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Kobita Jugnauth, épouse de Pravind Jugnauth «Si Pravind va en prison, je l’accompagne»

4 juillet 2015, 00:21

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Kobita Jugnauth, épouse de Pravind Jugnauth «Si Pravind va en prison, je l’accompagne»

Toute la semaine, elle a été omniprésente aux côtés de son époux. Mais qui est Kobita Jugnauth, côté coulisse ? Quelle est la véritable influence politique de cette conseillère de l’ombre ? Le plus simple était encore de lui poser la question.

 

Que vaut-il mieux savoir à votre sujet avant d’entamer une discussion avec vous ?

Une seule chose : il ne faut pas me pousser à bout. Je suis patiente et ouverte d’esprit, on peut parler de tout, je n’ai pas de tabou. Mais si on me pousse à bout, il m’arrive de dire des choses que je regrette. 

 

Cette semaine a eu quel goût ?

Un goût très amer. C’est douloureux quand on touche aux gens que vous aimez. J’ai vécu l’une des pires semaines de ma vie… (émue). Pour les enfants aussi, c’est dur (Ndlr : ses trois filles ont 15, 20 et 22 ans). Elles ont vu déjà beaucoup de choses. L’arrestation de leur papa, à la maison, pour sédition, elles sont passées par là. Mais cette fois… (elle s’interrompt). Je crois que j’aurais préféré être à la place de Pravind, j’aurais peut-être moins souffert. Le voir dans le box des accusés m’a fait mal. Je le regardais de profil ; je n’oublierai jamais cette image. Je sais que ce n’est pas sa place. 

 

Mais il a été jugé coupable…

Ça a été un choc, je ne m’y attendais pas. Pravind va se battre, on va se battre. Son nom, sa réputation et son intégrité sont en jeu. Je connais sa droiture et ses principes. J’ai confiance en lui. Totalement.  

 

Et lui, a-t-il confiance en vous ?

Après 23 ans de vie commune, je pense que oui. 

 

La prison, vous y pensez ?

Oui. Même si pour moi Pravind est innocent, je ne peux pas m’empêcher de penser à la prison. S’il y va, j’irai avec lui, je trouverai un moyen, je ne sais pas... C’est hors de question qu’il y aille seul, je l’accompagne (rire).   

 

Quand il vous a annoncé sa démission, comment avez-vous réagi ?

Mal. J’étais révoltée. Sur le moment, je n’ai pas compris les enjeux. J’ai eu peur que les gens interprètent sa démission comme un aveu de culpabilité. Quand il a pris le temps de m’expliquer, je me suis dit qu’il avait pris la bonne décision. 

 

Femme de politicien, est-ce un métier ?

Ça dépend comment on le voit. Si on se sent obligée d’aller à toutes les fonctions, d’être souriante, tout ça, oui, c’est presque un métier. Moi, je ne fais rien par obligation. Être aux côtés de Pravind dans les moments importants est une conviction. 

 

Dans «L’Interdiction», Balzac fait dire ceci à l’un des personnages : «La femme d’un homme politique est une mécanique à beaux compliments, à révérences ; elle est le plus fidèle des instruments dont se sert un ambitieux.» Un commentaire ?

D’une, mon mari ne se sert pas de moi, j’ai un caractère trop trempé pour ça. Et de deux, je ne serai jamais une machine à révérences. Au contraire, je suis une piètre diplomate. Mon franc-parler me joue parfois de mauvais tours. 

 

 Avez-vous un avis sur tout ?

Non, pas sur tout. Mais si quelque chose ne tourne pas rond, j’en parle. Même si ça peut déplaire. Si une décision politique me dérange, si le gouvernement fait fausse route, je le dis. Je ne m’interdis pas de donner mon avis à Pravind. J’essaie d’être la plus objective possible, ce n’est pas parce que le MSM est au pouvoir que tout est parfait. 

 

Êtes-vous devenue une politicienne malgré vous ?

Je ne me vois pas comme une politicienne. Si j’étais candidate aux élections, je ne pense pas que j’aurais beaucoup de votes ! (rire) 

 

Quand serez-vous candidate ?

Jamais ! Aucune chance, vraiment. 

 

J’en connais au moins un qui va être très déçu…

Ah bon, qui ça ? 

 

Un internaute, tout récemment, qui disait ceci à votre propos sur lexpress.mu : « Vous avoir comme Première ministre du pays, je dis 100 fois OUI »…

(Eclat de rire) C’est gentil mais je répond cent fois non ! Je ne ferai jamais de la politique active. 

 

 «Il ne faut pas me pousser à bout», disiez-vous. Quelle est la dernière personne à l’avoir fait ?

(Long silence) C’est personnel…

 

Serait-ce secret de famille ?

Me suis-je mal fait comprendre ? C’est personnel… 

 

Puisqu’on est dans les secrets, l’achat de MedPoint, c’est une idée de qui ?

Pourquoi me demander ça à moi ? 

 

 Est-ce idée à vous ?

Jamais de la vie ! Dès que j’ai su, j’ai eu un mauvais feeling. 

