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Ajay Gunness: «L’après-SAJ ne devrait pas être un sujet tabou»

2 août 2015, 08:05

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Ajay Gunness: «L’après-SAJ ne devrait pas être un sujet tabou»

Lire entre les «entre-les lignes» devenait trop lassant. Il fallait bien quelqu’un du MMM qui dise tout haut ce que les Mauves pensent tout bas, c’est-à-dire l’après-SAJ. Grâce à – ou à cause du secrétaire général du MMM - ce n’est plus un sujet tabou. Ajay Gunness assume ses propos... et sa caste vaish.

 

Vous n’êtes pas vêtu de noir ?

(Intrigué) Comment ça, vêtu de noir ?

 

Vous êtes ces jours-ci comme des croque-morts à attendre la mort de SAJ. Le noir c’est la couleur de circonstance.

Non. Soyons sérieux. Personne ne souhaite le malheur de SAJ. Au contraire, nous lui souhaitons bonne santé. Mais la façon dont SAJ est parti laisse planer beaucoup de doutes. C’est aujourd’hui, au moment de cette interview, (NdlR, réalisée jeudi matin) que nous recevons un communiqué du PMO qui nous dit que SAJ va bien et qu’il rentre le 6 août. Quand il est parti, il n’y avait aucun communiqué. Il a laissé planer le doute et le flou. Nous au MMM, nous lui souhaitons bonne santé parce que si par malheur il lui arrive quelque chose, le pays ira encore plus mal. Ça va déjà mal, mais ce sera pire.

 

Comme vous, Paul Bérenger en parlant de SAJ, répète à tout bout de champ «mo pa swet maler personn». La mort de SAJ ça ne devient pas une obsession que vous cachez de plus en plus difficilement?

Une obsession, non. Mais ne nous voilons pas la face. SAJ est aujourd’hui âgé de 85 ans. Avec la lourde responsabilité de Premier ministre, il aura des pépins de santé. Ne soyons pas dupes. Il n’est pas enn zeness. Il a l’âge qu’il a. Le pays passe par des crises : BAI, DTA, l’affaire ICAC-DPP-police. Quand le Premier ministre s’absente du pays dans un tel contexte, sans explications, et durant trois semaines, ça nourrit le doute. 

 

Nous au MMM, nous ne souhaitons le malheur de personne. Même pas celui de Pravind Jugnauth. Parce que nous comprenons la difficulté à laquelle la famille Jugnauth est confrontée. Le fils, condamné, fait appel dans une affaire de conflit d’intérêts. Du coup, les espoirs du père, qui a quitté Le Réduit pour aider le fils dans son cheminement politique, s’écroulent. Ce n’est pas une situation facile pour une famille.

 

La famille MMM ne va-t-elle pas plus mal que la famille Jugnauth, avec ses déroutes électorales et les départs de ses plus grands fidèles?

Pour les législatives, nous avons payé le prix de notre alliance avec Ramgoolam. Pour les municipales, SAJ a adopté une vieille stratégie : les organiser dans la dynamique d’une victoire nationale. En 2005, six mois après les élections générales, l’Alliance sociale avait organisé des municipales. Nous avions perdu lourdement, et nous étions alors en alliance avec le MSM.

 

Pour les départs, que voulez-vous que je vous dise ? Oui cela nous fait mal. Ce sont des traîtres. Mais tout cela est à présent derrière nous. Le MMM va très bien. D’ici notre congrès-anniversaire, Paul Bérenger et moi sillonnerons tous nos comités régionaux. D’ici là, nous verrons ce qui se passe. Il se passe toujours des choses à Maurice.

 

Comme ? Des élections générales anticipées que prévoit Paul Bérenger ? Cette prédiction qui ne se réalise jamais ne vous lasse-t-elle pas ? Vous avez un travail d’opposition à faire non ?

L’un n’empêche pas l’autre. Nous pouvons toujours faire notre travail d’opposition tout en nous préparant à d’éventuelles élections générales anticipées. Nous ne sommes pas en train de finaliser une liste de candidats non plus. Mais nous demandons à nos lieutenants dans nos 20 circonscriptions d’occuper le terrain pour que nous ne soyons pas pris de court si jamais ces élections aient effectivement lieu.

 

Mais pourquoi, alors que nous avons un gouvernement en place, il y aurait des élections anticipées?

