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Malgré un démenti des autorités: Blue-Bay, de mal en pis

6 août 2015, 14:58

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Malgré un démenti des autorités: Blue-Bay, de mal en pis

Le parc marin de Blue-Bay, qui s’étend sur 353 hectares et abrite 38 espèces de coraux et au moins 72 espèces de poissons, est mal en point. Des vidéos tournées par des ONG ainsi que des documents, datant de 2012, tiraient déjà, à l’époque, la sonnette d’alarme quant à l’état de ce joyau. Le ministère de l’Environnement, lui, affirmait le contraire il y a peu dans une mise au point L’occasion  d’effectuer un tour d’horizon de la situation.

 

«L’état du parc est catastrophique», déplore VassenKauppaymootoo, océanologue.Il explique que le Jardin decorail – une des zones du parc – affiche un taux demortalité variant entre 70 % à 80 %. Sur l’ensemble du parc, les pertes sont estimées à 40 %. «Les coraux meurent et ce sont d’autres coraux invasifs, considérés comme de mauvaises herbes marines, qui les remplacent.» La raison de cette dégradation ? La pollutionentourant le parc marin, explique l’océanologue. «Il y a trop de développements près du lagon, de l’hydrocarbure dans l’eau, les pesticides et fertilisants des champs voisins qui s’y déversent, entre autres.» Autant de phénomènes qui sont àl’origine de la prolifération d’algues dans cette région,rendant l’eau opaque pendant plusieurs heures de la journée et privant les coraux de la lumière du soleil. Résultat : ils blanchissent avant de se briser.

 

«Dan lespas trwa zan finn ena boukou koray mor oubyen ki finn perdi zot kouler», renchéritAniset Nadal, skipper d’un bateau à fond de verre, qui opère dans la baie. «Ena plas bann glass botom nepli amenn touris parski li pa zoli pou gete.» Les tortues de meret les gros poissons sont rares, à tel point qu’il a dû abandonner son métier depêcheur. «Pa fasil pou travay aster», ajoute un autre skipper.N’a-t-il pas l’impression decontribuer, à travers son activité, à la dégradation decette région ? «Oui, bé ki pou fer ? Mo gagn pain sa, pou linstan péna solisyon…»

 

En attendant, pas besoin d’être un expert en la matière pour constater que le parc est en souffrance. Des coraux pâlots survivent au milieu de leurs congénères morts, qui servent tant bien que mal d’abri aux quelques poissons. L’eau, elle, est tout sauf translucide par endroits. La plage, elle, grouille de monde, les activités sont légion, même en jour de semaine. Au milieu, des sacs en plastique, des chiens errants qui se nourrissent des restes laissés par les pique-niqueurs, pour ne citer qu’eux.

 

Doris Sénèque habite Blue-Bay depuis 1996. Elle est aussi secrétaire de l’ONG Eco Sud, qui à a coeur le bien-être de cette région. Les contractuels qui nettoient la plage «font un travail formidable», soulignet- elle. Mais, dès qu’ils tournent le dos, des pollueurs irresponsables sévissent à nouveau. «Il faut voir l’état de la plage les dimanches après-midi et le lundi matin. Elle ressemble à un dépotoir ! Les gens n’utilisent pas de poubelles, sans parler des dégâts causés par les chiens errants et ceux que les maîtres ne tiennent pas en laisse…», s’indigne-t-elle.

 

Parmi les «plantes exotiques» que l’on retrouve sur la plage,bien enracinées : des couches, des bouteilles, alors que lescannettes, elles, flottent surl’eau. Une boîte de sardines vide a, pour sa part, trouvé refuge au milieu des coraux. «L’eau de pluie lave également les saletés qui se trouvent sur les routes dans la zone habitée. Chaque année, j’emmène des enfants visiter le parc et je remarque qu’il y a de plus en plus de coraux morts», fait valoir Doris Sénèque.

 

Pourtant, dans une réponse à un article paru dans l’express le 17 juillet dernier, le ministère de l’Environnement devait affirmer que «with respect to the parameters analysed, coastal water quality at Blue-Bay Marine Park complies with the Guidelines for Coastal Water Quality, Category A, Class A1 Coral Community». Une conclusion émise après que l’eau a été examinée, diton. Comment, dans ce cas, expliquer l’état des coraux ?

 



 

L’ONG Eco Sud est en présence de plusieurs documents concernant le parc marin et la plage de Blue-Bay. Sébastien Sauvage et Yan Hookoomsing affirment que le management plan de 2012 est resté dans les tiroirs. Alors que le dernier rapport national de Maurice présenté au secrétariat de la Convention pour la diversité biologique, datant d’avril 2015, fait ressortir que «marine biodiversity is threatened by habitats destruction, soil runoff and erosion result in excess nutrients from fertilizers and domestic sewage, which then leads to harmful algae blooms that block sunlight and deplete the water of oxygen. It also causes silt to build-up on coral reefs, which blocks sunlight necessary for coral to grow».

 

Plus loin dans le même document, il est souligné que«the threat of contamination of oligotrophic waters in Mauritius and deterioration in water quality by eutrophication and industrial wastes, in particular,metal pollution have caused a decline coverage of live corals to 10-30% in coastal lagoons around Mauritius in 2012 and exceeding the Redfield ratio for nutrients. Recent eutrophication in several Mauritius lagoons has highlighted the need for a greater understanding of nutrient sources to lagoon waters.»

 

«Il y a suffisamment de développements autour de la baie, il ne faudrait pas en rajouter», affirment Sébastien Sauvage et Doris Sénèque. Pour que la nature puisse se régénérer, il faudrait faire reculer le béton.

 

Sollicité pour une réaction, un préposé au ministère de la Pêche soutient que le management plan, étalé sur cinq ans et rédigé en 2012, est en phase d’implémentation. C’est le ministère de la Pêche qui s’en charge, en collaboration avec des ONG, souligne cette source.

 

Ce management plan a bénéficié du financement du Global Environment Facility – Small Grants Programme des Nations unies. «Cette riche biodiversité subit des pressions énormes à cause de la pollution», peut-on lire à la page 7 d’un document préparé par cette instance à cet effet.