondiale se rétablit lentement. Elle est toujours sur une base fragile et le processus de la reprise recèle, encore, de nombreux éléments d’incertitude. Le taux de croissance économique devrait évoluer légèrement, passant de 3,4 % en 2014 à 3,5 % en 2015 et à 3,8 % en 2016, selon les projections du Fonds monétaire international (FMI). Au vu des chiffres d’avant-crise, supérieurs à 5 %, nous ne pouvons que constater que les récentes crises successives ont affecté le potentiel de croissance à l’échelle globale.
Dans les pays avancés, la croissance potentielle a commencé à faiblir avant la crise et ce fléchissement s’est accéléré durant cette période difficile. Les raisons principales en sont le vieillissement de la population et la très faible accélération de la croissance du capital.
Quant aux pays émergents, la croissance de la production potentielle a également ralenti depuis la crise et, selon le FMI, cette tendance devrait se poursuivre à moyen terme au vu du fléchissement de l’investissement et d’un affaiblissement des gains de productivité. Par conséquent, les prévisions à moyen terme sont assez modérées. Cette stagnation des perspectives pour la croissance à moyen terme nous indique que le chemin pour une reprise forte et durable de l’économie mondiale sera long et sinueux.
Toutes choses égales par ailleurs, nous pouvons estimer que nous nous situons au bas d’un cycle long de Kondratieff en phase ascendante. Pour rappel, ce cycle est d’une durée moyenne de quarante ans.
Vous parlez d’amélioration des perspectives. Or, une croissance de 3,7 %, c’est relativement faible...
Pour pouvoir évaluer et calibrer cette performance, il faut estimer la capacité de rebond de notre économie en faisant un diagnostique conjoncturel. D’où la nécessité d’évaluer son potentiel de croissance. Nos estimations pour 2015 projettent un écart de production positif et un taux de croissance potentiel de 3,6 %.
Cela implique que l’écart de production a été résorbé et que le taux de croissance effectif sera supérieur au taux potentiel, ce qui démontre que notre économie est en train de retrouver son dynamisme. Il y a eu manifestement un retournement de situation, qui s’est traduit par un décalage positif entre le taux de croissance effectif et le taux de croissance potentiel.
Parallèlement, nous assistons à une croissance de la demande, ce qui est venu ajuster à la hausse le niveau des prix à court terme, et par conséquent la profitabilité et les capacités d’autofinancements des entreprises. Cela découle, en grande partie, des mesures pré-budgétaires, en particulier la hausse de l’allocation de pension pour plus de 20 % de la population et les mesures budgétaires d’assouplissement fiscales avec la hausse des seuils d’exonération de l’impôt sur le revenu pour les particuliers, qui devrait relancer l’activité économique.
À moyen terme, la hausse de la demande et l’amélioration de la situation financière inciteront les entrepreneurs à rehausser leurs offres, qui se traduiront par une majoration des investissements et des embauches.
Néanmoins, vous souligniez dans vos «Perspectives économiques», rendues publiques, la semaine dernière la faiblesse de la capacité de production du pays. Quelles en sont les causes ?
En effet, une économie en transition comme la nôtre devrait envisager un taux de croissance potentiel supérieur à 5 %, pour pouvoir franchir un nouveau palier de développement. L’analyse de nos évaluations montre que le potentiel de croissance de Maurice a commencé à faiblir à partir de 2008 et que ce fléchissement s’est accentué avec la crise. En effet, le taux de croissance potentiel a perdu 2,6 % entre 2006 et 2014. Il est passé d’un point haut de 6,2 % en 2006 à 3,6 % en 2014.
Une première explication liée à cette baisse est que la contribution du capital à la production potentielle se détériore lors des périodes creuses. Or le stock de capital est l’une des principales composantes de la production potentielle. En effet, les entreprises répondent à la chute de la demande et à la baisse de leurs profits en réduisant volontairement leurs dépenses d’investissement, si bien que la croissance du stock de capital va décélérer.
L’accroissement des contraintes financières, avec la baisse des prix d’actifs sur le marché, exacerbent les contraintes financières. La détérioration des conditions financières empêche le lancement de nouveaux projets d’investissement.
La politique de taux des changes poursuivie durant cette période n’a pas non plus aidé à améliorer les choses au niveau des entreprises.
Tout à fait. il y a eu la politique des changes contrecyclique suivie entre 2010 et 2014 qui n’a en rien amélioré les choses. Cette politique a affecté la compétitivité de nos entreprises exportatrices de biens et services, impactant négativement sur la profitabilité et, par conséquent, sur les capacités d’autofinancement des entreprises durant la période concernée.
La deuxième explication, c’est la dégradation de notre niveau de productivité. Le taux moyen de croissance de la productivité de l’économie mauricienne chute de 2008 à 2013. S’agissant du facteur capital, nous avons même observé un taux négatif. Ces éléments expliquent, dans une large mesure, la dégradation du taux de croissance du PIB potentiel et, par conséquent, du PIB effectif.
Que faire pour que Maurice parvienne à maintenir la tête hors de l’eau ?
Afin d’améliorer durablement notre performance économique, sans générer trop d’inflation, il faudrait relever notre potentiel de croissance. C’est-à-dire agir sur les facteurs d’offres. La croissance potentielle est celle résultant de la combinaison de l’offre des facteurs de production : capital, travail et progrès technique. C’est la croissance maximale que peut obtenir un pays lorsqu’il mobilise tous ses facteurs de production, à savoir population active, équipement et productivité sans déclencher de l’inflation.
L’accroissement de la production proviendra, d’une part, d’une plus grande utilisation du capital et du travail et, d’autre part, d’une meilleure organisation de l’entreprise et de l’amélioration de la productivité globale des facteurs, en s’appuyant sur la loi fondamentale des rendements décroissants des facteurs de production définis par David Ricardo, théoricien de l’économie libérale.
Vous attendez-vous à une meilleure performance économique cette année ?
Franchir la barre symbolique de 4 % de croissance est à notre portée, et cela dès cette année. Cela dépendra en beaucoup de la reprise des investissements au cours des six prochains mois, qu’ils soient publics ou privés, locaux ou étrangers. Cela impactera positivement sur la croissance d’aujourd’hui et de demain.
Qu’en est-il pour les prochaines années ?
Nous pouvons rester optimistes quant à notre évolution économique, en se référant au concept de la «destruction créatrice» de Schumpeter. Ce concept désigne le processus continuellement à l’oeuvre dans les économies et qui voit se produire de façon simultanée la disparition de certaines activités économiques conjointement à la création de nouvelles activités économiques. À long terme, l’innovation devrait être la seule force motrice de la croissance économique.
Vous demeurez optimiste malgré les affaires qui secouent le pays ?
Bien sûr et c’est pour cela que je m’appuie sur notre parcours. Vous savez, il y a de nombreuses recherches économiques qui ont démontré de manière empirique que les mauvaises pratiques et le non-respect des normes et des règles créent des distorsions freinant le développement économique et la croissance par divers mécanismes. Je citerai celle entreprise par le Professeur Rudy Aernoudt en 2003, démontrant que certaines mauvaises pratiques agissent comme une taxe sur l’entrepreneuriat et l’activité productive, décourageant ainsi l’investissement.
Le mot de la fin ?
Je reprendrai la maxime de George Chakiris qui nous dit : «Quelle que soit l’obscurité du moment, l’espoir est toujours possible.»
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