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Ivan Collendavelloo: «Les dames pourront s’évader en Italie, mais elles ne dormiront pas sur leurs deux oreilles!»
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Ivan Collendavelloo: «Les dames pourront s’évader en Italie, mais elles ne dormiront pas sur leurs deux oreilles!»
Bien installé dans son fauteuil beige, le ministre de l'Energie et des Services publics tombe la veste et les masques. Pour la langue de bois, il faudra repasser. Car il n’hésite pas à froisser la sensibilité de certains. La preuve…
Le Directeur des poursuites publiques (DPP), vous l’avez déjà condamné ?
Ma tâche ne consiste pas à condamner qui que ce soit. Mais j’ai le droit d’avoir une opinion, que je n’exprimerai pas ici, puisque l’affaire est en cour. J’ai tout de même tenu à réagir face à la propagande qui est née après l’ouverture de l’enquête sur ses agissements. Mais je ne me prononcerai pas sur le fond de cette affaire, cela demeure le privilège des juges et des enquêteurs.
Vous avez quand même déclaré il y a peu qu’il refusait «obstinément de s’innocenter»… Votre langue a-t-elle fourché?
(Ferme) Non, ma langue n’a pas fourché ! Il y a une cabale qui tend à faire croire que l’on porte atteinte à la Constitution lorsqu’on demande au DPP de donner sa version des faits. Je remarque qu’après mon intervention, lors de laquelle j’ai précisé que «nobody is above the law», ladite cabale s’est calmée. Si le DPP pense qu’il est innocent, il n’a qu’à aller s’innocenter en donnant sa déposition. Cela ne veut pas dire que je fais fi de la présomption d’innocence. Je ne sais même pas s’il y a matière à procès. Le fond du litige est entre les mains de l’ICAC.
Personne n’est au-dessus de la loi dites-vous… Pas même Pravind Jugnauth ?
Bien sûr que non !
Le PM s’est tout de même permis de critiquer la décision de la justice après la condamnation de son fils dans l’affaire MedPoint…
Cela ne veut pas dire que Pravind est au-dessus de la loi. Pendant 35 ans, je n’ai fait que critiquer des décisions de justice. Je ne vois pas ce qu’il y a de mal à venir dire qu’un jugement est mauvais. Passer un commentaire là-dessus ne veut absolument pas dire que l’on porte atteinte à l’intégrité du judiciaire. Il est tout à fait normal de critiquer. C’est le propre de la démocratie.
Vous avez déclaré, en commentant la démission de Me Antoine Domingue du Bar Council, que certains de vos ex-confrères font l’amalgame entre le légal et la politique. Et vous, vous faites bien la distinction entre les deux ?
On plaide la cause de ses clients dans un prétoire. Si on veut faire de la politique, on est libre de le faire. Mais il ne faut pas prendre un manteau de politicien lorsque vous ne l’êtes pas et faire des déclarations politiques pour faire avancer la cause de votre client. C’est ce que je trouve très bizarre dans cette affaire… Une petite coterie d’avocats se lance dans de grands débats – ils le font très mal d’ailleurs – sur la politique. S’ils veulent débattre et se muer en politiciens, qu’ils forment un parti.
Mais en commentant les affaires qui ont trait au judiciaire, n’êtes-vous pas en train de mélanger les torchons et les serviettes? De quoi vous mêlez-vous?
Bien sûr que je vais m’en mêler ! Manquerais plus que… ! Je suis un citoyen mauricien. Il y a des gens qui disent des choses que je considère comme étant absolument incorrectes. Ces mêmes personnes expliquent publiquement leur étonnement devant mon silence. Et lorsque je parle, elles expriment leur étonnement devant ma loquacité !
Que doit faire un citoyen lambda s’il veut échapper à la justice ? Finir sur un brancard ? Filer à l’anglaise en Italie, peut-être ?
Je ne vais pas commenter des cas précis. Bien entendu, il y a des gens qui adoptent des méthodes illégales pour échapper à la justice. C’est à eux de voir comment affronter ces situations.
Vous avez déclaré, qu’il y avait une aile fasciste au sein du MMM. Des noms s’il vous plaît.
Ah non ! Pas de nom ! Tous les militants de MMM savent de qui je parle.
Avez-vous un petit message à faire passer à votre camarade Paul ?
Il y a eu un plébiscite en faveur de l’alliance Lepep lors des dernières élections, à la fois législatives et municipales. Ce que j’ai dit jusqu’ici découle d’un constat affligeant : la masse militante est aujourd’hui divisée, en trois parties au moins. À l’intérieur même du MMM, certains commentent discrètement la situation. J’ai dit que j’étais prêt à discuter avec mes amis mauves, pour essayer de trouver une issue.