 

C’est-à-dire ?

J’ai senti que ça pouvait mal tourner.

 

Ça a effectivement mal tourné. La faute à qui ?

Pas à Pravind en tout cas.

 

La faute à qui ? Promis, les lecteurs ne le répéteront pas…

(Rire) Question suivante…

Vous êtes l’épouse d’un chef de parti, la belle-fille du Premier ministre, la fille d’un sir et la nièce d’un poète ; n’est-ce pas beaucoup d’ombre ?  (Long silence) La lumière ne m’attire pas. Je suis bien là où je suis, loin des projecteurs. Je crois que c’est une question de tempérament, je n’aime pas être à l’avant-plan. Cela ne veut pas dire que je ne m’implique pas politiquement. Je le fais mais loin des micros. 

 

En parlant de micro, comment avezvous vécu l’affaire de la bande sonore ?

C’est un acte d’une bassesse immonde. On peut attaquer un politicien sur ses idées ou sur ses actions, mais pas sur sa famille. Mes filles et moi, on s’est senties salies.

 

Je n’ai pas écouté la bande. J’ai su ce qu’elle contenait, ça m’a suffi. 

 

Cela la deuxième fois que vous parlez de vos filles. Quelle mère êtes-vous ?

Une mère poule ; je crois être très stable avec mes enfants. Solide, calme et présente. Je suis leur amie, elles se confient beaucoup. 

 

Anerood Jugnauth a «supplié  [s]on fils de ne pas faire de politique» . Faites-vous la même chose avec vos filles ?

Non, elles sont libres. Sonika, l’aînée, se verrait bien en politique. Elle veut refaire le monde (rire), elle a un énorme caractère, elle aurait des choses à apporter. Mais bon, un jour elle veut faire de la politique, le lendemain du théâtre, alors je ne sais pas trop… 

Combien de fois avez-vous demandé à votre mari de quitter la scène politique ?

Une seule fois, en 2011, quand il a démissionné du gouvernement dans le sillage de MedPoint. On lui jetait de la boue, on le traitait de voleur, c’était de l’acharnement, ça m’a dégoûtée. Jusqu’au jour où je n’ai plus supporté : ‘Si c’est ça la politique, mieux vaut te retirer.’ 

 

 Sa réponse ?

‘Il y a des gens qui croient en moi, je ne peux pas les laisser tomber’. 

 

Revenons à vous. Qui est Kobita dans la coulisse politique ?

Je vous l’ai dit, j'y suis impliquée mais je reste discrète. 

Impliquée au point de tirer les ficelles du parti ?

Non. Pravind sait qu’il peut parler de tout avec moi. Je suis l’une des rares personnes à qui il se confie, je connais ses états d’âme. Mais quand il s’agit de politique, la décision finale lui appartient. Il m’écoute, il m’entend mais c’est lui qui tranche. Souvent, très souvent même, nous ne sommes pas d’accord. J’accepte sa décision, parce qu’il est plus posé et plus réfléchi que moi. Donc non, ce n’est pas moi qui tire les ficelles.

 

 C’est pourtant la réputation que l’on vous prête…

Les gens disent tellement de choses… Ceux qui nous connaissent bien, Pravind et moi, savent que je suis bavarde, impulsive, spontanée. Mais ils savent aussi que quand Pravind me dit non, c’est non. Je ne mène pas mon mari à la baguette. Ceux qui propagent ces ragots le font pour dévaloriser Pravind. 

 

 Êtes-vous sensible à la critique ?

Très sensible, sans doute trop même, je n’ai pas la peau assez dure. Et je deviens de plus en plus méfiante.  

 

À quoi tient cette méfiance ?

(Long silence) Elle tient à la traîtrise. Je croise beaucoup de traîtres depuis un an ou deux, y compris parmi nos proches. Cela me rend méfiante. Je fais confiance à très  peu de gens. 

 

Au lendemain du triomphe électoral de décembre, vous avez eu cette phrase : «Il va falloir garder les pieds sur terre» . Ça peut faire décoller, le pouvoir ?

Absolument. Si nos élus gardent les pieds sur terre, s’ils restent au contact de la population, le travail se fera. Mais le pouvoir peut griser, le pouvoir enivre. L’entourage, les courbettes, tout ça peut vous monter à la tête. C’est là que les dérives surviennent.

 

Si vous n’aviez pas eu cette vie là, laquelle auriez-vous aimé vivre ?

J’aurais aimé être avocate… et ça n’a rien à voir avec ce qui vient de se passer. Je suis révoltée par l’injustice depuis l’enfance, comme tout le monde, mais contrairement à certains, en devenant adulte, cela ne s’est pas arrangé. 

 

 Quelle vie rêveriez-vous d’avoir dans dix ans ? Une vie plus posée, avec des petits-enfants et un mari plus présent. Une vie plus généreuse aussi, plus dévouée aux autres. Je veux aider, redonner ce que la vie m’a apporté. 

 

Pourquoi ne pas ouvrir une clinique ?

Rire) Est-ce bien raisonnable ?