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Sorcellerie dans la tête des «possédés»
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Sorcellerie dans la tête des «possédés»
Il avait le diable au corps. Ou dans la tête, selon ses proches. Raison pour laquelle Vikash Soondur aurait expédié un véhicule de police dans les flammes de l’enfer, à la suite d’incidents survenus à Khoyratty, en début de semaine.
embed video: https://www.youtube.com/watch?v=-bA6-vqJAx0
Des questions dès lors : le Malin est-il le vrai coupable ? Longanistes, limons, poules noires, sous-vêtements et noix de coco sont-ils responsables ? Explications rationnelles.
Ce n’est pas sorcier, lâche d’emblée le Dr Geeaneswar Gaya, psychiatre depuis plus de 30 ans. Il faut dire que des Emily Rose, il en a vu défiler pas mal au fil du temps. «C’est fou non ? Mais les gens sont prêts à se faire tabasser, à résister aux brûlures, à dépenser des fortunes pour ‘désenvoûter’ des proches. Mais dès qu’on parle du psy, là c’est autre chose…» Et de préciser qu’il compte bientôt se reconvertir en longaniste, «qui doit gagner bien plus d’argent» que lui.
Diable ! En attendant, peuton savoir ce qui passe dans la tête des gens qui disent avoir croisé la route de Satan, de démons et autres êtres maléfiques ? «Ca ne va pas, non ?» Les vrais sorciers, ce sont les maladies psychiatriques, ditil. À l’instar de l’hystérie. La personne qui en est atteinte est connectée à la réalité, mais pas tout à fait. Il arrive ainsi qu’elle se mette dans la peau de quelqu’un d’autre, qu’elle l’imite, qu’elle se mette à parler comme elle.
Les voix – qu’elles soient d’outre-tombe ou pas – ne sont pas les seuls symptômes de cette maladie, qui peuvent inciter la personne à s’automutiler, à avoir recours à la scarification, par exemple. «Elle peut prendre un bâton et se flageller. Si elle le fait, c’est en général pour réclamer de l’attention. Cette personne est extrêmement nerveuse, dépressive, elle souffre. On ne devient pas hystérique du jour au lendemain.» Puis, après quelque temps, quand la crise est passée, «li dir non, pas ti mwa sa !» En cas d’hystérie psychotique, elle se prend alors carrément pour quelqu’un d’autre, que ce soit une célébrité ou une personne lambda. Disons que dans ces cas-là, la «transformation» est complète.
Les mots sont barbares, mais ils résument les maux. Comme la dépression psychotique. La personne qui en souffre se sent mal, seule, triste à l’extrême. «Elle se sent tout à fait inutile, a l’impression d’être devenue un fardeau.» Résultat des courses : des hallucinations auditives, des voix qui disent : «Tonn fini to kont twa, to pa vo nanyé.» Un sentiment qui peut même pousser au suicide, prévient le Dr Gaya.
D’autres encore vivent dans un autre monde. Ainsi, quand la personne est psychotique, ce sont les cinq sens qui peuvent être altérés. Le package que lui propose son cerveau est alors complet : hallucinations auditives et visuelles, mais aussi olfactives, gustatives et tactiles. «Il y a des gens qui croient percevoir de drôles d’odeurs. Mais ils sont les seuls... Ou alors ils trouvent que leur nourriture a un drôle de goût, ils peuvent penser que quelqu’un y a mis du poison… Zot mem santi ki enn dimounn pé pass lamé ar zot.» Les proches, la bellemère ou le voisin atterrissent dès lors sur le banc des accusés.
Pour leur rendre la pareille, ou «pou tir diab», direction ensuite la tanière de ce brave longaniste, qui se fait une joie de «tir kass» de votre portemonnaie. Il ne vous reste alors plus qu’à «riss dia par laké» jusqu’à la fin du mois.
«Ce sont des manipulateurs qui abusent des gens qui ne sont ni bêtes ni intelligents, mais crédules !» s’indigne le psychiatre. D’ailleurs, un sorcier peut être suffisamment impressionnant pour que la méthode marche. «Ou trouv so makillaz, so coq likou touni, so balyé, ou guéri enn sel kou !»
Toujours est-il qu’à la place de Belzébuth ou d’un bhoot, ce sont les neurotransmetteurs diaboliques qui sont en cause. «Ce sont les messagers qui transmettent des directives. Des substances comme la dopamine arrivent alors en excès jusqu’au cerveau. Tout le système est déréglé.» Hypersensibilité, paranoïa et autres gros bobos sont alors au rendez-vous. «Si vous faites un sourire, le malade va croire que vous vous moquez de lui. Si vous parlez à voix basse, il va croire que vous dites des choses sur lui.» Mais il peut aussi partir dans un délire mystique, se prendre pour Dieu. «Les gens pensent alors qu’il suffit qu’ils imposent les mains pour guérir quelqu’un. Ils croient que tout est possible, ils en sont persuadés.»
Cette tradition qu’est le longanisme a-t-elle encore de beaux jours devant elle ? «Bah, c’est vrai que les gens évoluent petit à petit», estime le Dr Gaya. Mais la peur du psy est toujours là. «Avant, les anciens disaient qu’ils étaient contrôlés par une force surnaturelle. Aujourd’hui, les jeunes, branchés technologie, me disent qu’ils sont contrôlés par des satellites…»
Quoi qu’il en soit, les maladies psychiatriques peuvent aujourd’hui être guéries ou contrôlées, martèle le psychiatre. Mais il n’y a pas de miracle. Pour ce faire, il faudra compter sur les médicaments, notamment. Et non sur la magie noire, les sorcières et les balais.
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