Le MMML (fusion entre le MMM et le ML) est-il en passe de voir le jour ?
Il serait prématuré d’envisager cela. En un an, j’ai émis de multiples propositions et elles ont été rejetées. Mais à chaque fois, l’on a découvert par la suite à quel point elles étaient bien fondées. Mais les dirigeants du MMM n’ont pas voulu admettre que j’avais raison. Ils ont quand même, au final, souvent fait ce que je leur avais conseillé. Je suis donc optimiste, je me dis qu’ils vont se tourner vers les suggestions, chacune mûrement réfléchie, que j’ai mises en avant.
Si vous deviez dresser un bilan du gouvernement sept mois après l’arrivée de l’alliance Lepep au pouvoir ?
Il est extrêmement positif, dans la ligne du mandat qui lui a été accordé…
Concrètement, ça donne quoi ?
Laissez-moi parler ! Je reprends. Il est extrêmement positif. Notamment en ce qui concerne l’élimination de la pauvreté, ainsi que la sauvegarde et la création d’emplois.
Justement, faudra-t-il attendre 15 ans et la création des smart cities pour les voir, ces emplois ?
Non, mais tout ne peut pas se faire en quelques mois ! Toutefois, nous avons déjà, par exemple, au sein de mon ministère, jeté les bases d’un développement qui ouvrira des perspectives d’emplois aux jeunes. À cette fin, la CWA, le CEB, et la Waste Water Management Authority (WWMA) ont été restructurés. Au CEB, à partir du 29 juillet, nous mettrons l’accent sur le secteur des énergies renouvelables. Tous les jeunes qui possèdent un HSC et qui ont choisi les sciences se retrouveront dans ce nouveau domaine, le but étant de faire en sorte que Maurice carbure à l’énergie verte. Les projets dans le port, chapeautés par un comité dont je fais partie, aideront aussi à générer des jobs. Je le répète, cependant : tout cela ne se fait pas en sept mois.
D’autant que nous ne pouvons pas entrer dans une ère de développement sur une base mafieuse, la population l’a bien compris…
Ils ont bon dos, les «mafieux»…
C’est que pendant 10 ans, l’île Maurice a été spoliée. Le Parti travailliste a infiltré toutes les institutions de ce pays, allant même jusqu’à s’immiscer dans le processus d’évaluation des terrains. Nous ne pourrons pas nous concentrer sur le développement si on ne fait pas table rase des (il hésite) incartades auxquelles l’on a eu droit par le passé, notamment le détournement des biens publics, l’usage de cet argent à des fins personnelles, le népotisme, la corruption et l’accaparement des biens de l’État.
Trop de nettoyage ne salit-il pas le nettoyage ?
Cela voudrait dire que quand on nettoie un escalier et qu’on tombe sur une saleté qui s’est incrustée, il faut passer l’éponge et ne pas aller plus loin ? L’escalier se retrouve alors avec plein de petites taches que l’on ne parvient pas à enlever. Soit on l’astique comme il faut, soit on ne l’astique pas du tout ! Et lorsqu’on nettoie un escalier, on commence toujours par le haut…
Mais à force de passer le Kärcher, vous allez finir par l’abîmer votre escalier, non ? Vous n’avez pas l’impression que le peuple commence à s’en lasser ?
Nous allons certainement l’abîmer ! Pas un seul mafieux ne pourra marcher tranquillement dans la rue à Maurice. Lorsqu’on parle du régime de la terreur, c’est vrai que les voleurs sont terrorisés ! C’est pour cela que leurs avocats crient comme ils sont en train de le faire actuellement. Nous ne les laisserons pas en paix vous dis-je !
Les dames pourront s’évader en Italie, mais elles ne dormiront pas sur leurs deux oreilles ! Ne souriez pas ! Je suis extrêmement sérieux ! Nous avons adhéré aux conventions internationales sur la corruption et nous devons remplir nos obligations en ce sens. Si nous voulons devenir un centre financier, nous ne pourrons pas le faire sur une base corrompue. Et si notre réputation est entachée, c’est-à-dire notre escalier, les investisseurs refuseront de venir à Maurice.
En parlant de corruption et de voleurs, vos alliés et vous êtes tous blancs comme neige ?