Il y a la condamnation de Pravind Jugnauth. Le départ précipité de SAJ sans que nous ne sachions the real story. Nous sommes informés des divisions au sein du gouvernement. Vous avez vu la virulence de Showkutally Soodhun envers Xavier Duval. Nous sommes informés. Chacun se positionne. Avec le hors-jeu de Pravind Jugnauth et, sait-on jamais, sir Anerood Jugnauth qui pourrait se retirer pour «X» raison, tout est possible…

 

Vous parlez encore de l’après-SAJ ? C’est pour démontrer que ce n’est pas un sujet tabou?

Bien sûr que l’après-SAJ n’est pas un sujet tabou. Le pays sera alors ingouvernable et devra être appelé aux urnes. Ce sera le voeu même de la population.

 

Mais la Constitution prévoit que le président nommera comme Premier ministre celui qui «commands the majority»…

La Constitution prévoit aussi la dissolution de l’Assemblée nationale si le président estime que personne ne commands the majority. C’est pourquoi je vous dis que tout est possible.

 

Mais votre scénario à la House of Cards ne tient pas la route. Pravind Jugnauth, après sa condamnation, a été largement soutenu par tous les partenaires de l’alliance. Si son hors-jeu avait réveillé les ambitions premierministérielles de plusieurs individus au sein du gouvernement, ces derniers se seraient positionnés, non ?

Ce soutien, c’est pour la forme. Nous sommes informés sur les dessous de l’affaire. Des clans se sont installés à l’intérieur du gouvernement. Ce n’est pas forcément entre les partenaires de l’alliance. Mais au sein même du MSM, y a des clans pro et anti-Pravind Jugnauth.

 

Allez, puisque vous insistez, imaginons qu’il y ait effectivement des législatives anticipées. Le MMM ira-t-il seul aux élections ?

Oui, on se prépare à y aller seul. Tant que Ramgoolam gravitera autour du Parti travailliste, il est hors de question qu’il y ait quoi que ce soit entre nous.

 

Présenterez-vous Paul Bérenger comme Premier ministre ?

Nous verrons en temps et lieu, à la lumière des discussions au sein du parti.

 

Comment ça, «nous verrons» ? Paul Bérenger n’est toujours pas guéri de sa phobie ethno-castéiste ?

La population réalise, avec les affaires que j’ai citées plus tôt, que le gouvernement actuel fait pire que Navin Ramgoolam. Avec cette accumulation de mauvaise gouvernance, la population se rend compte que l’ethnicité ne compte pas. Seules les compétences comptent. Le MMM croit dans une société basée sur la compétence et non l’appartenance ethnique.

 

Beau discours. Mais factuellement, vous n’êtes pas sûr que Paul Bérenger se présente comme Premier ministre aux prochaines élections. En même temps, vous avez été catapulté au poste de secrétaire général. Toujours à vos côtés, Paul Bérenger est toujours à vous chuchoter à l’oreille. N’êtes-vous pas devenu le chouchou-vaish-premier-ministrable ?

(Il éclate de rire) Je suis un militant depuis les années ’70. J’ai tout connu avec le MMM. Les moments difficiles, les coups de bâtons des tapeurs de nos adversaires, j’ai couru pour y échapper. J’ai aussi vécu les grands moments, de grandes responsabilités. J’ai été Junior Minister, ministre, Whip de l’opposition. J’ai accepté le poste de secrétaire général du MMM puisque c’est une responsabilité que me confient le parti et le pays. Si demain, le parti est appelé à choisir qui il faut présenter comme Premier ministre et que le choix se porte sur moi, j’accepterai peut-être. On n’en est pas encore là.

 

Est-ce vraiment un honneur de marcher dans les pas de Madun Dulloo et d’Ashok Jugnauth, les anciens chouchous- vaish-premier-ministrables de Paul Bérenger ?

C’est vous qui utilisez cette expression «chouchou-vaish-premier-ministrable». Pas moi. Moi je suis un militant pur-sang avant tout. Je ne crois pas non plus que c’étaient les rôles de Madun Dulloo et d’Ashok Jugnauth. Chacun a joué son rôle et contribué à sa manière à un moment précis. Je joue aussi mon rôle comme je le devrais. L’avenir nous dira le reste.

 

Toujours est-il que vous ne dites pas non à ce statut de premier ministrable vaish…

Vous êtes méchant. Je ne cesse de répéter que je suis un militant avant tout et vous me voyez seulement comme un vaish !