Oh, vous me demandez de passer des jugements de valeur, ce sont des clichés journalistiques que vous utilisez là, je ne rentre pas dans les clichés, moi. Je préfère que l’on parle de choses sérieuses…
Sérieusement, quid des nominés politiques dans tout ça ? L’ère du «petit copinage» n’est pas tout à fait révolue, on dirait…
Tous les nominés sont des proches qui ont des compétences dans leurs domaines respectifs. Ce sont des gens qui sont capables de diriger, qui ont les compétences requises. Et puis, prenons mon ministère par exemple. Je ne vais quand même pas nommer M. Assirvaden à la tête du CEB, aussi compétent soit-il.
Je dois choisir un proche, que vous appelez petit copain ou petite copine. J’ai ainsi nommé, au sein de tous les corps parapublics qui sont sous ma responsabilité, des gens qui partageaient ma philosophie, ma vision, et mes valeurs politiques. Sinon, cela ne vaut pas la peine que je sois ministre ! Sinon, on choisirait des bureaucrates pour s’occuper des ministères. L’on mettrait en place un régime militaire et nous n’aurions plus que des colonels et des généraux ! La démocratie, vous en faites quoi ?
Et vous que faites-vous de la méritocratie ? Il ne suffit donc pas d’être compétent, il faut être proche de vous si l’on veut avoir un poste au sein de votre ministère…
C’est précisément ce que je viens de vous dire ! Ce sont des gens qui le méritent, de par leurs compétences, que j’ai placés, par exemple, au CEB, à la CWA ou à la WWMA. Citez-moi le nom de quelqu’un d’incompétent que j’ai nommé au sein de mon ministère… Tous ces gens – je le redis – compétents, sont des gens proches. Je ne vais quand même pas nommer, à la tête d’une grande institution qui propose des services au public, quelqu’un qui est issu du Parti travailliste, qui est rempli de voleurs et de bandits !
Puisqu’on parle de proches, vous êtes pour ou contre les «fils de» en politique ?
J’ai moi-même un fils qui s’y intéresse de près…
Irvin se prépare-t-il justement à se jeter dans l’arène ?
Probablement. On en parle et ça le captive. J’ai un autre fils, par contre, qui n’en a que faire. Je ne vais certainement pas le forcer.
Le projet CT Power est-il bel et bien mort et enterré ? Les promoteurs reviennent à la charge en demandant une révision judiciaire…
L’affaire est en cour, il serait malvenu de la commenter. Mais si CT Power obtient gain de cause, il y aura une autre approche à adopter.
On fait comment pour éviter le black-out ?
M. Assirvaden – qui a des compétences indéniables en passant, même si ce n’est certainement pas la personne que je placerais à la tête du CEB parce qu’il ne partage pas ma vision – a raison de dire que l’on risque le black-out. Mais il n’a pas découvert l’Amérique.
Ce risque existe depuis l’époque où il était au CEB, il faut le confronter. C’est ce que j’essaie de faire depuis que j’ai pris mes nouvelles fonctions. Il y avait le problème posé par CT Power, qui n’a pas arrangé les choses, nous avons donc lancé le programme centré sur les énergies renouvelables, nous avons renouvelé le contrat avec Consolidated Energy Limited, entre autres.
Qu’en est-il de la centrale de St Louis ?
Est-ce qu’on verra bientôt la lumière au bout du tunnel ? Elle carbure grâce à de très vieux moteurs qui doivent être expédiés à la poubelle. Encore une fois, le précédent régime a bien retardé les choses. Pour ensuite faire un appel d’offres où nous avons vu un seul soumissionnaire. Le Central Procurement Board n’a pas donné son approbation. Nous avons décidé de lancer un nouvel appel d’offres, et ce avec le soutien avec la Banque africaine de développement. Le premier soumissionnaire a porté l’affaire en cour, a émis toutes sortes d’objections, ce qui risque de retarder davantage cette affaire. Mais nous, nous allons de l’avant tout en espérant que cela ne sera pas un obstacle d’une grande importance.
Vous êtes au courant du fait que vous êtes plus facilement joignable que votre attaché de presse ? (Rires)
Dans ce cas, il faudrait que je le vire !
Entre les ministres qui ne sont pas disponibles, ceux qui refusent de faire des déclarations, la difficulté d’obtenir des autorisations et les lourdeurs administratives, rien n’a vraiment changé depuis le départ de l’ancien régime, non ?
Ma foi, je n’ai aucun commentaire à faire là-dessus. Ce n’est pas l’impression que j’ai. Les membres de l’ancien régime faisaient de la démagogie. Ils disaient n’importe quoi pour masquer leur imposture, alors que nous, nous travaillons. Moi, je travaille, je ne vais pas passer tout mon temps à communiquer ! Chaque ministre a sa manière de faire…
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