 

J’essaie de me mettre à la place de Bérenger, c’est tout. Je dis qu’il vous voit comme un vaish premier ministrable. Et ça fait un moment qu’on en parle et vous ne niez pas !

(Il hausse le ton) Paul Bérenger me voit d’abord comme un militant ! (Plus sobre) Mais bon, je suis né hindou, je suis né vaish, je n’ai pas choisi. Par contre, j’ai choisi de lutter aux côtés du MMM. Et je vous demande de me regarder à travers cet objectif : un produit du MMM, un produit des années ’75, un homme qui est né de la lutte et non du pouvoir et épargnezmoi les autres considérations.

 

Venons-en à l’affaire du moment, l’affaire DPP-ICAC-police. Le MMM est en train de commenter sur la place publique deux affidavits jurés en cour. On aurait pu les jurer devant Paul Bérenger et c’en était fini ?

Pourquoi nous ne devrions pas commenter ces affidavits ? Les deux documents ont été rendus publics. Il est de notre devoir de les analyser. Nous avons simplement affirmé que le traitement infligé au DPP n’est pas correct. Ce qui s’est passé est incroyable. L’ICAC veut arrêter le DPP...

 

Elle veut convoquer le DPP, pas arrêter…

Arrêter, vous dis-je ! L’ICAC voulait arrêter le DPP, pas seulement le convoquer. Le DPP jure un affidavit, obtient une injonction en cour et cet affidavit, soi-disant false and malicious, est utilisé pour obtenir un mandat d’arrêt.

 

Ce sont Roshi Bhadain et Showkatully Soodhun qui ont recours à la police. Pas l’ICAC.

Peu importe. Vous avez déjà vu ça, vous ? Les dépositions sont consignées à 17 heures. À 2 heures et 5 heures du matin, la police est chez le directeur des enquêtes et le directeur général de l’ICAC et devant la maison du DPP pour l’arrêter à 8 heures ? Le mandat, de surcroît, est obtenu d’un magistrat en congé, si j’en crois les dires de Me Domingue. Il y a forcément quelque chose qui ne tourne pas rond dans ce pays.

 

Le DPP est-il au-dessus de la loi ?

Non. Ce n’est pas notre position. Mais il y a des procédures à suivre. Selon la Constitution, c’est à la Judicial and Legal Services Commission de nommer un tribunal pour enquêter sur le DPP, un juge ou le président de la République.

 

Le MMM va réclamer la suspension du directeur général de la commission, au comité parlementaire de l’ICAC. Ce même directeur qui, selon son assistante Shakila Bibi Jhungeer, accordait un traitement de faveur au DPP. N’êtes-vous pas en train de vous tromper de cible là ?

Les guerres intestines au sein de l’ICAC ne nous intéressent guère. Et les trois membres du board doivent tous partir. Dès le départ, ils ont été choisis de manière unilatérale. Le leader de l’opposition n’a pas été consulté. Il a juste été informé. Résultat, aujourd’hui l’ICAC fonctionne mal.

 

Qu’est-ce qui ne va pas à l’ICAC ? L’équipe actuelle, nommée par SAJ, a poursuivi le travail de son prédécesseur en obtenant la condamnation du fils, Pravind. C’est la plus grande preuve d’indépendance non ?

Vous êtes hilarant parce que je suis sûr que vous avez vu l’affidavit du DPP. Ce dernier explique que le directeur de l’ICAC a essayé d’influer sur lui pour rayer l’affaire.

 

Vous avez vu la réponse du directeur de l’ICAC ? C’était une réunion formelle. Il voulait être rassuré face à certains points de la défense. Pourquoi ce serait le DG de l’ICAC qui ment et pas le DPP ?

(Il hésite). Une affaire est en cour, il y a un changement de gouvernement, un nouveau directeur de l’ICAC appelle une réunion formelle pour discuter de la solidité de l’affaire avec le DPP. Pour vous, c’est normal ?

 

À chaque étape de toute affaire, la poursuite, l’ICAC et leurs officiers respectifs doivent bien peaufiner leur stratégie pour obtenir la victoire finale en cour, non ?

Non, je ne crois pas. Si c’est la version de l’ICAC, qu’elle rende publics les procès-verbaux de cette réunion soi-disant formelle et nous serons fixés !